Publié dans Anémone

Fêtes de fin d’année – BYNF Challenge

Mes copines bloggeuses/youtubeuses noires francophones ont décidé de faire un calendrier de l’Avent pour les fêtes de fin d’année !

Chaque jour, vous aurez droit à un article sur la beauté, la mode, le lifestyle …

https://www.myadvent.net/calendars/?id=c4de064e65c3b435beec3eb7f772e298

J’ai d’abord voulu vous présenter une histoire romantique mais ma Muse a décidé de travailler sur le chapitre 4 d’Anémone. (c’est elle la boss) Vous pourrez lire les chapitres précédents ici

anemone

Anémone – Chapitre 4 

Je suis l’illustration du jour et de la nuit depuis quatre mois, quatre longs mois. Souriante, à l’école maternelle et sombre quand je rentre chez moi.

« La femme sera toujours la matrice et le berceau, mais jamais le tombeau »[1] L’auteur de cette phrase ne m’a pas connue sinon il n’aurait jamais écrit ça.

Pourquoi mon ventre ne veut pas conserver la vie ? Pourquoi de mes entrailles, il ne sort que le néant ? Qu’ai-je fait de mal pour ne pas mériter d’être une mère ?

Ce soir, je ne cuisine que pour lui. Sa table apprêtée, je pars m’étendre sur mon lit, les yeux fixés sur le plafond.

Il est entré et m’a rejoint sur le lit. Il m’oblige à le regarder, je ne peux m’empêcher de penser à ses yeux, ses lèvres dont nos petits auraient hérité. Il est tellement beau mon Lary, sa progéniture doit être assurée. Si je ne suis pas en mesure de le faire, une autre doit le faire.

  • Je comprendrai si tu envisages d’avoir un enfant d’une autre
  • Je t’arrête tout de suite…
  • Ton nom ne doit pas s’éteindre. continué-je. Ta famille ne doit pas remettre en cause ta virilité. Tu ne dois pas te priver du bonheur d’être père parce que ta femme ne peut pas remplir son devoir.
  • Mais ce n’est pas ça qui me rend heureux, Jany ! Ce qui me rend heureux c’est de t’avoir  à mes côtés, savoir que tu m’aimes.
  • Ce n’est pas ce qui te rend heureux ? Arrête  de raconter des mensonges, Lary. Ne me fais pas croire que tu es trop romantique, trop amoureux au point de ne pas vouloir d’enfant. répliqué-je le regard incrédule
  • Ce n’est pas ce que j’ai dit.
  • Oui et ce que tu dis n’est point la réalité. Bref ! Je ne pourrai pas assurer ta descendance, Lary. J’espère que…

Il se dirige vers la salle d’eau, claque la porte. Je fonds en larmes. Il n’y a personne pour porter ma peine.

****

Le temps s’écoule sans la moindre considération à mon égard. Il continue son chemin sans prendre la peine de cicatriser ma blessure de femme, d’effacer mon insatisfaction, ma frustration. Avec Lary, la communication est quasi inexistante, j’ai tellement honte de lui parler après avoir perdu ses enfants. Il souffre de me voir si triste, moi je souffre de ne pas lui donner d’enfant.

A l’école, nous préparons la fête de Noel. J’apprends à mes bouts de chou à faire des décorations pour le sapin de l’école. Ils attendent impatiemment leur cadeau. Je me surprends à attendre moi aussi un cadeau du Père Noel…

****

Le marché d’Adjamé grouille de monde, difficile de se déplacer parmi les étals. Les Abidjanaises préparent ardemment leurs fêtes de fin d’année, le sourire vissé aux lèvres. Victuailles, tissus, chaussures, sacs à main, cadeaux pour enfants, elles tentent de négocier puis capitulent. A Noël, le client n’est plus roi.

Des enfants portent leurs courses en échange de pièces de monnaie. Des enfants qui n’auront pas de cadeau de Noël pour la plupart. Deux d’entre eux m’abordent, ils doivent être frère et sœur. Ils veulent porter mes sacs. Il n’y a presque rien à l’intérieur : une nappe à motifs boule de Noël, des mètres de lin blanc mais je n’ose pas leur dire non. Un marchand de poki passe à côté de moi. Je l’arrête, lui demande de servir l’équivalent de 200 francs à chacun. Je leur offre, ils hésitent. Je leur dis que le père Noel m’a demandé de leur offrir des glaces et de les couvrir de cadeaux aujourd’hui. Ils ne me croient pas. « Le Père Noël n’existe pas » affirme la fille qui semble être l’aînée. « Il ne nous a jamais donné de cadeaux » renchérit le garçon. Je me retiens pour ne pas verser des larmes. Je leur demande leurs prénoms.

  • Naty et Fofié, c’est parce qu’il ne vous a pas oubliés qu’il m’a demandé de venir cette année. Il va vous donner plein de cadeaux. déclaré-je avec un immense sourire

Comme ils ne me croient pas, je leur demande d’entrer dans un magasin de jouets.  Fofié se précipite pour y entrer, est stoppé dans son élan par sa sœur. Ce qu’elle exprime me fend le cœur.

  • Nous, on a plus besoin de manger que d’avoir des cadeaux. Pourquoi, tu pleures, tantie ?
  • Vous êtes les seuls êtres au monde qui ne doivent manquer de rien. réponds-je la voix étranglée Que voulez-vous manger ?
  • Du lait, du riz, du sucre. Maman nous fera la bouillie. répond spontanément Fofié. Et du poulet ! On n’en mange plus depuis la mort de papa. 

Depuis quand ? Ai-je envie de demander mais les yeux embués de larmes de Naty me défendent de parler. Nous entrons dans une supérette. J’y achète les vivres ainsi que quelques biscuits. Nous partons également au Forum acheter un poulet. Ils me racontent leurs journées au marché durant le trajet. Ils me disent qu’ils vont prier pour que Dieu me bénisse. Dans mon cœur, je Lui demande de veiller sur eux ainsi que sur tous ces enfants qui vivent comme eux…

*C’est Noël, n’oublions pas les démunis, les orphelins, les veuves. Nul n’a le droit d’être heureux tout seul….

[1] Citation de Khalil Gibran

signature coeur graceminlibe

Publié dans Anémone

Jamais un sans deux

jamais un sans deux

Anémone – Chapitre 3 

Je suis rentrée de l’hôpital, il y a neuf jours. Heureusement qu’on n’avait pas commencé à aménager la chambre du bébé, ça m’aurait effondrée. J’ai fait une fausse couche spontanée avant d’avoir eu l’occasion d’annoncer à mes proches que je portais la vie en moi.
J’ai perdu mon bébé avant de l’avoir senti bouger en moi. J’ai échoué dans mon rôle de mère : je n’ai pas pu garder mon enfant, je n’ai pas su maintenir sa vie.

Lary me dit d’éviter ces pensées, je ne suis ni auteure, ni propriétaire de la vie.
Il en a, des paroles de sagesse en réserve. Il les sort pour taire mes larmes mais la sagesse ne me guérira pas. Elle n’effacera pas cette perte, cette 1ère tentative échouée.

J’évite de croiser ma voisine, je me sens tellement moins femme qu’elle. Elle a deux enfants en bonne santé, qu’ai-je moi ?
J’évite de regarder mon ventre. Lui donner des coups ce n’est pas l’envie qui me manque.

«Mon utérus n’était peut-être pas encore tout à fait prêt à garder la vie.» C’est l’unique hypothèse qu’a retenu Docteur Assezo pour expliquer ma fausse couche. Il m’a conseillé d’attendre encore un peu avant de retenter l’expérience. Je ne dois pas paniquer, la prochaine fois se passera mieux, mon utérus sera habitué. M’a-t-il dit avec le sourire.
Pfft ! Attendre, je ne fais que ça…

Je me sens tellement vide ! Je me sentirais inutile sur cette terre s’il n’y avait pas mes bouts de chou de la petite section. Ils sont mon bol d’air frais, je leur donne tout mon amour de femme destinée à être mère. Comment ferai-je quand l’année scolaire prendra fin dans deux semaines ?

****
J’aurais entamé mon sixième mois si la Providence m’avait laissé le choix de donner la vie. Lary aimerait bien qu’on retente l’expérience mais je sais qu’avoir un enfant ne motive pas son désir. Il aimerait qu’on retrouve notre intimité, l’extase ; il ne veut que ça.
Je n’ai pas envie de recommencer, je veux juste continuer, reprendre là où l’on m’a stoppée dans mon élan.
Je lutte contre la tristesse, m’évade comme je peux à travers la lecture et les visites familiales mais mon abîme m’engloutit lorsque je vois ma belle-mère être aussi attentionnée envers son unique petit-fils et dire qu’elle n’a que lui. J’ai l’impression qu’elle fait exprès.
J’ai profité des vacances scolaires pour aller passer du temps à Vavoua, là où ma mère passe ses vieux jours. Elle m’a sermonnée lorsque je lui ai dit que je n’ai plus goût à la vie depuis que j’ai perdu mon bébé. Elle m’a dit : « Une femme ne courbe pas l’échine à la première épreuve. »
Elle a constamment les yeux sur moi, veille à ce que je ne pleure pas. Elle m’a gavée de médicaments traditionnels, ils renforceront mon utérus, m’a-t-elle dit.
Ce séjour d’un mois loin d’Abidjan m’a fait du bien. Je rentre revigorée, prête à être mère à nouveau.

****

J’essaie d’être mère mais pas comme la première fois. Je n’impose aucun régime, mode de vie à Lary. Je n’ai pas envie de forcer les choses pour que la Providence me les reprenne à la fin. Je laisse mon corps se reposer, aller à son rythme. Je serai enceinte quand il sera prêt à accueillir une grossesse. Lary est heureux de mon nouvel état d’esprit.
Une nouvelle année scolaire a débuté et j’ai encore la classe de petite section ; la directrice de l’établissement trouve que j’excelle avec eux.
Mackenzie me manque énormément, sa mère l’a inscrite dans une autre école. Je me fais beaucoup de souci pour cette petite fille, j’ignore pourquoi.

Je suis plus que surprise de trouver Lary devant l’école à la fin de la journée. Il n’y est pas venu depuis deux ans ! Nous rentrons en taxi chez nous. Après un bain langoureux, nous sortons bras dessus dessous. 
Je suis émue lorsque nous franchissons le seuil du restaurant du Sofitel Ivoire. Nous n’avons pas eu une telle sortie depuis si longtemps. Il me tire la chaise pour que je puisse m’asseoir, me couve du regard durant tout le dîner. Je saisis encore plus la chance que j’ai d’avoir un homme aussi aimant à mes côtés.

– Je t’aime. Lui dis-je dans un souffle
– J’ai compris ce que c’est qu’aimer avec toi ma Janyce. me dit-il en me prenant la main
– Nous sommes un si joli couple
Et on formera une si jolie famille. Complété-je en mon for intérieur. Le violent désir d’avoir une famille revient lentement à la surface, j’essaie de le canaliser.

– Janyce, tu as entendu ce que j’ai dit ?
– Désolée, mon amour. Je me demandais comment te remercier pour cette belle soirée.

Il sourit, je mets mon doigt dans le creux de sa fossette gauche. Notre enfant l’aura-t-il ? Le visage d’un enfant passe dans mon esprit lorsqu’il m’interpelle encore une fois :

– Ça te dit qu’on passe le week-end prochain à Yamoussoukro ? Je ne travaille pas, on pourrait en profiter pour changer d’air.

Son implication dans notre vie de couple me touche énormément. Je sais qu’il aura la même attitude pour notre vie de famille et je me réjouis d’avance.
J’ai droit à un massage relaxant lorsque nous rentrons à la maison. Mon mari est un trésor et je ne l’échangerai pour rien au monde.

****

Je souris en lissant les plis de ma robe. Lary a insisté pour que je la porte aujourd’hui. Je ne l’ai jamais vu autant amoureux.
La pause de 10 heures vient de commencer, je peux en profiter pour l’appeler. A l’écart des enfants, j’adresse des mots d’amour à mon compagnon de vie.

Abdallah me propose une part de son gâteau à l’ananas. Il a l’air trop appétissant pour que me vienne à l’esprit l’idée de refuser. Je le remercie, engloutis le morceau. Qu’est-ce qu’il est bon ! Je ne dirai pas non à un autre morceau mais comment le demander à Abdallah ? Je n’ai jamais demandé le goûter de l’un de mes petits.

Nous retournons à nos activités d’éveil. Je montre à Matthieu comment colorier en restant dans le cercle lorsque je suis prise d’une nausée. Je vide mon estomac (et peut-être plus) dans les toilettes.
J’accueille la fin de la journée avec enthousiasme. Je ne me sens pas bien, j’ai eu le tournis tout l’après-midi. J’avale des médicaments traditionnels contre le paludisme dès que je rentre.

Je ne me porte pas mieux les jours suivants. Lary m’a demandé d’aller voir un médecin mais je refuse d’y aller. J’ignore pourquoi mais j’ai peur d’y aller. Je traite mon mal à la cause inconnue avec les médicaments que ma mère m’a remis.
Un fait m’alerte quelques jours plus tard : j’ai une absence de menstruations depuis le mois dernier.

****

Je cours aux toilettes avant que mon mari ne se réveille. Je dois vérifier si je suis enceinte. Mon cœur n’a jamais autant battu la chamade. Et si…
Je ferme les yeux, inspire un grand coup avant de regarder le test de grossesse. Je manque de m’évanouir, les deux barres sont là.

Je glisse le long de la porte d’entrée. Je suis enceinte pour la deuxième fois de ma vie. Je porte instinctivement la main à mon ventre, le caresse. Je vais avoir un bébé.

Je vais discrètement voir mon gynécologue le lendemain. Je saute à son cou lorsqu’il me confirme ce que je sais déjà. Je pleure comme une madeleine quand il m’annonce que j’attends des jumeaux ! Oh ! Dieu n’a pas pris plaisir à mes larmes de souffrance. Voyez, ma récompense !

Lary est surpris par le dîner aux chandelles que j’ai organisé pour nous. A sa question « Que fête-t-on ce soir ? » je réponds en lui offrant un paquet cadeau. Il sourit quand il voit le test de grossesse, lit la carte de compliments que je lui ai confectionnée. Il a des larmes dans la voix lorsqu’il découvre l’échographie.

– Je n’arrive pas à y croire.
– …
– On va avoir des jumeaux. poursuit-il
– N’est-ce pas merveilleux ? complété-je un large sourire aux lèvres. Dieu a entendu mes prières. Il est fidèle, Lary. Il remplace doublement ce qu’on perd. On devrait faire une offrande d’actions de grâces à l’église.

– Deux enfants d’un coup, ça veut dire deux fois de plus de couche, une double scolarité à payer, un…
– Pardon ? l’interromps-je d’une voix tonnante. Je vais te donner deux enfants et tu penses immédiatement à tes finances ?! Quel genre d’hommes es-tu ?
– Désolé, j’ai pensé tout haut. Ce n’est pas ce que je voulais dire. réplique-t-il embêté.
– J’aurais dû garder la nouvelle pour moi. Conclus-je. Et ne t’en fais pas pour les charges, je vais faire mon possible pour que mes enfants ne manquent de rien. Celui qui m’a fait la grâce de les avoir pourvoira à leurs besoins.
– Janyce, écoute. Je ne nie pas que j’ai pris en considération toutes les dépenses en double qu’on aura à faire mais je suis content d’être le père de jumeaux.

Il me prend dans ses bras.

– Je ne ferai plus allusion aux finances, je vais profiter du bonheur d’être père. Pardonne-moi ma chérie. conclut-il en me caressant légèrement la joue

Je l’embrasse légèrement. L’excès de joie dans mon cœur ne laisse aucune place à la rancune. Je laisse les valises de sentiments négatifs sur le quai de la gare avant de monter dans le train de ma vie de mère.

****

Ma belle-mère a voulu me mettre au dos lorsqu’on lui a annoncé que j’attends des jumeaux. Elle est si heureuse ! Elle est à mes petits soins, passe régulièrement me faire de bons plats.
Je suis chouchoutée par ma belle-famille et mon mari et j’en profite. Docteur Assezo suit ma grossesse gémellaire avec attention ; je fais le plein de vitamines, me repose au maximum.
J’entame la nouvelle année avec soulagement et confiance. Je suis à 16 semaines de grossesse, ma 1ère grossesse n’a pas dépassé ce cap. Chaque jour, j’adresse des prières de reconnaissance et de demande de protection à DIEU ; mon miracle ira jusqu’au bout. 

****

J’ai ma deuxième échographie aujourd’hui. Je suis toute excitée, je connaîtrai le sexe de mes bébés. Un large sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je les vois à l’écran, j’ai hâte de les avoir dans mes bras, de les câliner. Leurs sexes apparaissent bien à l’écran, j’attends des garçons ! Lary sera aux anges.

Je pleure comme une fontaine quand je les sens bouger pour la première fois. Mes enfants sont en vie et en bonne santé. 

Je m’empresse d’acheter à la fin de ma consultation un livre de naissance pour jumeaux avec des illustrations craquantes et des graphismes tendances. Un espace est dédié à chaque bébé, des pages spécifiques retracent leur caractère, évolution et goûts. J’ai hâte d’inscrire leurs premiers mots, premières bêtises. En attendant, je colle mes échographies.

Je retourne à l’école l’après-midi. Les enfants sont très intrigués par la forme de mon ventre, ils m’ont tous demandé ce qu’il y avait à l’intérieur pour qu’il soit aussi gros. J’ai remarqué que les filles le touchaient plus que les garçons, c’est sûrement l’appel du mâle.

Je rentre exténuée du boulot, heureusement que je n’ai pas à cuisiner et faire le ménage. Yasmine, notre aide-ménagère s’occupe de ces tâches. Je dors au moment où Lary rentre du boulot. Ses doux câlins me sortent du rêve magnifique que je faisais.

– Bonsoir ma reine.
–  Je suis toujours ta reine avec ce masque de grossesse et mes kilos en plus ?
– Tu le seras toujours même avec le crâne rasé. Alors vous êtes des princes ou des princesses ? s’enquiert-il en embrassant mon ventre.

Il exulte de joie lorsque je réponds. Il pense immédiatement à leurs prénoms.

– Raphaël et Gabriel, c’est parfait.
– J’aime bien mais ce serait bien qu’on leur donne deux prénoms, non ?
– Ça ne me dérange pas. répond-il entre deux baisers.
– Leurs prénoms pourraient commencer par les initiales de nos prénoms. Le premier aura un prénom qui commence par L et le deuxième par J.
– Léo Raphaël et Jules Gabriel. Comment tu trouves ?
– Ce n’est pas mal. J’espère qu’ils prendront tout de toi : ton teint clair, ton nez, tes petites lèvres. Tu es tellement beau, mon Lary.
– Et tu es également belle, mon étoile. Je suis tellement fier d’avoir une femme au teint d’ébène avec des lèvres pulpeuses et des formes généreuses. J’aime tout de toi.

Nos lèvres se perdent dans le labyrinthe des baisers fougueux. Je me donne sans retenue à l’homme qui fera de moi une mère.

****

J’entame ma 25 ème semaine de grossesse et je suis déjà à bout. Mes pieds sont enflés, j’ai constamment des crampes et la lombalgie.

Ma belle-mère passe la matinée avec moi. L’après-midi, je le passe avec ma cousine Beryl. C’est mon unique amie et confidente. Elle ne vit malheureusement plus en Côte d’Ivoire mais en Afrique du Sud avec sa petite famille. Elle a bien envie de rentrer au pays mais son mari ne veut quitter le sien que pour les Etats-Unis.

Nous conversons à bâtons rompus durant des heures. Je l’accompagne prendre un taxi en début de soirée. Je rejoins la maison lorsqu’une dame m’interpelle. D’un air inquiet, elle m’annonce que ma robe est tâchée. De quoi ?

Je me mords la lèvre quand elle me dit ma robe d’un vert pâle est toute rouge. J’ignore comment je fais pour arriver à la maison. Yasmine m’accompagne à l’hôpital. Je prie durant tout le trajet, je ne veux pas penser au pire.

Docteur Assezo me prend rapidement en charge. Il me fait une échographie afin de savoir d’où provient le saignement. Je m’alarme lorsqu’il me dit qu’on doit me faire une césarienne pour faire sortir les bébés. C’est trop tôt mais ils ne sont plus en sécurité dans mon ventre. Le visage baigné de larmes, je lui demande d’appeler mon mari. Je veux qu’il soit à mes côtés.

****

Je suis au jardin botanique de Bingerville avec Gabriel, Raphaël et leur papa. Raphaël est suspendu à mon cou, Gabriel à celui de son père. Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. A leur naissance, je n’arrivais pas à les distinguer.

Je fais descendre Raphaël un instant pour qu’il joue un instant. Il se met à courir, ne voit pas le trou béant devant lui. Je pousse un cri, ouvre mes yeux.

Lary me presse la main, caresse ma joue. Il n’a pas l’air bien, je pose immédiatement ma main sur mon ventre.

– Où sont les bébés ? demandé-je d’une petite voix
– Janyce, tu ne pourras pas les voir aujourd’hui.
– Pourquoi ? Ils sont dans une couveuse ? L’interrogé-je en essayant de me redresser.
– ….
– Ils sont dans une couveuse ? répété-je
– Janyce, ils nous ont quittés. m’annonce-t-il en serrant les dents. Ils n’ont pas survécu. Le docteur n’arrive pas à expliquer leur mort prématurée.
– Je ne comprends pas ce que tu dis. Où sont mes bébés ?
– Je suis tellement désolé, Janyce. J’aurais tout donné pour que cela n’arrive pas mais…
– Tais-toi !

Je crie comme une forcenée pour ne plus l’entendre. Lary appelle le docteur, ils veulent m’administrer je ne sais quoi. Je m’y oppose, je ne veux que mes enfants à l’intérieur de moi. Mes enfants allaient bien, c’est le médecin qui a voulu les séparer de moi.

Je leur ordonne d’aller chercher mes enfants. J’en ai déjà perdu un, je ne veux pas en perdre deux de plus. Je ne le supporterai pas.

 © Grâce Minlibé

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L’ombre du bonheur

ombre du bonheur

Anémone – Chapitre II 

Je pense encore à l’oracle de Mackenzie lorsque je rentre à la maison. Un enfant en appelle toujours un autre. Elle ne l’a pas dit par hasard, c’est sûrement le bon moment pour concevoir mais mon homme travaille ce soir et demain soir également. Il est réceptionniste depuis deux ans au Sofitel Ivoire, un emploi permanent qu’il chérit ; mon homme est très attaché à la stabilité financière. Je vais devoir prendre mon mal en patience jusqu’au samedi prochain. Je passe ma soirée dans la méditation. Baignée dans l’océan de la louange, j’oublie un tant soit peu l’étang asséché de ma vie de mère.

****

Je suis debout avant l’aurore. Je remplis mes tâches de ménagère avant de me rendre au marché d’Adjamé. Lary dort encore quand je rentre. Je range mes courses puis vais prendre une douche pour me délasser. Quand je serai enceinte, je prendrai une aide-ménagère. Je ne ferai rien d’autre à part m’occuper de mon bébé.
Lary n’a toujours pas ouvert les yeux quand je ressors de la douche. Le pauvre a passé une dure soirée. Je me glisse sous la couverture, pose ma tête sur son torse. Notre bébé prendra ses yeux, son nez (le sien est moins épaté que le mien).

Des bisous dans mon cou me font ouvrir les yeux. Je me suis assoupie. Je me mets face à lui, le contemple. J’aime cet homme, j’aime tout de lui et j’aimerais par-dessus tout lui donner des enfants. Je n’en veux pas beaucoup, juste deux : des jumeaux ; des garçons que je prendrai plaisir à habiller pareil.
Le baiser fiévreux de Lary me sort de mes pensées. Il veut passer à l’action mais ce n’est pas encore le moment, il doit d’abord manger. J’arrive à le freiner dans son élan, lui rapporte un plateau chargé de pains tartinés de beurre et confiture de pommes, des quartiers de pommes vertes (elles améliorent les performances des spermatozoïdes), un grand verre de jus de gnamankoudji (le gingembre renferme une molécule qui rend les spermatozoïdes plus actifs).
Il mange et boit avec appétit, se jette sur moi dès que je reviens de la cuisine. Son regard exprime tout ce qu’il veut faire de moi dans les prochaines minutes. Je me donne à lui avec ferveur, exulte quand nous atteignons le point de non-retour.
– Tu es tellement belle, Any. me dit-il en me caressant du regard

Je souris mais je n’adhère pas à ce qu’il dit. « La belle femme est celle qui a un enfant au dos »*

Il enfouit son visage dans le creux de mon cou. Nous restons ainsi pendant quelques minutes puis il se lève brusquement en me prenant dans ses bras.

– Non mais qu’est ce qui te prend ? crié-je
– Quelque chose ne va pas ?
– Tu oses me poser la question ?

J’écume de rage.

– Je devais rester allonger tranquillement sur le lit environ un quart d’heure pour ne pas perturber la progression des spermatozoïdes vers le col de l’utérus. Ce n’est pas la 1ère fois que je te le dis, Lary !
– Et c’est reparti !
– Attends, tu trouves normal qu’on n’ait pas encore d’enfants après 3 ans de mariage ?! Ou alors tu ne veux pas d’enfants avec moi ?
– Any, tu sais très bien que j’ai envie. Je veux avoir le reflet de notre amour.
– Alors mets-y du tien.

Il se met à bouder alors je me rapproche pour qu’on se fasse un baiser esquimau.

– Désolée mon amour, je n’aurai pas dû utiliser ce ton.
– Tu oublies souvent que je suis ton époux et que tu me dois du respect.
– Pardonne-moi, bébé mais j’ai tellement envie qu’on ait enfin une famille. Je veux pouvoir présenter un petit-fils à ta mère, qu’elle arrête de dire à chaque fois qu’elle n’a qu’un petit-fils.
– Tu es trop susceptible, Janyce.
– Soit ! Lary, continué-je en me mettant à califourchon sur lui, il faut qu’on s’organise autrement pour favoriser une fécondation.
– Et quelle est cette organisation ?
– Laisse-toi faire et fais-moi confiance.

Je l’embrasse, le caresse ; il n’arrive pas à bouder longtemps le père de mes futurs enfants.

 

****

Les enfants ont particulièrement été turbulents aujourd’hui. J’ai dû puiser dans toutes mes réserves d’amour, de patience et de compréhension pour ne pas m’énerver. La longue file d’attente pour le transport en commun fait sauter les barrières de ma rétention. Je pousse des jurons à n’en point finir.
Je prends une longue douche tiède quand je rentre. Je dresse la table lorsque Lary rentre. Son long baiser m’apaise.

– T’ai-je déjà dit que tu as changé ma vie ?

Je hoche la tête et il répare son « oubli » en m’embrassant

– T’ai-je déjà dit que je n’échangerai ma vie avec toi pour rien au monde ?

Je hoche à nouveau la tête et j’ai droit à un deuxième baiser qui se transforme en une très longue caresse. A reculons, nous retrouvons notre chambre, le dîner attendra.

– T’ai-je déjà dit que je n’ai jamais autant désiré une femme ?

J’acquiesce cette fois-ci. Je vais chercher des verres de vin blanc (le vin blanc rend les spermatozoïdes plus vigoureux), nous les vidons lentement sans nous perdre du regard. Je tamise la lumière, lance une musique douce sur notre chaîne Hi-Fi. J’ai besoin de douceur ce soir. Je m’installe sur le lit, il me soulève, prend ma place ; il veut que je guide le navire ce soir.

– On ne peut pas mon chéri, tu sais à cause de la loi de la gravité.

Il m’attire à lui. Il pense que ses doux baisers me feront changer d’avis mais il se trompe. Je sais ce que je veux : un bébé.

– Tu penses que toutes les femmes étaient «en mission» quand elles ont été fécondées ? rit-il Peu importe, Any pourvu que le bébé soit fait avec amour.
– Oui mais il faut mettre toutes les chances de notre côté. On aura tout le loisir de faire ce que tu aimes quand je serai enceinte.

Le baiser que je cherche à lui donner reste dans le vide. Il quitte le lit, éteint la veilleuse.

– Qu’est-ce qui se passe, mon chéri ?
– Je n’ai plus envie et il faut que je sois entièrement disposé pour te livrer les meilleurs spermatozoïdes.
– Lary, tu ne vas quand même pas te fâcher pour si peu !
– Je déteste agir par obligation, je refuse de faire vibrer ma femme comme si j’étais en train de faire un examen de chimie. Je ne te toucherai plus tant que tu persistes à réguler nos moments d’intimité.
– Lary, je pensais qu’on était tombé d’accord, que tu m’avais comprise.
– Janyce, cette histoire de grossesse t’infantilise, tu ne te rends absolument pas compte mais ça devient fatiguant.

Je me mets à pleurer.

– Je veux juste qu’on ait un bébé. dis-je en hoquetant Je veux faciliter la tâche de mère nature. J’aimerais tellement voir un bout de toi courir dans cette maison mais bon. Je n’en parlerai plus. Je vais contrôler mon obsession.
– Je n’ai pas dit ça…
– Lary, j’aime les enfants et je veux les miens. Je ne peux pas en parler sans passion, sans cette dévotion. Désolée de t’obliger à faire quoi que ce soit. Répliqué-je

Il veut ajouter un autre mot, je le fais taire d’un chaste baiser. Je lui dis que je l’aime, veux qu’il soit heureux et en paix par-dessus tout. 

Je me fais violence les jours suivants pour ne pas aborder le sujet qui me passionne tant, je m’applique à toujours soupirer de tristesse à la fin d’une conversation avec Lary ou lorsqu’il est simplement dans les parages.
Je fais semblant d’être souvent ailleurs quand il me parle. Des larmes, j’en use quelquefois dans le lit pour dire implicitement à mon mari que son refus d’appliquer mes règles me fait souffrir. Mon mari a beau faire l’homme, en lui sommeille une femme sensible à la peine de l’autre. Je sais que je retrouverai la commande des opérations.

Après dix jours d’interprétation théâtrale, je réussis à ramener mon homme à « ma raison ».
Lary porte des pantalons larges de préférence en coton et évite de prendre des douches chaudes. Nous avons nos séances câlins tous les deux jours (la qualité du sperme est améliorée par 48 heures sans rapport sexuel, ni éjaculation) et en respectant la loi de la gravité.
Je mange à heure fixe et équilibré, je consomme le sucre en quantité suffisante, bois à longueur de journée les tisanes. J’applique à la lettre tout ce que je lis sur les forums féminins où se retrouvent les trois mots clés suivants : fécondation – bébé – grossesse.
Mon état d’esprit évolue. Je reste positive au maximum, considère que j’ai déjà ce que je désire. Chacun de mes rêves est peuplé d’enfants. J’éprouve au présent la joie que j’aurai quand je tiendrai mon bébé dans les bras.

J’attends avec patience l’arrivée de mon miracle et la patience s’avère être un chemin d’or. Mon appétit gargantuesque montant crescendo, l’hypersensibilité de mes sens, l’envie fréquente d’uriner, l’assoupissement après les repas ont été les signes précurseurs de ma nouvelle vie. Les efforts de Lary ont payé, un être se meut en moi.

 

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Comment se sent-on quand ce qu’on a attendu pendant des années est enfin là ? Comment se sent-on quand on porte en soi une graine d’homme ?
Je plane entre émerveillement et allégresse. Chaque jour a plus de saveur que son précédent. Janyce Odoukou Ouattara va être maman. Je bénis le Ciel chaque jour pour cette faveur qu’il me fait.
Lary est aussi content, content d’être papa, encore plus content parce que les privations n’existent plus. Nous attendons de passer le cap des quatre mois avant de propager la bonne nouvelle à nos proches.

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Mon bébé a 14 semaines de vie utérine et je prépare ma vie de future maman au mieux. J’ai déjà ma liste de prénoms masculins et féminins, Lary n’a aucune idée de prénoms pour le moment. J’attends le 6ème mois pour commencer l’équipement de sa chambre. J’ai extrêmement mal au dos depuis deux semaines mais mon gynécologue m’a affirmé qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

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Plus d’une heure que le mal de dos et des douleurs abdominales m’empêchent de bouger. J’en ai connu des douleurs mais elles n’ont jamais été si paralysantes. Je crie pour alerter ma voisine mais elle ne m’entend pas. J’aurais dû entrer dans la salle d’eau avec mon téléphone, j’aurais pu l’appeler.
Je parle à mon bébé, lui dis de ne pas s’alarmer. Maman ira bien. Je pousse un soupir de soulagement lorsque Lary ouvre la porte. Il va immédiatement chercher un taxi après m’avoir écouté décrire mon mal.
Je le sens très inquiet pendant le trajet. Je n’ai pas le temps d’être inquiète, la douleur emplit mon esprit. Je me demande quelle sera l’intensité de la douleur pendant mon accouchement.
Docteur Assezo diagnostique des douleurs pelviennes à type de contractions utérines. Ma sentence tombe une heure plus tard : j’ai fait une fausse couche .

 

*Proverbe bambara

 

 © Grâce Minlibé

 

Pour lire le chapitre I, cliquez ici.

Désolée pour la très longue attente. 🙂

 

Publié dans Anémone, Histoires

Négatif, chapitre 1 d’Anémone

Anémone – Chapitre 1

Seigneur faites qu’il y ait deux barres,  je vous en supplie faites qu’il y ait deux barres. Je ferme les yeux, respire un grand coup comme si j’allais effectuer le saut de la mort puis je jette un coup d’œil au résultat.

Merde! Ce n’est pas possible! Je me laisse glisser le long du mur des toilettes. J’essuie du revers de ma main les larmes qui viennent de s’écraser sur mes joues. Elles devaient être des larmes de joie, un torrent qui annonçait le début de la moisson, le début de ma vie de femme, de ma vie de mère. Mais ce n’était pas le cas. Elles étaient des larmes de rage, de colère, d’impuissance, de tristesse face à cette énième tentative échouée. J’ai perdu un enfant avant de l’avoir conçu. Avez-vous déjà ressenti pareille frustration? Je ne la souhaite à personne. Je suis enceinte, il doit avoir une erreur. Demain, j’irai acheter un autre test et s’il est encore négatif j’irai voir mon gynécologue.

 

***

-Désolé Janyce mais ce n’est pas la bonne cette fois-ci

Il retire ses gants, je descends ma marinière et vais m’asseoir en face de lui.

Mais c’est impossible que je ne sois pas enceinte Dr Assezo. Vous êtes sûr que je n’ai pas un problème ?

-Vous n’êtes pas stérile, Janyce et votre mari non plus.

-Mais pourquoi ça n’arrive pas alors? On a des rapports aux moments propices. Qu’est ce qui ne va pas ?

-Calmez-vous, Janyce. Arrêtez de stresser. Laissez les choses se faire d’elles-mêmes. Vous êtes en bonne santé, ce bébé viendra au moment opportun.

Pourquoi ce moment opportun ne peut pas coïncider avec maintenant ? Je n’ai plus envie d’attendre. J’ai peur qu’en attendant le contraire se produise. J’ai peur de m’installer dans la passivité, de ne plus désirer un enfant et de m’arrêter dans ma marche.

Je quitte le bureau de mon gynécologue et m’assois dans la salle d’attente. Je passe ma matinée là, à regarder ces femmes qui vivent mon rêve. Je suis arrivée au stade où on aimerait vivre la vie de l’autre.

 

Sur la route qui mène à notre quartier des 220 logements, j’achète des bananes braisées, je n’ai pas la tête à cuisiner.

Je passe mon après-midi à colorier, à repasser des habits et à pleurer. Je veux une autre vie…

-Je suis rentré mon bébé ! Lance Lary

-Je suis dans la douche, j’arrive!

Je me passe de l’eau sur le visage et vais rejoindre mon mari. Je m’efforce de répondre joyeusement à ses câlins, il va dans la douche et moi à la cuisine. Nous sommes mercredi et les mercredis j’ai l’habitude de faire une recette d’un pays étranger. Aujourd’hui ça sera des beignets nigérians aux crevettes.

 

Lary a l’air de manger avec appétit, moi non. Je laisse tomber ma fourchette.

-Quelque chose ne va pas mon bébé?

-J’ai fait un test de grossesse ce matin parce que j’avais un retard mais bon je ne suis pas enceinte. Dans 8 mois, tu ne seras toujours pas papa.

Il pousse sa chaise et vient me prendre dans ses bras. Je n’arrive pas à donner d’enfants à mon mari. Ah Seigneur! Quel terrible supplice!

-Ce n’est pas grave mon bébé. On essaiera encore et encore jusqu’à ce que ça soit bon.

-On a vraiment essayé cette année. Je suis sûre que c’est l’utilisation de la pilule qui provoque cela. Je n’aurais jamais dû la prendre, je n’aurais jamais dû t’écouter.

-Arrête… Dit-il en me faisant une bise dans le cou. Je n’avais pas une situation professionnelle stable et toi non plus. On ne pouvait pas élever un enfant dans ces conditions!

-Quelles conditions? Quelles conditions? Il y a des gens qui vivent dans des conditions pires que celle que nous avons eue mais ils arrivent à élever leurs enfants.

-Mais ils ne savent pas quel sera leur avenir.

-N’importe quoi ! On a raté notre chance, notre opportunité. C’est DIEU qui donne et on n’a pas su discerner le moment où il voulait nous en donner.

Je me mets à pleurer. Nous sommes mariés depuis 3 ans et on n’a toujours pas d’enfant. J’ai pris la pilule pendant 2 ans parce que Lary voulait qu’on ait un CDI  et un minimum d’épargne avant de faire un bébé. Ça fait un an que j’ai arrêté d’en prendre mais il n’y a toujours pas de vie en moi.

 

***

Mon visage est plus souriant aujourd’hui. Ma tristesse n’a pas disparu mais je ne peux pas la montrer aujourd’hui, surtout pas en présence de mes bouts de chou, ces enfants que j’éveille à la vie via le coloriage, la peinture, le dessin et le chant.

Je suis maîtresse de la petite enfance à l’école les poussins d’Adjamé, je m’occupe de la petite section.

Je les aime tous mais particulièrement ceux qui me prennent dans leurs bras en arrivant le matin ou ceux qui me disent que je ressemble à leur maman.

En début d’année, ils étaient tous apeurés et au fil des jours, ils se sont habitués à moi et à tous leurs petits copains. J’aime les enfants, je prends soin des enfants des autres, n’est-ce pas assez suffisant pour que le Ciel m’en accorde juste un?

 

-Allez les enfants, on s’assoit et on mange en silence. On ne parle pas …

-La bouche pleine !!!! Crient-ils en chœur

-Bon appétit !

-Merci maîtresse !

Je m’installe à côté de Kendall qui ne sait pas manger sans s’en mettre partout. Je vais ensuite essuyer les larmes de Noah qui vent de faire tomber ses biscuits. Je remercie Esdras qui lui propose gentiment une part de son gâteau. C’est si mignon, les enfants à cet âge.

 

-Maîtresse, tu veux mon du pain là ?

-On dit : maîtresse, tu veux mon pain ?

Elle répète après moi.

-C’est bien. Merci Mackenzie mais je n’ai pas faim. Bon appétit.

-Merci maîtresse.

Elle repart proposer à ses amies. Qu’est-ce qu’elle est mignonne, Mackenzie ! Et dire que sa mère ne vient jamais la chercher, en tout cas, pas à temps. Elle est la seule à rester avec le gardien à la fin de la journée. Ah ! Si j’avais un enfant, je me pointerais une demi-heure avant. On ne fait pas attendre les belles choses. 

A midi, mon ventre gargouille fortement. J’ai décidé de jeûner. Au lieu de manger, je me nourris des paroles de Dieu qui portent sur l’enfantement. Ce n’est pas facile de rester le ventre vide quand on doit s’occuper d’enfants mais le jeu en vaut la chandelle. Je me suis levée en plein milieu de la nuit et j’ai rappelé au Seigneur la liste des femmes stériles à qui il avait donné un enfant.

« Ouvrirais-je le sein maternel, Pour ne pas laisser enfanter ? Dit l’Éternel ; Moi, qui fais naître, empêcherais-je d’enfanter ? Dit ton Dieu. »

Seigneur ne m’oublie pas tu as dit que tu ne nous éprouveras pas au-delà de nos forces. Je ne suis pas Sarah, je ne pourrai pas attendre 24 ans. Pitié !!!

Le reste de la journée passe avec une sidérante rapidité. On ne voit pas le temps passer quand on fait ce qu’on aime.

Je les laisse prendre chacun leur cartable et vérifie la carte d’identité de ceux qui viennent les récupérer avant de les laisser partir avec eux. Je fais vraiment attention, ça me peinerait qu’une mère soit séparée de son fils. Moi, ça me fendrait le cœur.

Mackenzie est la seule à rester comme de coutume. Mais où est donc sa mère ? Je lui fais signe et elle s’avance vers moi. Je la prends dans mes bras et on se met à chanter.

On chante encore et encore comme pour appeler sa mère, l’aider à hâter le pas, lui rappeler qu’un don précieux ne se fait pas attendre. Mais maman n’arrive toujours pas…

Je refais une de ses nattes et pose le regard sur elle. Ah Seigneur ! Une si belle petite fille et sa mère n’est pas capable de s’en occuper. Pourquoi prends-tu un malin plaisir à donner à ceux qui n’en ont pas besoin ?

Mackenzie n’avait pas l’âge autorisé pour être en petite section mais sa mère avait négocié pour qu’elle soit prise. Voulait-elle se débarrasser d’elle ? En quoi un ange comme elle pouvait déranger ?

-Maîtresse, le bébé !

Je la regarde, surprise.

-Le bébé ? Il est où ?

Elle me touche le ventre et me sourit. Mes larmes coulent instantanément…

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