« … A tour de rôle, Edith et Evelyne se relayaient auprès d’elle. Le nombre de malades allait croissant. Mais elles se savaient impuissantes : sans la moindre aspirine, le moindre anitibiotique, qu pouvaient-elles faire ?
L’état d’Emilienne ne cessait d’empirer, Edith posa sa main sur le front de sa mère. « Elle a au moins 40° de fièvre pensa-t-elle, et rien pour la faire baisser ».
Cette respiration sifflante ne présageait rien de bon. Sans médicament, Edith s’attendait au pire. Elle sortit de la grotte et alla à la recherche de son père. Elle le trouva de l’autre côté du camp, assis près de sa tente. Recroquevillé dans sa veste élimée, il ressemblait à un épouvantail cassé, il jeta sur sa fille un regard mi-surpris, mi-irrité.
– Je te dérange,papa ?… »
Je garde de bons souvenirs des livres de l’auteur Flore Hazoumé. Je me rappelle encore de ma frayeur en lisant l’une des nouvelles du recueil Cauchemars. Ces doux souvenirs m’ont conduit au Crépuscule de l’Homme.
J’ai pensé que cette histoire avait pour cadre un hôpital en lisant les premières lignes de la 4ème de couverture. J’ai été intriguée en lisant ses dernières lignes. L’histoire se déroule dans une grotte ? Un camp ? Quel est le cadre spatio-temporel de cette histoire ?
Les premières pages du livre ne me situent pas, j’ignore sur quel continent se trouve la ville de Bunjalaba. Elles me déroutent également, elles semblent être la fin de l’histoire. Je cesse de me triturer les méninges, me laisse porter par le ton captivant de la narratrice.
Je découvre Edith, étudiante en médecine légale, issue d’une famille bourgeoise, fille d’un père ministre et d’une mère férue d’art africain. Elle est amoureuse de Pascal Tuzbelbe, un étudiant en faculté de lettres avec une personnalité peu commune. Cet homme est intelligent, froid et si mystérieux !
Il marchait le torse bombé, le cou raide. Il avançait droit devant lui, ne regardant ni à droite, ni à gauche. Ses yeux étaient rivés, accrochés à l’horizon comme un but à atteindre, ou bien étaient-ils simplement tournés vers un monde intérieur inaccessible et mystérieux. Il marchait comme on va au combat.
« Mon DIEU » ! murmura Edith, contre quel ennemi invisible se bat-il ?
Pascal vit dans un immonde quartier, là où est le commencement, là où est le germe selon lui. C’est un agitateur de foules, qui multiplie les meeting sur le campus, incite les étudiants à lutter pour leur dignité et des conditions d’étude confortables.
Des révoltes estudiantines se profilent à l’horizon. On les sent arriver, comme on sent l’arrivée d’une pluie en scrutant les nuages. Les travailleurs réclament également de meilleures conditions de vie. La pluie se transforme alors en un puissant orage.
Les Tsatu, opprimés par les Sutu (le groupe ethnique au pouvoir), se rebellent également. Plus question de parler d’orage, c’est un gros cyclone qui arrive. On sait comment se terminent les conflits ethniques.
Les Tsatu et Sutu m’ont fait penser aux Hutu et Tutsi et la description des caractéristiques de ces deux ethnies ont confirmé mes pensées. L’auteur a fait un clin d’œil à l’histoire culturelle du Rwanda, les guerres fratricides entre les Hutu et Tutsi.
Mon cœur s’est serré en lisant l’excès de violence, les atrocités sans nom. Le lecteur baigne dans le lac de l’horreur et la vengeance.
J’ai été choquée de la facilité avec laquelle Gassana, le père d’Edith semait la graine de la haine dans le cœur des Sutu. Il est tellement plus facile de détruire que de construire…
Le chaos de la ville de Bunjalaba, tel un virus s’est propagé dans toute l’Afrique et le monde entier. La vie humaine se retire des continents. Puisqu’on n’arrive pas à vivre ensemble, la vie nous est repris. Puisque l’homme n’arrive plus à reconnaître l’humanité en l’autre, il disparaît de la surface de la terre. C’est l’apocalypse.
Cette vision apocalyptique du monde m’a gênée. Que des innocents meurent comme des coupables m’a attristée. J’aurais voulu que les personnages auxquels je m’étais attachée restent en vie, hélas !
Parlant de personnage, je n’ai pas réussi à élucider le mystère de Pascal, cet homme ni Tsatu, ni Sutu qui soulevait les foules, luttait pour le droit des plus faibles et qui avait signé un pacte avec Gassana. D’où venait-il ? Où est-il parti ? Qui était-il ? J’ai été un peu déçue que la narratrice nous laisse avec ces zones d’ombre.
Que dire de la forme de l’oeuvre ? Le style de la narratrice est limpide, dynamique. C’est difficile de lâcher le livre tant qu’on n’est pas arrivé au point final.
A qui je déconseille ce livre ?
- A ceux qui dépriment
- Ceux qui n’aiment pas les devoirs de mémoire
- Ceux qui n’aiment pas le genre fantastique et les romans historiques
- Ceux qui ne sortent pas indemne de leur lecture
Si vous n’êtes pas dans ces quatre catégories, je vous souhaite une très belle lecture.
Biographie de l’auteur
Petite fille de l’écrivain dahoméen Paul Hazoumé, Flore Hazoumé est née à Brazzaville en 1959. Lorsqu’en 1984 elle publie son premier recueil de nouvelles, « Rencontres », ils sont peu nombreux à imaginer qu’elle deviendra une figure de la littérature ivoirienne « tant elle semblait timide et pleine de doutes », confie un ami. Depuis, Flore Hazoumé s’est affirmée, son écriture aussi. Et si elle est peu prolifique, chacun de ses ouvrages est salué par la critique.
Quelques détails sur l’oeuvre
Nombre de pages : 200
Maison d’édition : CEDA
Date de publication : Janvier 2001