Les lèvres couleur sang, le soleil d’un orange inédit, les roues d’un train qui semblent dire «ta faute, ta faute, ta faute» : voilà quelques exemples des choses que Mary Ventura commence à remarquer, lors de son voyage en train vers le neuvième royaume. «Mais qu’est-ce que le neuvième royaume?» demande-t-elle à sa voisine, qui semble plus au courant. «C’est le royaume de la volonté pétrifiée. Il n’y a pas de voyage de retour.»
L’étrange et sombre récit de Sylvia Plath, celui de l’indépendance, de l’infanticide, écrit à vingt ans – quelques mois avant sa première tentative de suicide -, est aux prises avec la mortalité en mouvement. Écrit en 1952, alors que Sylvia Plath étudiait au Smith College, Mary Ventura et le neuvième royaume n’avait encore jamais été publié.

Je poursuis ma découverte de la collection lanonpareille des éditions de La Table Ronde.
La première de couverture illustre bien le décor du récit. L’histoire se déroule en grande partie dans le train. Mary Ventura, notre héroïne, doit effectuer un voyage vers le Nord. Elle n’est pas prête à faire le voyage mais ses parents l’y obligent.
Ce voyage ne sera qu’une formalité. Tout le monde doit quitter son foyer à un moment donné. Tout le monde doit s’en aller tôt ou tard.
Mary cède. Le voyage se déroule bien jusqu’à ce que des insinuations, des gestes de voyageurs, des marchands ou des contrôleurs rendent le voyage terrifiant…
Mary doit descendre au dernier arrêt appelé le neuvième royaume et dans ce train, les voyageurs ne peuvent pas se rétracter.
Il n’y a pas de voyage de retour sur cette ligne, dit la femme avec douceur. On ne revient pas en arrière une fois qu’on est au neuvième royaume. C’est le royaume de la négation, de la volonté pétrifiée. Il a un tas de noms différents.
La tension monte crescendo. On imagine le sort réservé à Mary.
Avec son allure de conte symbolique, cette nouvelle d’une quarantaine de pages peut être interprété de mille façons. Se libérer du conformisme, avoir le courage de dire non, créer sa propre voie, poursuivre sa route malgré les obstacles telles sont les leçons que j’ai retenues. Mary Ventura et le neuvième royaume m’a rappelé quelques livres de Paulo Coelho 😀
Je ne suis pas obligée d’obéir à toutes les lois. Seulement aux lois naturelles.
– Je vais tirer le signal d’alarme
– Ah, chuchota-t-elle, c’est bien. Vous, vous avez du cran. Vous avez deviné juste. C’est la seule solution qui reste. La seule affirmation de volonté qui subsiste. Je croyais que cette faculté aussi était gelée. Il y a une chance à présent.
En décembre 1952, le magazine Mademoiselle avait refusé la publication de cette nouvelle. Merci aux éditions de La Table Ronde qui ont publié pour la première fois l’œuvre d’origine refusée par Mademoiselle.