Roger est le fils aîné de Ngonda Moussima Bobé, femme dont la parole écrase celle de son mari.
L’école n’est pas son fort. Il a vingt ans et vient d’obtenir le brevet. Jean, son cadet de deux ans vient d’avoir le baccalauréat.
Sa passion c’est le sport. Il est né pour le foot. Il s’entraîne clandestinement. Il rêve d’être une grande star du ballon rond. Sa mère s’y oppose catégoriquement.
Nous voulons tous un bon avenir pour nos fils : qu’ils se lèvent le matin, enfilent leur costume-cravate, prennent leur mallette et aillent travailler. C’est ça, avoir un vrai-vrai boulot.
L’entêtement du fils provoque la colère de la mère. Elle a pris pour habitude de le tabasser pour un oui ou un non. Entre mère et fils, il y a de la colère, des coups, du rejet, de la souffrance.
Roger souffre de la comparaison perpétuelle entre son frère et lui. Il souffre de la sévérité de sa mère envers lui. Son frère est le préféré, la fierté. Ne l’appelle-t-elle pas Choupi ?
Ngonda a le génotype d’un monstre. Abonnée aux églises évangéliques où satan est aperçu partout, elle voit en son fils un enfant du malheur.
Un jour, Roger est porté disparu. Jean et Simon, leur frère-ami, apprennent que Roger a boza.
Boza c’est l’aventure. Tout un périple complexe qui mène les bozayeurs, par petites étapes, du Cameroun jusqu’en Europe en passant par le Nigéria. Malgré le déprimant retour des bozayeurs machanceux, rien n’entame la ferveur des partants.
Partir s’en aller coûte que coûte. Partir en Mbeng. Partir chez le blanc même s’il faut boza,même si l’on a des diplômes en poche. Surtout si on a des diplômes. Il faut partir pour croire en son avenir. Dans ce pays, doivent-ils se dire, ils ne deviendront rien. Rien du tout.
Jean et Simon vont à la recherche de Roger.
Yaoundé – Ngaounderé – Garoua – Maroua. Dans chacune des villes, Jean nous décrit l’atmosphère des quartiers, l’attitude des habitants. Le narrateur mixe français courant et camfranglais, langage populaire réaliste qui cadre avec le contexte du récit.
On est immergé dans la vie quotidienne des camerounais. On prend une bière, on mange au “tourne-dos” avec eux. On rit beaucoup dans ce roman et c’est l’un de ses points forts.
On s’esclaffe mais on a aussi peur de Boko Haram. La menace terroriste plane et cela effraie Jean au fur et à mesure qu’ils se rapprochent du Nigéria.
Jean est loin d’être téméraire, il se repose sur Simon. Il est encore très loin de s’intéresser aux femmes. Jean est homosexuel, il l’assume en silence.
L’homosexualité n’est pas le sujet favori en Afrique. C’est par contre un thème récurrent chez Max Lobe. Il clame son homosexualité ; il l’écrit aussi.
Loin de Douala est un roman très léger, il se lit vite. Les 25 chapitres qui forment la charpente du livre sont courts et facilitent la fluidité de la lecture.
J’ai apprécié mon temps de lecture mais je suis restée sur ma faim concernant Roger. Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler.
C’est le premier roman que je lis de l’auteur et je ne pense pas que je lirai délibérément le prochain. Auteur transgressif à sa manière, il promet dans son prochain livre (l’histoire d’un jeune homme noir qui mène une vie de débauche) le retour de scènes d’amour plus crues, à plusieurs.
Dans un article du Jeune Afrique de Mai 2018, on relatait ses propos :
Max Lobe considère aussi son dernier roman comme une entorse à la « littérature africaine », qui privilégie trop souvent, selon lui, les sujets graves tels que la guerre, la colonisation, la sorcellerie, les enfants-soldats, la famine. « Pourquoi faudrait-il occulter les histoires d’amour, s’interdire d’écrire sur une mère qui pleure son fils, sur des filles qui tombent enceintes et sont abandonnées, en somme, sur la vie quotidienne ? interroge-t-il. Les auteurs anglophones tels que Chimamanda Ngozi Adichie sont parvenus à passer outre cette injonction à ne traiter que de sujets graves. Les auteurs francophones devraient eux aussi y parvenir. »
En tant qu’écrivaine de romans d’amour, je plussoie. Partagez-vous son avis ?