Île austronésienne depuis des millénaires, refuge pour pirates, terre d’exil pour paysans chinois, l’île de Taïwan n’a pendant longtemps guère éveillé l’intérêt de ses voisins. Colonie japonaise jusqu’en 1945, Taïwan passa sous le contrôle de la Chine nationaliste à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vaincus en Chine par les communistes, le gouvernement et l’armée nationalistes se replièrent en 1949 à Taïwan, où ils maintinrent jusqu’au milieu des années 1980 un régime autoritaire qui puisait une partie de sa légitimité dans la mise à l’honneur de l’héritage chinois. Aujourd’hui, Taïwan est l’un des pays d’Asie les plus démocratiques, et sans conteste celui où les libertés publiques et individuelles sont les mieux respectées. Toutes écrites après l’an 2000, les nouvelles de ce recueil expriment les incertitudes politiques liées à la géographie, mais aussi cette profonde liberté vécue au quotidien, avec une grande sérénité. C’est d’abord de l’île dont parlent ces textes. La mer n’est jamais loin, que l’on s’y perde ou que l’on s’y raccroche, qu’on en tire sa subsistance ou qu’on y éprouve sa valeur personnelle. Par-delà des traditions différentes qui, mêlées, ont forgé l’identité des Taïwanais, ceux-ci ont des histoires à partager.

J’ai d’abord été charmée par la couverture du livre. Je la trouve gaie et lumineuse. Et j’avoue, tout ce qui a une touche de rose me fait fondre.
6 nouvelles, 6 auteurs avec une parité homme-femme.
Chaque vie laisse inévitablement derrière elle des histoires et ce sont ces histoires que chaque nouvelle de ce recueil raconte.
Les nouvelles se lisent vite, chacune d’elles a un style captivant. Les auteurs jouent avec les mots et les noms. J’ai beaucoup apprécié l’originalité des noms de certains personnages: la grand-mère qu’on surnomme Nouilles, la copine qui s’appelle Mandarine et qu’on trompe avec Pomme, Tomate, Bananette, Litchi, une jeune femme qui se fait appeler Mer et son prétendant d’un soir qui se prénomme Moustique.
La mer est présente. Elle est évoquée, imagée. Le pêcheur de Tsai Suh-fen fait de l’océan le miroir, fidèle ou inversé, des destinées sociales, des espoirs, des renoncements.
La liberté de corps, le détachement vis-à-vis des convenances est évoquée dans la Moustique et Mer de Kao Yi-feng.
Il y a un côté facétieux dans certaines nouvelles. Et là où la comédie traîne, le dramatique n’est jamais bien loin. Les personnages ont des failles, des douleurs qu’ils tentent de contourner. Dans la nouvelle Le frigo de Ko Yu-fen, Mandarine se coupe du monde empli de trahison de son copain en se réfugiant dans son frigo. Dans la nouvelle que j’ai préférée, Les dégustations de Sabrina Huang, l’héroïne se cache de sa douleur à travers une dégustation névrotique de mets. J’ai apprécié découvrir les traditions liées aux banquets de mariage et surtout la chute de cette nouvelle que je n’avais pas vu venir.
Moi qui n’arrivais plus à trouver mon compte dans la collection Miniatures, Taïwan vient de me redonner goût et envie à ce voyage autour du monde proposé par les éditions Magellan.