Une mère est recouverte de rouge à deux extrémités de la vie de son enfant : à sa naissance et à sa mort.
Dans la mère rouge de Cédric Marshall Kissy, il est question du rouge sang causé par la mort, les innombrables pertes en vies humaines causées par la crise politique ivoirienne de 2010. La Côte d’Ivoire, tendre mère, terre d’Eburnie perd ses enfants. Ils s’entretuent, piétinent leur fraternité, méprisent le caractère sacré de la vie.
Le nouveau schisme sismique
de l’Eburnie
l’Eburnie en sang
qui sans
cesse
s’abreuve du sang
du sang spumescent
de ses fils incinérés
à coups de haines
de haines homériques
de fiels héroïques
la voilà
la saison-des-tristesses-aigües
des détresses suraigües
la voilà
la saison-des-prostrations
où corps et âmes
chantent corps et âme
l’hymne de la Loi du Talion
où entonnent les cantiques
de la mort
ces voix
ces racèmes-de-voix
éclatées
ces voix qui hier parlaient le même
le même dialecte
mais qui pour des vétilles
des infantilismes
n’accordent plus leurs balafons
et voilà la résurgence de la tour de Babel !
Amère est la mer des balles tribales
qui sifflaient à brûle-pourpoint
qui submergeaient nos souffles essoufflés
qui tordaient le corps à nos vies divisées
décivilisées
désaccordées
qui morcelaient à force d’amours humorales
la patrie de la vraie fraternité
L’auteur en utilisant le canal poétique pour s’exprimer dit le mal de sa terre. Il rappelle au souvenir les morts de Duekoué, les innocents sacrifiés à l’autel de la haine. Il raconte la souffrance du peuple MAIS il ne veut pas que la mort soit le point final.
Il chante à tue-tête L’HYMNE A LA VIE.
mon âme silencieuse a vu trop de deuils
célébrés en trombe en fanfare d’innocents éviscérés
d’enfants pris aux trappes du désespoir
et dans les serres de guerres anonymes
je ne veux plus ouïr armes et larmes
de vivre seulement j’ai envie
vivre pour que vive l’amour
je veux conter ce long chant de vie
Nous bâtirons un château fort de paix
où réfugier nos espoirs saignants
il y a tant de mers de larmes bleues à assécher
tant de rires ternes à illuminer de joies à ranimer
que les antagonistes de la vie décampent !
de nos chants d’amour authentique
nous nous bâtirons une terre neuve
Ce poète veut inculquer l’espoir, ne se fait-il pas d’ailleurs appeler Le Poète de l’Espoir ?
Il garde intact l’espérance de voir sa nation renaître de ses cendres. Il ne veut pas que les enfants de la terre d’Eburnie vivent constamment dans le passé et la douleur mais qu’ils vivent au présent et bâtissent un avenir de paix.
Le poète rappelle aux fils leur devoir : ne jamais vêtir la mère du rouge de la violence, du sang mais la revêtir de l’orange de l’espérance, du blanc de la paix, du vert de l’espérance, du bleu de la quiétude.
Il le dit lui-même dans l’avant-propos : souvenons-nous : « notre devoir sera d’être un
modèle », un modèle de paix, de fraternité, d’espérance ; un modèle d’amour… car « la haine, c’est la colère des faibles » (Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin).
J’ai apprécié ma lecture pour cette hymne à la vie qu’elle véhicule, j’ai apprécié toutes ces références à la culture des différents peuples de mon pays : personnage mythique des Bété, divinité féminine chez les Abouré…
J’ai été un peu déconcertée par la mise en forme hétérogène des poèmes : certains étaient alignés à droite, d’autres en majuscule, d’autres centrés. J’ignore s’il y a une signification particulière.
J’ai trouvé un peu lourd le vocabulaire employé. Le vocabulaire est parfois très soutenu, ce qui est un avantage mais aussi un inconvénient pour ceux qui veulent lire l’esprit léger.
Biographie de l’auteur
Né en 1988 à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire), Cedric Marshall KISSY est doctorant ès lettres à l’université d’Abidjan (Côte d’Ivoire). Il est passionné de littérature, de culture et surtout de poésie, genre qui retient particulièrement son attention, même si la nouvelle et le roman sont aussi dans son champ d’écriture.
Il a été lauréat de plusieurs concours littéraires : 1er prix de poésie au concours littéraire national « Les Manuscrits d’or », déc. 2009 ; 1er rang lors du concours francophone en ligne sur « La plus belle lettre », 2010 ; 1er prix au concours de poésie, par le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, janv. 2013 ; grand prix littéraire Zadi Zaourou de poésie, par l’Association des Ecrivains de Côte d’Ivoire (AECI), 2014.
Quelques détails de l’oeuvre
Nombre de pages : 66
Publié en mars 2016
Publié par les éditions Eden