Sur l’île d’Anjouan, Dérangé est un humble docker. Avec son chariot rafistolé et ses vêtements rapiécés, il essaie modestement chaque jour de trouver assez de travail pour se nourrir. Mais un matin, alors qu’il s’est mis à la recherche d’un nouveau client, Dérangé croise le chemin d’une femme si éblouissante qu’elle « ravage tout sur son passage ». Engagé par cette femme dans un défi insensé qui l’oppose au Pipipi (trio maléfique des trois dockers Pirate, Pistolet et Pitié), le pauvre homme va voir son existence totalement chamboulée.
La belle insiste,
ma bête persiste
Deux vers qui dès les premières pages donnent déjà le ton au récit. Nul n’entre ici s’il n’aime la poésie et ses multiples facettes…
Le narrateur crie sa douleur.
Le cri est une arme de destruction massive. Non, plutôt une arme de protection massive. Il ne rend pas faible, loin de là. Il libère. Juste ça. Oui. C’est la seule consolation d’un souffre-douleur sur qui pleut l’oppression et brille la longanimité. Le véritable témoin d’une victime. Un témoin fidèle.
On l’appelle Dérangé à son insu et il nous raconte la cause de sa douleur. Dérangé est docker au au port international Ahmed-Abdallah-Abderemane de Mutsamudu et la concurrence est rude.
Un jour, alors que les PiPiPi (Pirate, Pistolet et Pitié), un trio d’enfer et lui se précipitent au-devant d’un bateau en quête d’un chargement à convoyer, une magnifique dame descend du bateau et loue les services de Dérangé. Les PiPiPi sont dépités. La femme propose alors au trio et à Dérangé de relever un étrange défi. Nul ne sait à cet instant qu’elle a en tête un autre défi plus sombre à proposer à Dérangé….
Ce roman aux parties aux longueurs plus ou moins variées se lit d’une traite.
Si l’auteur décrit le quotidien d’un docker aux Comores, il évoque également le harcèlement sexuel subi par les hommes.
Ali Zamir utilise ces mots qui ne sont plus d’usage, ces mots délaissés, oubliés pour incarner son personnage principal. Il garde sa particularité : celle de donner comme nom à ses personnages des adjectifs: casse-pied, pitié, pirate, dérangé.
Dérangé que je suis offre une valse à différents tempos, un patchwork linguistique : registre courant, soutenu et familier.
L’auteur manipule à sa guise la langue française mais il faut avouer qu’il ne laisse pas totalement la voix à son personnage. En effet, il ne lui permet pas de s’exprimer tel qu’un docker le ferait.
Éditeur : Le Tripode
Date de publication : Janvier 2019
Disponible aux formats papier et numérique
Roman présélectionné pour le Prix les Afriques 2020