Publié dans Anémone

L’ombre du bonheur

ombre du bonheur

Anémone – Chapitre II 

Je pense encore à l’oracle de Mackenzie lorsque je rentre à la maison. Un enfant en appelle toujours un autre. Elle ne l’a pas dit par hasard, c’est sûrement le bon moment pour concevoir mais mon homme travaille ce soir et demain soir également. Il est réceptionniste depuis deux ans au Sofitel Ivoire, un emploi permanent qu’il chérit ; mon homme est très attaché à la stabilité financière. Je vais devoir prendre mon mal en patience jusqu’au samedi prochain. Je passe ma soirée dans la méditation. Baignée dans l’océan de la louange, j’oublie un tant soit peu l’étang asséché de ma vie de mère.

****

Je suis debout avant l’aurore. Je remplis mes tâches de ménagère avant de me rendre au marché d’Adjamé. Lary dort encore quand je rentre. Je range mes courses puis vais prendre une douche pour me délasser. Quand je serai enceinte, je prendrai une aide-ménagère. Je ne ferai rien d’autre à part m’occuper de mon bébé.
Lary n’a toujours pas ouvert les yeux quand je ressors de la douche. Le pauvre a passé une dure soirée. Je me glisse sous la couverture, pose ma tête sur son torse. Notre bébé prendra ses yeux, son nez (le sien est moins épaté que le mien).

Des bisous dans mon cou me font ouvrir les yeux. Je me suis assoupie. Je me mets face à lui, le contemple. J’aime cet homme, j’aime tout de lui et j’aimerais par-dessus tout lui donner des enfants. Je n’en veux pas beaucoup, juste deux : des jumeaux ; des garçons que je prendrai plaisir à habiller pareil.
Le baiser fiévreux de Lary me sort de mes pensées. Il veut passer à l’action mais ce n’est pas encore le moment, il doit d’abord manger. J’arrive à le freiner dans son élan, lui rapporte un plateau chargé de pains tartinés de beurre et confiture de pommes, des quartiers de pommes vertes (elles améliorent les performances des spermatozoïdes), un grand verre de jus de gnamankoudji (le gingembre renferme une molécule qui rend les spermatozoïdes plus actifs).
Il mange et boit avec appétit, se jette sur moi dès que je reviens de la cuisine. Son regard exprime tout ce qu’il veut faire de moi dans les prochaines minutes. Je me donne à lui avec ferveur, exulte quand nous atteignons le point de non-retour.
– Tu es tellement belle, Any. me dit-il en me caressant du regard

Je souris mais je n’adhère pas à ce qu’il dit. « La belle femme est celle qui a un enfant au dos »*

Il enfouit son visage dans le creux de mon cou. Nous restons ainsi pendant quelques minutes puis il se lève brusquement en me prenant dans ses bras.

– Non mais qu’est ce qui te prend ? crié-je
– Quelque chose ne va pas ?
– Tu oses me poser la question ?

J’écume de rage.

– Je devais rester allonger tranquillement sur le lit environ un quart d’heure pour ne pas perturber la progression des spermatozoïdes vers le col de l’utérus. Ce n’est pas la 1ère fois que je te le dis, Lary !
– Et c’est reparti !
– Attends, tu trouves normal qu’on n’ait pas encore d’enfants après 3 ans de mariage ?! Ou alors tu ne veux pas d’enfants avec moi ?
– Any, tu sais très bien que j’ai envie. Je veux avoir le reflet de notre amour.
– Alors mets-y du tien.

Il se met à bouder alors je me rapproche pour qu’on se fasse un baiser esquimau.

– Désolée mon amour, je n’aurai pas dû utiliser ce ton.
– Tu oublies souvent que je suis ton époux et que tu me dois du respect.
– Pardonne-moi, bébé mais j’ai tellement envie qu’on ait enfin une famille. Je veux pouvoir présenter un petit-fils à ta mère, qu’elle arrête de dire à chaque fois qu’elle n’a qu’un petit-fils.
– Tu es trop susceptible, Janyce.
– Soit ! Lary, continué-je en me mettant à califourchon sur lui, il faut qu’on s’organise autrement pour favoriser une fécondation.
– Et quelle est cette organisation ?
– Laisse-toi faire et fais-moi confiance.

Je l’embrasse, le caresse ; il n’arrive pas à bouder longtemps le père de mes futurs enfants.

 

****

Les enfants ont particulièrement été turbulents aujourd’hui. J’ai dû puiser dans toutes mes réserves d’amour, de patience et de compréhension pour ne pas m’énerver. La longue file d’attente pour le transport en commun fait sauter les barrières de ma rétention. Je pousse des jurons à n’en point finir.
Je prends une longue douche tiède quand je rentre. Je dresse la table lorsque Lary rentre. Son long baiser m’apaise.

– T’ai-je déjà dit que tu as changé ma vie ?

Je hoche la tête et il répare son « oubli » en m’embrassant

– T’ai-je déjà dit que je n’échangerai ma vie avec toi pour rien au monde ?

Je hoche à nouveau la tête et j’ai droit à un deuxième baiser qui se transforme en une très longue caresse. A reculons, nous retrouvons notre chambre, le dîner attendra.

– T’ai-je déjà dit que je n’ai jamais autant désiré une femme ?

J’acquiesce cette fois-ci. Je vais chercher des verres de vin blanc (le vin blanc rend les spermatozoïdes plus vigoureux), nous les vidons lentement sans nous perdre du regard. Je tamise la lumière, lance une musique douce sur notre chaîne Hi-Fi. J’ai besoin de douceur ce soir. Je m’installe sur le lit, il me soulève, prend ma place ; il veut que je guide le navire ce soir.

– On ne peut pas mon chéri, tu sais à cause de la loi de la gravité.

Il m’attire à lui. Il pense que ses doux baisers me feront changer d’avis mais il se trompe. Je sais ce que je veux : un bébé.

– Tu penses que toutes les femmes étaient «en mission» quand elles ont été fécondées ? rit-il Peu importe, Any pourvu que le bébé soit fait avec amour.
– Oui mais il faut mettre toutes les chances de notre côté. On aura tout le loisir de faire ce que tu aimes quand je serai enceinte.

Le baiser que je cherche à lui donner reste dans le vide. Il quitte le lit, éteint la veilleuse.

– Qu’est-ce qui se passe, mon chéri ?
– Je n’ai plus envie et il faut que je sois entièrement disposé pour te livrer les meilleurs spermatozoïdes.
– Lary, tu ne vas quand même pas te fâcher pour si peu !
– Je déteste agir par obligation, je refuse de faire vibrer ma femme comme si j’étais en train de faire un examen de chimie. Je ne te toucherai plus tant que tu persistes à réguler nos moments d’intimité.
– Lary, je pensais qu’on était tombé d’accord, que tu m’avais comprise.
– Janyce, cette histoire de grossesse t’infantilise, tu ne te rends absolument pas compte mais ça devient fatiguant.

Je me mets à pleurer.

– Je veux juste qu’on ait un bébé. dis-je en hoquetant Je veux faciliter la tâche de mère nature. J’aimerais tellement voir un bout de toi courir dans cette maison mais bon. Je n’en parlerai plus. Je vais contrôler mon obsession.
– Je n’ai pas dit ça…
– Lary, j’aime les enfants et je veux les miens. Je ne peux pas en parler sans passion, sans cette dévotion. Désolée de t’obliger à faire quoi que ce soit. Répliqué-je

Il veut ajouter un autre mot, je le fais taire d’un chaste baiser. Je lui dis que je l’aime, veux qu’il soit heureux et en paix par-dessus tout. 

Je me fais violence les jours suivants pour ne pas aborder le sujet qui me passionne tant, je m’applique à toujours soupirer de tristesse à la fin d’une conversation avec Lary ou lorsqu’il est simplement dans les parages.
Je fais semblant d’être souvent ailleurs quand il me parle. Des larmes, j’en use quelquefois dans le lit pour dire implicitement à mon mari que son refus d’appliquer mes règles me fait souffrir. Mon mari a beau faire l’homme, en lui sommeille une femme sensible à la peine de l’autre. Je sais que je retrouverai la commande des opérations.

Après dix jours d’interprétation théâtrale, je réussis à ramener mon homme à « ma raison ».
Lary porte des pantalons larges de préférence en coton et évite de prendre des douches chaudes. Nous avons nos séances câlins tous les deux jours (la qualité du sperme est améliorée par 48 heures sans rapport sexuel, ni éjaculation) et en respectant la loi de la gravité.
Je mange à heure fixe et équilibré, je consomme le sucre en quantité suffisante, bois à longueur de journée les tisanes. J’applique à la lettre tout ce que je lis sur les forums féminins où se retrouvent les trois mots clés suivants : fécondation – bébé – grossesse.
Mon état d’esprit évolue. Je reste positive au maximum, considère que j’ai déjà ce que je désire. Chacun de mes rêves est peuplé d’enfants. J’éprouve au présent la joie que j’aurai quand je tiendrai mon bébé dans les bras.

J’attends avec patience l’arrivée de mon miracle et la patience s’avère être un chemin d’or. Mon appétit gargantuesque montant crescendo, l’hypersensibilité de mes sens, l’envie fréquente d’uriner, l’assoupissement après les repas ont été les signes précurseurs de ma nouvelle vie. Les efforts de Lary ont payé, un être se meut en moi.

 

****

Comment se sent-on quand ce qu’on a attendu pendant des années est enfin là ? Comment se sent-on quand on porte en soi une graine d’homme ?
Je plane entre émerveillement et allégresse. Chaque jour a plus de saveur que son précédent. Janyce Odoukou Ouattara va être maman. Je bénis le Ciel chaque jour pour cette faveur qu’il me fait.
Lary est aussi content, content d’être papa, encore plus content parce que les privations n’existent plus. Nous attendons de passer le cap des quatre mois avant de propager la bonne nouvelle à nos proches.

****

Mon bébé a 14 semaines de vie utérine et je prépare ma vie de future maman au mieux. J’ai déjà ma liste de prénoms masculins et féminins, Lary n’a aucune idée de prénoms pour le moment. J’attends le 6ème mois pour commencer l’équipement de sa chambre. J’ai extrêmement mal au dos depuis deux semaines mais mon gynécologue m’a affirmé qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

****

Plus d’une heure que le mal de dos et des douleurs abdominales m’empêchent de bouger. J’en ai connu des douleurs mais elles n’ont jamais été si paralysantes. Je crie pour alerter ma voisine mais elle ne m’entend pas. J’aurais dû entrer dans la salle d’eau avec mon téléphone, j’aurais pu l’appeler.
Je parle à mon bébé, lui dis de ne pas s’alarmer. Maman ira bien. Je pousse un soupir de soulagement lorsque Lary ouvre la porte. Il va immédiatement chercher un taxi après m’avoir écouté décrire mon mal.
Je le sens très inquiet pendant le trajet. Je n’ai pas le temps d’être inquiète, la douleur emplit mon esprit. Je me demande quelle sera l’intensité de la douleur pendant mon accouchement.
Docteur Assezo diagnostique des douleurs pelviennes à type de contractions utérines. Ma sentence tombe une heure plus tard : j’ai fait une fausse couche .

 

*Proverbe bambara

 

 © Grâce Minlibé

 

Pour lire le chapitre I, cliquez ici.

Désolée pour la très longue attente. 🙂

 

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Que l’orange perdure #BYNF Challenge

Orange is the new black

Ce mois, la sympathique communauté des bloggeuses/youtubeuses noires francophones a choisi comme thème  pour le  BYN French Challenge : « Orange is the New black ». 

Fidèle à moi-même, j’ai décidé de participer en vous proposant un texte. Bonne lecture.

 

Mon doux Michaël,

Tu t’es certainement demandé pourquoi Alessa t’a remis ce bout de papier avec cette mine triste. N’aie surtout pas peur, n’imagine aucune scène dramatique. Je ne vais ni t’annoncer une mauvaise nouvelle ni annuler notre mariage. 

« Quand on aime quelqu’un, on a toujours quelque chose à lui dire ou à lui écrire jusqu’à la fin des temps. »*

Aujourd’hui sera le début d’une nouvelle vie pour nous. Une vie dont on ne maîtrise pas tous les contours. Comme un bébé faisant son entrée dans le monde, tel nous sommes.

Il nous faudra apprendre le langage de la vie à deux, il nous faudra penser à deux ; aller dans la même direction, souvent prendre des chemins différents sans jamais nous éloigner l’un de l’autre. 

Phileo et Eros devront être un parfait duo, alterner leur lead. Quel beau challenge à réaliser n’est-ce pas ? 

Il y a 3 mois tu m’as demandé quelle couleur je préférais pour l’unique mariage de notre vie et je t’ai répondu sans détour : l’orange.

Te rappelles-tu de l’audace dont tu as fait oeuvre pour m’approcher moi, la fille inaccessible et totalement épanouie dans mon célibat ? C’était l’orange

Te rappelles-tu de l’intelligence avec laquelle tu as fait voler en éclats les fenêtres de ma méfiance ? C’était l’orange

Te rappelles-tu  comment tu m’éblouissais à chacune de nos rencontres ? C’était l’orange

J’ai choisi l’orange parce que je voudrais qu’elle soit la couleur de nos années de mariage, je voudrais que nos années de couple s’habillent de cette couleur chaude.

Je ne veux pas qu’on ait des nuits froides, des discussions froides. Je voudrais qu’on garde intact la flamme. Je suis consciente que tout ne sera pas comme au premier jour parce que nous sommes des êtres amenés à évoluer mais je ne voudrais pas que notre flamme vacille.

Te souviens-tu de cette chanson, celle qui a été le témoin de ton entrée officielle dans mon cœur ? Je la chante pour toi. 

« Honey, you get me, you get me
Like a beautiful song
You’ve heard a million times
Like that rainbow’s end
That you can never find

It’s hard to ignore
Undeniable too
This feeling inside
When I look at you

You get me, you get me »

Je t’aime mon Mike. Jusqu’à mon dernier souffle, je dirai et t’écrirai :

Je t’aime, tu es mon ange,

Je te désire, mon orange.

Hâte d’avancer vers l’autel et de dire oui à une vie meilleure avec toi. 

Signé Bénédicte,

Ta fleur d’orange. 

 

© Grâce Minlibé

 

*Citation de Christian Bobin 

 

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Nuellasource – AfrolifedeChacha Black in styleDi hair BoxMlle Paker

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Le Bleu/Le Jean à l’honneur #BYNF Challenge

  Le Bleu Jean à l'honneur

Ce mois, la sympathique communauté des blogueuses/youtubeuses noires francophones a choisi comme thème  pour le  BYN French Challenge : « Le Bleu/Le Jean à l’honneur ». 
J’ai eu du mal à trouver l’inspiration pour produire un texte et un après-midi dans les transports en commun au niveau de la station Total de la Riviéra 2, une scène a pris forme dans mon esprit. Je vous laisse la découvrir.

Blue Jean me suit …

Impossible de dormir sans le climatiseur, ne pas prendre plus de deux douches par jour avec cette chaleur excessive. Abidjan, perle des lagunes, est-elle devenue la maison témoin de l’enfer ? J’ai bien peur que l’intensité de cette chaleur et le montant de ma facture n’aillent crescendo.

Un bref sms d’Edson me rappelle notre rendez-vous prévu au salon de thé Paul à la rue des Jardins. Edson en est un habitué. Il y fait souvent de très bonnes pêches surtout entre 18 heures et 20 heures. 

J’observe le reflet que me renvoie le miroir. Rasé de près, lunettes de soleil sur la tête, chemise en denim par-dessus un T-shirt blanc, pantalon jean noir corbeau, chaussures bateau en denim. Je suis comme un champagne frais :  pétillant à souhait. 

Je n’ai pas à attendre très longtemps, j’ai rendez-vous avec un homme à cheval sur la ponctualité. Devisant tranquillement en sirotant nos limonades, nous ne manquons pas de jeter quelques œillades aux belles jeunes dames assises autour de nous. 

Abidjan regorge de Vénus et…. il y a la reine des Vénus. Me dis-je en regardant la dame qui montait les marches.

Je souris en regardant sa tenue. Elle porte aussi une chemise denim par-dessus un T-shirt blanc, tient fermement un sac en jean. Je laisse traîner mon regard plus bas, elle est en total look blue jean.  Elle avance d’un pas rapide, ne distribue aucun regard gratuit, pénètre dans le restaurant. Je l’observe, je suis complètement détaché des propos que m’adresse Edson. Dommage que je n’ai que le profil de la reine des Vénus à admirer. 

Elle tape des pieds en attendant sa commande. Pourquoi est-elle si pressée ? 

Elle pianote maintenant quelque chose sur son téléphone, discipline quelques mèches rebelles de ses cheveux teintés. Qui est son interlocuteur ? Un chéri qui s’impatiente ? 

Elle sort sans regarder autour d’elle, s’engouffre dans sa toyota Yaris. La Vénus d’entre les Vénus est partie. 

 

****

Yopougon, capitale de l’ambiance populaire, capitale de l’embouteillage. Déjà un quart d’heure que ma RAV 4 n’a pas bougé d’un iota. Et moi qui espérais sortir de Yopougon Niangon Sud avant 18 heures ! 

L’air frais de la voiture me permet de prendre mon mal en patience, j’imagine le calvaire que doivent subir les passagers des bus bondés ou des gbakas (mini-car qui sert de transport en commun).

Il y en a justement un devant moi. Une dame s’évente avec plusieurs journaux en main. Son visage m’est familier et elle porte une robe à épaules dénudées en … blue jean

Ça ne peut être que celle que je surnomme Blue Jean, la Vénus du restaurant Paul, cette femme qui me hante depuis deux semaines. Mon cœur manque un battement quand nos regards s’accrochent. Blue Jean me regarde… 

Sous l’hypnose de son regard, mon véhicule suit la route qu’emprunte le gbaka.

Il s’arrête à la station Renault à Adjamé. Je regarde automatiquement où je peux stationner parce que Blue Jean vient de descendre. Je ne la laisserai pas partir cette fois. 

Comment vais-je l’aborder ? Que faire pour qu’elle veuille bien prendre un verre avec moi ? 

D’un pas alerte, elle emprunte la voie qui mène à la gare des cars UTB.

« Mademoiselle ! » M’écrié-je

Elle ne se retourne pas comme d’habitude. J’essaie de la rattraper toujours en criant ce nom commun destiné aux femmes. J’effleure son épaule pour qu’elle se retourne. L’essence fruitée de son parfum est si grisante… Ma dose de stress augmente quand nos visages sont face à face. Qu’est-ce qu’elle est belle !

Visage hermétique, elle attend que des mots sortent de ma bouche. Je ne me fais pas prier.

– « Bonjour mademoiselle, excusez-moi de vous aborder de la sorte. Ma démarche vous paraîtra sans doute incongrue mais bon. Je vous ai rencontrée, il y a deux semaines chez Paul à la rue des Jardins. Vous étiez comme aujourd’hui vêtue en total look blue jean qui vous va très bien d’ailleurs. Ce soir-là, j’aurais bien aimé partager ma table avec vous mais vous aviez l’air très pressée. L’opportunité se présente à moi aujourd’hui et je n’aimerais pas passer à côté. Voulez-vous prendre un verre avec moi. Je peux attendre le temps qu’il faut si vous avez une course à faire. Je… »

-« Oui mais à une condition. M’interrompt-elle d’une voix fluette »

– Ok. Dis-je en souriant. Et quelle est cette condition ?

La surprise fige mon visage quand elle finit d’égrener le chapelet de ses mots. Je m’étais préparé à tout mais pas à cette terrible condition…

© Grâce Minlibé

 

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MSCARCEPEARLLADY SUNSHYNELILKELLYCOLALILIROSE NAIL ART – BE BLACK N’ PRETTYLE BLOG D’IVORYCOSMOPOLITE BEAUTÉNUELLA SOURCE – MLLE PAKER- DI HAIR BOX

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Saint Valentin – BYNF CHALLENGE

En ce doux mois de février, la sympathique communauté des blogueuses/youtubeuses noires francophones a choisi comme thème  pour le  BYN French Challenge : «Saint Valentin». 

La Saint Valentin est la fête des amoureux. Je ne participe donc pas à l’ effervescence populaire puisque je suis célibataire.

Mais être célibataire veut-il dire qu’on n’a personne à aimer ou personne qui nous aime ? Le célibataire manque-t-il d’amour ? Je ne le crois pas. Il donne et reçoitde l’amour de ses proches.

Le célibataire apprend à s’aimer soi-même parce qu’il a compris qu’il faut pouvoir s’aimer avant de pouvoir aimer l’autre.

En cette Saint–Valentin, j’aimerais célébrer une personne : moi. J’aimerais dire à mon être que je l’aime. 

 « Non, l’amour de soi, n’est ni de l’égoïsme, ni du nombrilisme, ni de la prétention, mais l’indispensable condition pour être à l’aise dans la vie et … aimer les autres. »

Ma Grâce,

Je t’ai vue ce matin et j’ai failli ne pas te reconnaître tant tu dégageais de l’assurance. Tu n’es plus l’adolescente naïve et frêle que j’ai connue, tu as grandi.

Je suis fière de la femme que tu es devenue, je suis émerveillée par tes aspirations, ta détermination, tes convictions. Tu n’as pas peur de ramer à contre-courant.

Cette jeune femme qui veut être un modèle, a envie d’être éternelle à travers ses écrits et ses actes me fascine.

Mille et une douleurs ont transpercé ton âme mais tu as décidé de ne pas être l’ éternelle victime, tu t’es relevée, tu as continué ton chemin de vie. Tu ne gémis plus sur ces choses que tu espérais et qui ne sont toujours pas venues. Tu as compris qu’il faut de la patience, de la persévérance et que toute chose se fait au bon moment.

La femme menue que tu es apprend à ne plus gémir sur son corps, à ne plus en avoir honte. Tu as appris à rire des remarques déplacées, tu as pris de la hauteur concernant les moqueries. Tu as appris à t’accepter. Je me rappelle encore de toutes ses paroles positives que tu disais devant le miroir de ta salle de bains. Tu n’as pas tout mais tu as quelque chose. Ce quelque chose, tu le mets en valeur.

J’oublie un truc, laisse moi quelques instants… Ah oui, je me souviens ! Comment ai-je fait pour oublier l’essentiel : tous ces moments de qualité que tu passes en Sa Présence ? Tu le cherches et tu ne t’arrêteras pas tant que tu ne l’auras pas trouvé. Tu sais que « la beauté est vaine, la grâce trompeuse, seule la femme qui craint l’Éternel sera louée ».

J’ai tant de choses à célébrer en toi mais je m’arrêterai là. Dire « je t’aime » c’est bien, le montrer par les actes c’est encore mieux.

Je t’offre donc :

  • Une escapade impériale au Spa Odena
  • 10 boîtes de chocolat
  • Un week-end à Praia.
  • Une Bague en or blanc et diamants poire et diamants Signé Constant

Profite au maximum de cette journée et à chaque instant sois consciente de mon amour pour toi.

Laisse-moi te dire une dernière chose : je t’estime, je t’admire, je t’aime. Je suis heureuse d’être toi.

SAINT VALENTIN

Retrouvez les participations des autres membres de la communauté ci-dessous :

Chacha

NuellaSource

MllePaker

Lilirose

Madebymechristelle

Be Black’N’Pretty

Des fleurs et des fraises

Amsapourelles

Les mignonneries de Malika

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Le Rouge à l’honneur – #BYNFRENCHCHALLENGE

Ce mois, la sympathique communauté des bloggeuses/youtubeuses noires francophones a choisi comme thème  pour le  BYN French Challenge : «  Le rouge à l’honneur ». 
Découvrez ce que ce thème m’a inspiré dans les lignes suivantes.

 

Rouge à l'honneur

 

Paris, le 9 décembre 2015

Coucou ma cousine chérie ! J’espère que tu vas bien. Tu trouveras bizarre que je t’envoie une lettre par la poste avec tous les moyens technologiques qu’on a à notre disposition aujourd’hui mais j’avais envie de faire quelque chose d’original pour t’annoncer un grand changement. Une nouvelle Sandra est née, il y a 5 jours dans un cadre absolument magnifique. Stan avait réservé une chambre d’hôte rien que pour nous deux. Il y avait du rouge partout ! Des rideaux aux luminaires en passant par la  moquette, la parure de lit, les luminaires, les bougies, les flûtes de champagne et le bouquet de fleurs. Comment ne pas se laisser absorber par cette atmosphère chargée d’exotisme et de passion ?

J’ai cédé, je n’ai pas su résister au doux slow qu’on a exécuté Stan et moi, je n’ai pas su résister à sa tendresse, ses caresses, son corps et ses promesses.

J’ai cédé. Je suis passée de l’autre côté. J’ai donné ce qu’une femme a de plus précieux et je ne regrette rien. Tu n’imagines pas combien j’ai été heureuse en voyant ces gouttes rouges réunies au centre du drap, la preuve de mon innocence…

Je sais que tu ne seras pas très contente de moi. Tu m’avais demandé d’attendre le mariage pour éviter de me retrouver dans ta situation mais je veux croire en l’amour de Stan. Je veux croire que le rouge qu’il m’a fait voir, sentir et goûter ne déteindra pas en noir.

Voilà ! Je t’appellerai le jeudi 24 pour souhaiter un joyeux noël à notre gros bébé de 4 ans. S’il te plaît, ne me sermonne pas quand je t’appellerai. Ce qui est fait est fait. Je suis contente d’avoir donné et c’est tout ce qui compte, n’est-ce pas ? (rires)

 

Je t’embrasse très fort ma Prunelle.

 

Ta cousine, Annisse.

 

 

 

Abidjan, le 20 décembre 2015

 

 

Y’ello Annisse !

 

Tu es une vraie folle ! J’ai voulu te répondre par voie postale mais je voulais que tu reçoives mes nouvelles avant ton appel du 24 que j’attends patiemment. J’espère que tu lis tes mails régulièrement.

 

Je ne reviendrai pas sur ton passage de jeune femme à femme. A 22 ans, tu es assez grande pour faire tes propres choix. 🙂

Ton gros bébé de 4 ans va très bien. Il a une nouvelle maman depuis 3 jours. Une nouvelle Prunelle est née ! Rassure-toi, je n’ai pas retrouvé ma virginité 😀 .

Un heureux événement s’est produit dans ma vie et dans celle de Régis. Ton gros bébé de 4 ans a vu le Père Noël ! Il n’avait pas son costume habituel, plutôt une chemise rouge, un jean bleu marine et des tod’s au ton de sa chemise.

Etienne est le Père Noel ! Le père biologique de Régis  a refait surface ! Je l’écris et je n’y crois toujours pas.

Il est passé avec ses oncles, il y a 3 jours. Il est venu demander pardon à mon père pour l’humiliation qu’il nous a fait subir. Il s’est engagé à reconnaître Régis. Etienne reconnaît son sang, tu t’en rends compte !

Je me suis souvenue de toutes ces larmes de sang que j’ai versées quand il a renié la paternité de ma grossesse, s’est tu pendant les 1ères années de vie de son fils et m’a fait porter le douloureux poids de l’opprobre.

 

“Souffrir passe. Avoir souffert ne passe pas.”

 

J’ai eu envie de lui dire de l’injurier, lui demander de partir mais Régis est entré au salon à ce moment-là. J’ai regardé mon fils et je me suis dit qu’il avait au moins droit à cette légitimité. Juste une reconnaissance. Mon fils ne portera plus le nom de mon père, mon honneur est un peu rétabli dans notre famille et tu ne peux  imaginer combien ça me fait du bien.

Je te laisse sur ces mots. Je vais manger et boire du vin rouge. C’est le nouveau breuvage qui accompagne mes repas depuis qu’Etienne est revenu. 😀

Je te fais de gros bisous, cousine. Prends bien soin de toi.

 

 

J’espère que vous avez aimé. 🙂

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Lilirose

 

Beblackn’pretty

 

Lady Sunshyne

 

Cosmopolite Beauté

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Couleurs automnales – #BYNFRENCHCHALLENGE

pour byn

Ce mois, la sympathique communauté des bloggeuses/youtubeuses noires francophones a choisi comme thème  pour le  BYN French Challenge : « Couleurs automnales». 

J’ai eu peu de temps pour me préparer et ma muse partait dans tous les sens.

Après mille et une interpellations, elle s’est enfin canalisée et a choisi UNE voie. J’espère que c’était la bonne. 😀

 

Elle s’appelait Harmonie

 

2 et 2 ne font pas 4

2 et 2 font 22

22 secondes, 22 jours …

22 janvier ? 22 février ? 22 mars ? Aucune de ces dates n’a autant de valeur que le 22 septembre, le début de la fin, le plaisir de la souffrance…

 

 

En entrant dans ce magasin en début d’après-midi pour fuir la pluie diluvienne qui s’abattait sur la ville, jamais je n’aurais cru frôler mon double, découvrir mon autre.

Devant nos penderies respectives, nous avions opté de porter ce jour-là les mêmes couleurs : un haut rouge marsala et un pantalon bleu foncé. Notre stupéfaction, ton doux rire mêlé au mien si saccadé, nos sourires et numéros échangés, tout me revient en mémoire. Les souvenirs sont permanents et quand je refuse de leur ouvrir la porte, ils s’évertuent à entrer par la fenêtre.

 

Nous avions les même attitudes automnales : nous prenions un café chez Starbucks, toi à la gare du Nord, moi à la gare de l’Est.

Notre pause déjeuner s’effectuait dans les parcs pour profiter de cette nature qui laisse tomber sa robe classique verte pour une robe moulante rouge et jaune.

 

Nous étions sur la même longueur d’ondes. Nos tenues vestimentaires étaient en harmonie :

 

Le lundi, nos tenues se teintaient de gris souris lumineux

 

Le mardi de vert kaki

 

Le mercredi de jaune moutarde

 

Le jeudi de rouge marsala et bleu foncé

 

Le vendredi du chic rouge vif

 

Le samedi  de vert d’eau

 

Le dimanche de gris foncé  parce qu’à notre entendement le dimanche n’était que l’ombre du lundi.

 

Nous étions sur la même longueur d’ondes : nous projetions de faire un  doctorat dans l’une des prestigieuses écoles américaines, désirions découvrir l’Afrique Australe, avoir notre seul et unique enfant à 33 ans.

 

Tant de goûts similaires auraient effrayé le commun des mortels mais moi, cela m’enchantait. Je n’étais plus seule, j’avais trouvé mon autre.

Octobre est passé et dans mes yeux a disparu le regard d’amie que je posais sur toi. Tu étais devenue la sœur jumelle que je désirais, qui ne m’avait jamais été donnée par la providence.

L’automne apportait la monotonie aux autres habitants de Paris, à nous, elle apportait de la vivacité, de l’énergie. Je n’avais pas besoin de faire le plein de magnésium, de calcium et de vitamine C, tu étais là…

Notre harmonie était si puissante, si intense !

Nous étions la matinée et l’après-midi, pile et face d’une pièce de monnaie , nous étions UN

A peine, une pensée formulée à ton égard que tu m’appelais. Je partageais tes migraines, mes règles étaient devenues douloureuses. J’étais toi… jusqu’à ce mardi où tu es arrivée avec ce manteau orange tangerine.

J’avais respecté notre code couleur et je me trouvais ridicule. Tu étais assise à ma droite mais j’avais l’impression d’être à ta gauche, d’être différente, d’être une autre personne. Quand je t’avais demandé la raison de ce changement de code couleur, tu m’avais dit que tu avais besoin de fuir la routine, de changer tes habitudes. Ton regard doux et triste me disait bien que j’en faisais partie.

Nos rencontres se sont espacées dans le temps, la durée de nos appels s’est rétrécie. La lumière de nos échanges a faibli, notre relation a pris froid.

Tu avais décidé de faire un MBA en Afrique du Sud, fini notre projet de doctorat.

Tu avais décidé de faire un enfant maintenant, fini le projet de donner mon prénom à ta fille.

Tu avais trouvé ton autre, ton semblable. L’énergie que tu me donnais, tu la fournissais maintenant à celui que je ne serais jamais : un homme…

 

© Grâce Minlibé

 

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Octobre rose – #BYN FRENCH CHALLENGE

BYN French Challenge

Ce mois, la sympathique communauté des bloggeuses/youtubeuses noires francophones a choisi comme thème  pour le  BYN French Challenge : « Octobre rose». 
Découvrez ma participation dans les lignes suivantes.

Je lâche un cri strident avant d’ouvrir les yeux. Instinctivement, je me touche les seins. J’inspire… Ils sont là, ils sont toujours là…

Le noir plane dans ma chambre comme dans mes mauvais rêves. Des rêves incessants qui ont la même robe, les mêmes accessoires ; des cauchemars qui ont la même structure : un sujet, un verbe, un complément.

8 jours que dans mes rêves, on m’enlève mes seins, le cœur de ma féminité, le centre du plaisir de l’homme adulte et du nouveau-né.

8 jours que mes mauvais rêves veulent m’ôter tout l’espoir instillé par mon médecin : « Une femme dont la mère ou la sœur a déjà eu un cancer du sein risque deux fois plus que les autres femmes de développer un cancer du sein mais ce n’est pas votre cas. Votre mammographie* n’a rien relevé d’anormal. Tout va bien, Leslie.”

Si c’était le contraire, il me l’aurait dit parce qu’un cancer du sein ce n’est pas une quinte de toux.

Ce n’est pas un tout petit bobo.

Ce mal peut coûter gros.

Un verre d’eau puis une écoute de « Godwin », voilà ce qu’il me faut pour me changer les idées. Le goût et l’ouïe apaiseront ce que la vue a subi dans ce mauvais rêve. Ils confirmeront mon toucher : tout va bien.

J’ai hâte de prendre mes congés et de quitter l’Occident. Je veux retrouver la terre de mon origine métisse : le Nigéria.  Là-bas, je serai en sécurité. J’éclate de rire, me rendant compte de l’incongruité de mes propos.

Le cancer du sein est un mal invisible, il rôde sur toute la surface de la terre cherchant qui il dévorera mais je ne lui ferai pas ce plaisir d’être sa victime. J’évite l’alcool, mon alimentation est équilibrée et sur-dosée en fruits et légumes, l’activité physique régulière est mon passe-temps favori.

Il ne me reste plus qu’avoir mon premier enfant avant le 19 Octobre 2016, c’est-à-dire la veille de mes 30 ans pour compléter mon armure. La cancer du sein ne passera pas par moi. Il me fait pleurer mon modèle depuis 2 ans, cette femme qui m’a donné la vie mais il ne m’aura pas.

“Je ne te ferai pas ce plaisir, tu m’entends ?”

Je regarde autour de moi. Je sens la présence de ce mal invisible. Il rôde cherchant qui dévorer…

Trois semaines plus tard,

J’ôte ma nuisette rose, me tiens droite devant ma psyché. Je réalise mon examen mensuel après mes règles : mon auto- palpation. J’inspecte les deux seins, vérifie qu’il n’y a rien d’anormal : écoulement par le mamelon d’un liquide, crevasses, fossettes, plis ou peau qui pèle…

RAS.

Je lève le bras droit. Avec les trois doigts de la main gauche, je palpe le sein droit, fermement, attentivement et complètement.
En commençant par la partie externe, je parcoure le sein en effectuant de petits cercles avec les bouts des doigts.

RAS

Idem dans la zone entre le sein et l’aisselle, cette dernière comprise.

Il n’ y a aucune grosseur ou toute induration anormale sous la peau.

Je m’attaque au mamelon, le presse délicatement. Aucun écoulement ne se produit. Je répète l’auto-examen sur le sein gauche.

RAS !!!

Mes seins vont bien !

Ma jubilation intérieure porte mes pas vers mon sac, j’en extirpe mon tactile, lance le numéro d’Ulrich. Ce week-end, je le passe avec lui à Bordeaux, sous ou sur lui, sur son canapé ou dans son garage qui pue la pisse de chat, peu m’importe. Pourvu qu’on soit l’un dans l’autre et qu’il me donne l’élément nécessaire pour achever mon armure …

*La mammographie est l’examen le plus courant. Elle est souvent pratiquée dans le cadre d’un dépistage, c’est-à-dire à la recherche d’une éventuelle tumeur, sans qu’aucun signe d’alerte ne permette de suspecter un cancer. Cet examen d’imagerie est une radiographie des seins. Il permet grâce aux rayons X de visualiser les tissus intérieurs des seins. Les seins sont observés sous plusieurs angles afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles.

** L’auto-examen constitue un atout de plus pour votre santé mais ne se substitue en aucun cas à votre visite régulière (au moins annuelle) chez votre gynécologue ou médecin. L’auto-palpation devrait être répétée au moins une fois chaque mois, à la même période.

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Publié dans Histoires

Je ne suis pas celui qu’il lui faut

je ne suis pas celui qu'il lui faut

Elle est entrée toute joyeuse. Une soif de découverte, d’évasion et de rencontre se lisait dans ses yeux. Une soif que je pouvais assouvir. Sans me vanter, j’en avais la capacité. J’étais beau aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Je n’étais pas un étranger pour elle parce que j’étais son semblable. Je connaissais ses souffrances et peurs parce que je les avais déjà éprouvées, je connaissais ses souhaits parce que je les désirais à l’intérieur de moi.

Je m’imaginais dans ses bras, commentant notre rencontre, exalter mes qualités, excuser mes défauts.

J’aurais voulu qu’elle s’approche de moi, qu’elle aille au-delà de la curiosité et m’effleure mais elle m’a ignoré. Nous étions plusieurs dans la salle, elle a préféré aller vers d’autres parce que je n’étais pas à son goût.

Oui, je l’ai entendu le dire et le répéter me fait terriblement mal au cœur.

Elle n’aime pas ce que je suis et représente, elle n’aime pas la poésie. Elle ne lit que des romans.

Elle veut s’évader. Qui lui a dit que la poésie est à l’antipode de l’évasion ?

Elle veut du mystère. Qui lui a dit que la poésie est à l’antipode du mystère ?

Elle veut de l’originalité, du moderne, de la simplicité. Qui lui a dit que la poésie n’est que classique et langage incompréhensible ?

Je ne comptais pas être son préféré, je voulais juste qu’elle m’accorde un peu de son temps, qu’elle aille au-delà de ses préjugés mais elle n’a pas voulu.

Je la regarde aller à la caisse, toute heureuse. Elle a pris une dizaine de romans. Dans les semaines qui suivront, elle lira une dizaine d’histoires. Elle ne saura jamais que je les portais en moi ces 10 histoires …

© Grâce Minlibé

Publié dans Histoires

Mon mari ne veut pas de moi

mon mari ne veut pas de moi

 » Toute femme est née pour un homme. Tu n’es pas une exception. C’est un mari qui donne de la valeur et un équilibre de vie à une femme. Le tien arrivera et il t’honorera. Il nous honorera également.  Les avantages qu’il te procurera t’apporteront le bonheur. Il te permettra de faire de grandes choses.

Il est très exigeant, fais donc ton possible pour répondre à ses exigences et être à sa hauteur. Sois la meilleure.  » M’avait dit ma mère.

Pendant 17 années, ma mère et mon père ont parfait mon éducation. Des sacrifices, ils en ont fait pour que mon homme soit fier de moi. Ils étaient modestes mais m’ont  donné au-delà de ce qu’ils possédaient  pour que je sois la meilleure.

Pendant 17 longues années,  j’ai nourri mon ambition. J’ai donné le meilleur de moi pour être la meilleure.

Pendant 17 ans, je me suis privée, j’ai fait des sacrifices, fui la distraction et la facilité.

Mon homme aimait les femmes studieuses alors je me suis appliquée aux travaux intellectuels, je n’ai rien négligé. J’ai embelli mes qualités, raccourci la liste de mes défauts.

Mon homme voulait que je lui suis dévouée alors j’ai fait la place dans mon cœur et mon esprit pour lui. Je ne pensais qu’à lui, jour et nuit.

A 23 ans, j’étais prête pour l’accueillir, toute excitée, j’attendais qu’il se présente à moi,  me prenne dans ses bras, fasse de moi son élue. 

A 25 ans, je l’attends toujours. Je suis toujours seule, en proie à la confusion. Chaque jour, ma confiance en soi diminue. L’absence de mon homme ne me donne aucune valeur. 

Pourquoi tarde-t-il ? Qu’ai-je fait de mal ? Je le désire trop fort, le sait-il ?

Je ne sors plus parce que j’ai honte. Toutes mes amies ont leurs hommes et moi je suis célibataire. J’ai éteint mon portable parce que je ne veux pas qu’on me demande où j’en suis et que je sois obligée de dire que je ne suis nulle part.

Je pense à mon père et mon cœur saigne. Je pense à ma mère et mon cœur pleure. Je me sens tellement mal, ils attendaient tellement de moi …

Mon homme le sait-il ? Pourquoi ne vient-il donc pas ? 

On m’a dit que je manque d’expérience mais ne doit-il pas être le premier ? 

Je m’interroge, où puis-je trouver des réponses ? 

 » Le premier mari d’une femme c’est son travail.  » Dit-on mais mon premier mari ne veut pas de moi. Il n’est pas pressé de me rejoindre, de m’honorer, de me donner l’équilibre de vie auquel j’ai droit.

Déjà deux ans que mon chômage dure, déjà deux ans que mes diplômes fièrement acquis ne servent pas.

Déjà deux ans que mon passé est plus proche de moi que mon futur. 

Je lutte pour ne pas sombrer dans la dépression. Je veux garder la tête haute, nourrir mon espoir.

J’ai fait mon possible, il ne me reste donc qu’une solution : demander à DIEU l’impossible …

© Grâce Minlibé

Publié dans Histoires, Vingt-trois

Mystère et boule de gomme

demande en mariage

Vingt-trois – Chapitre 2

Mention de tous les destinataires ? Ok
Objet du mail ? Ok
Contenu complet ? Ok
Case «Demander un avis de lecture» cochée ? Ok

C’est ma dixième vérification du mail, je n’ai rien détecté d’anormal après ma deuxième vérification mais j’aime la perfection, état qui nécessite minutie.
Je veille à ce que mon travail soit impeccable, gage pour obtenir une promesse d’embauche à la fin de ce stage.
Je n’ai pas envie d’expérimenter le stress de la recherche d’emploi et le chômage, j’ai une famille à nourrir !
J’exagère, je n’ai aucun enfant à charge quoique mes quatre petits frères résidant en Côte d’Ivoire me donnent l’impression d’en avoir… Bref ! J’ai des projets de vie : des lieux insolites à explorer, une garde-robe à renouveler, des associations à soutenir qui nécessitent que j’aie une situation financière fixe dans les six prochains mois…

J’ai manqué un appel de Meg, mon téléphone étant en mode silencieux et mon regard rivé sur mon écran. Danie et Solena, mes collègues, ne vont pas tarder à aller prendre une bouffée d’air. Je profiterai de leur absence du bureau que nous partageons à 3 pour discuter tranquillement avec Meg.

– Salut Magué ! Comment tu vas ? Allô ! Allô !

Comprenant la raison du silence à l’autre bout du fil, j’ajoute :

– Tu vas bien, Meg ?
– Il n’y a vraiment pas une autre voie pour me taquiner ? M’adresse-t-elle en soupirant
– Ok, je te promets d’arrêter de t’appeler ainsi…
– Bien !
– Jusqu’au début de l’automne.
– Tu es incorrigible. Soupire-t-elle. Alors, t’as trouvé l’identité de ton futur mari ?
– Ce n’est pas drôle.
– Excuse-moi, je n’ai pas en ma possession un autre moyen pour te taquiner.
– Rancunière, va !
– Tu sais qui t’a envoyé la lettre ?
– Non. Fais-je en lâchant un soupir. Mes connaissances masculines m’ont assuré que cela ne venait pas d’elles. Je ne connais personne à Vernon et le message que j’ai envoyé à l’adresse mentionnée sur la lettre m’a été retourné. Je crois qu’il n’a pas donné son adresse réelle.
– Eh ben, ton futur mari est un farceur !
– Et ses blagues sont de très mauvais goût. Dis-je en manipulant mon stylo. Ecoute, je ne vais pas me prendre la tête avec ça, il y a eu une erreur de destinataire : la lettre était sûrement pour l’ancienne locataire…
– Une ancienne locataire qui a la même identité que toi ? Ne te mens pas ma belle, ce mec te connaît.

Une idée me traverse l’esprit. Et si une femme se cachait derrière ce Sekongo Tiefigué ? Neîma et Méira, mes sœurs de l’église ? Non, elles sont trop spirituelles pour faire ça. Serait-ce alors Euphrasie, Marie-Paule ou Prisca, mes amies de fac ?

– Allô ! A quoi tu penses ?
– Ce sont peut-être mes amies de fac qui me font cette blague. J’investiguerai quand je quitterai le boulot ce soir.
– Tu m’impressionnes, Miss Marple ! Je n’y avais pas pensé. Tu me feras le compte-rendu de tes investigations, ce soir. Tu passes chez moi ?
– Je ne pourrais pas, ma belle. J’ai un afterwork avec mes collègues et je suis chargée du petit-déj demain ! Je vais préparer des cakes au citron.
– Des ? Eh ben, t’es une collègue dévouée !
– Mes collègues sont des ogres. En parlant d’elles, elles ne vont pas tarder à revenir. On se rappelle ce soir.
– Ok, j’espère qu’ils t’embaucheront ou te feront une belle recommandation.

– Espère !

***

Yona s’est gentiment proposée pour me raccompagner après notre afterwork. Je referme la porte de ma résidence et là, je lâche un cri. Mes mains tremblent, mes lèvres suivent le mouvement. Il est là…
Me suit-il ou est-ce moi qui suis toujours à sa recherche?
Il a toujours ce sourire empreint de tristesse et d’impuissance. Je le supplie de me laisser tranquille. Qu’il me permette de passer définitivement à autre chose ! Ma porte fermée à double tour, je me laisse glisser contre elle. C’est encore trop frais pour oublier, trop frais…
J’inspire longuement avant de rejoindre mon espace cuisine. Cuisiner apaisera mes tourments.

***

J’ai passé mon après-midi au cinéma en compagnie de Marie-Paule mais tout ce que je trouve à faire en rentrant chez moi c’est regarder un film nigérian sur YouTube: « A piece of Flesh ».
Des larmes tracent des sillons sur mes joues au moment où le fils succombe à sa maladie et qu’on l’annonce à la famille. Le sacrifice d’Ifeoma n’a servi à rien !

Mon regard quitte mon écran d’ordinateur, fixe ma porte ; on vient de presser ma sonnette. Un deuxième coup retentit.
Qui a tant envie de me voir ? M’interrogé-je intérieurement en me dirigeant vers la porte.

Mon rythme cardiaque s’accélère quand j’entends : Samuel.

Samuel, l’ami de Dan ?! Que fait-il chez moi ?

– Euh, tu n’acceptes pas de visites imprévues, j’ai l’impression. Désolé, je n’avais pas ton numéro. Enfin, je l’ai demandé à Meg mais je voulais te faire une surprise.

« Karlise, il est toujours derrière la porte ! Ouvre donc ! » M’exclamé-je intérieurement.

Polo – Jean – Tennis c’est ainsi vêtu qu’il se présente à moi. J’ai l’impression d’être propulsé dans un nuage de douceur quand il me dévoile son charmant sourire.
Et son regard est hypnotisant, l’expression fulgurante de ces beautés viriles et brutes qui remportent le suffrage universel…

– Ça fait plaisir de te revoir.
– Plaisir partagé. Entre, fais comme chez toi.

Il prend place sur mon canapé-lit pendant que je sors des rafraîchissements de mon mini-frigo.

– J’aurais fait un cake si tu m’avais informé de ta visite.
– Je tenais à te faire une surprise, tu es contrariée ?
– Absolument pas. Dis-je en souriant aimablement.
– Ton studio est coquet. Affirme-t-il en laissant son regard traîner sur les objets décoratifs de mon coin cuisine, mes luminaires et le sticker trompe l’œil collé sur ma porte d’entrée
– Merci.

Un ange passe. Le silence transporte son odeur prononcée très profonde, une odeur qu’on ne peut oublier tellement elle est intense et magnétique.

– Alors quel bon vent t’amène ? Dis-je pour ne pas me noyer davantage dans son effluve
– Je n’ai toujours pas eu de réponse. Fait-il en clignant de l’œil droit
– Euh… On a eu des questions en suspens à l’anniversaire de Meg et Dan ?

La façon qu’il a d’appuyer son regard sur moi m’embarrasse mais je n’ose lui dire de peur qu’il sache l’effet qu’il a sur moi.

Il avale une poignée de cacahuètes salées avant de dire :
– Non, je parle de l’accusé de réception que tu as reçu il y a un mois.
– L’accu… Non, ce n’est pas toi. Dis-je en ouvrant grand les yeux. Ne me dis pas que…

Il sourit.

– J’aime beaucoup les notes de ton parfum.
– La vie est belle de Lancôme. Attends, ajouté-je en remuant la tête. Ne change pas de sujet. Tu rigoles, n’est-ce pas ? Ce n’est pas toi, Sekongo Tiefigué.
– C’est mon patronyme et mon prénom Senoufo* que Meg ne connaît pas bien entendu.

Un rire soulève ma poitrine. Je suis totalement abasourdie.

– J’ai un tempérament joueur raison pour laquelle j’ai pensé à t’envoyer cette lettre. J’ai utilisé l’adresse d’un ami à Vernon pour brouiller les pistes. Fait-il en souriant
– Ce n’était pas drôle. Réponds-je légèrement énervée. J’ai passé des heures inutiles à réfléchir à qui ça pourrait être, j’ai même soupçonné mes amies de fac.
– Désolé. C’est la faute à mon tempérament joueur. Je ne le referai plus. Suis-je excusé ?
– Oui. Déclaré-je en lui rendant son charmant sourire. Tu es un beau farceur, merci pour la fausse demande de mariage.
– Euh… La demande n’était pas une farce. Je veux vraiment t’épouser.

Mon sourire s’éteint. Il pose son verre de Sprite et me regarde. Je détourne mon regard afin de pouvoir mieux réfléchir aux phrases que je vais énoncer dans les prochaines minutes.

– Comment tu peux vouloir m’épouser, Samuel ? On ne se connaît pas !
– Nous avons le temps pour nous connaître sauf si tu veux qu’on se marie le samedi prochain. Dit-il en me prenant les mains. Est-ce que tu as fixé une année pour ton mariage ?

Je le regarde, interdite. Sait-il de quoi il parle ?

– Ne me regarde pas comme si j’avais bu. Je ne suis pas en train de délirer.

Comme je n’ajoute rien, il met un genou à terre et sort un écrin de sa poche.

– Karlise Tié, veux-tu être l’unique objet de mes pensées, l’épaule sur laquelle je me reposerai quand je serai las des responsabilités qui incombent à l’homme ?

Mes yeux fixent un instant le solitaire qui scintille avant de se poser sur le visage de Samuel.

– Pourquoi moi ?
– Parce qu’il ne peut pas en avoir une autre. Je peux te passer la bague au doigt ?

Ses mots sont un murmure, une caresse. Karlise, il veut t’embobiner, ne chavire pas !

– C’est nécessaire pour que tu remportes le défi, n’est-ce pas ?
– Défi ? Fait-il en écarquillant les yeux. De quoi tu parles ?
– La demande en mariage c’est bien un défi lancé par tes potes, n’est-ce pas ?
– Personne ne m’a poussé à te faire cette demande. Soupire-t-il. Karlise, sans vouloir me vanter, je suis un homme sérieux. Le mariage est une institution que je respecte. J’ai 27 ans, j’ai connu bon nombre de femmes et à aucune d’elle je n’ai proposé de m’épouser parce que je ne me voyais pas passer le reste de mes années de vie avec elles.
– Je vois… Mmh… Tu le fais par bonté alors. Tu sais que je vais bientôt être diplômée, je serai en recherche d’emploi. Tu veux me donner un statut marital qui me permettra de rester en France.
– Oh là là, tu en as de l’imagination. Rit-il. Je le répète : le mariage est une institution que je respecte, ma demande n’est pas calculée.
– C’est impossible que ça vienne de ton cœur. On ne se connaît pas.
– Ok.

Il se lève, range l’écrin dans sa poche, reprend sa place à mes côtés.

– Désolée de te frustrer mais je ne peux pas. Je ne peux pas épouser un homme que je ne connais pas, Samuel.
– Tu as prévu quelque chose ce soir ? Ne fais pas cette tête, je ne vais pas t’emmener de force devant le prêtre.
– Le pasteur. Je suis protestante.
– Ah, je comprends mieux. Ça te dérange de te marier avec un catholique.
– Pas du tout ! J’ignorais que tu étais catholique. Ecoute, je n’accepte pas ta proposition parce que je ne sais pas qui tu es.
– Apprenons à nous connaître alors, passons plus de temps ensemble.
– Samuel, ça devient de l’acharnement. Fais-je lasse
– Non, c’est de la détermination. Tu es la femme qui doit porter mon nom. Affirme-t-il la mine sérieuse
– Tes parents ont une dette envers les miens ou quoi ?

Mon rire est communicatif. Quand nous retrouvons notre sérieux, il m’annonce qu’il a réservé une table pour deux à «Des Ronds dans l’eau», une crêperie péniche à côté de l’île de Versailles.

– Tu m’ouvres les portes de ton dressing ? Je vais choisir ce que tu vas mettre.

Décidément, cet homme ne finira pas de m’étonner.

– Je t’ai entendue… Me lance-t-il l’air amusé.

Zut ! J’ai parlé à haute voix.

– Pourquoi choisir ma tenue? Tu commences vraiment à me faire peur, là ! Je crois que je vais rester chez moi.
– Je rigolais. Je voulais juste voir apparaître encore une fois la stupeur dans tes yeux. Me lance-t-il en souriant. Tu sais que ton visage se déforme quand tu es étonnée ? Tu fais une tête de …
– C’est bon. On peut y aller ? Tu as réservé pour 20h30, non ?

***

Je suis complètement sous le charme quand nous faisons notre entrée dans cette crêperie flottante. Le décor coquet et sobre crée une envie d’évasion, un désir de voguer vers l’inconnu.
Voguer vers l’inconnu… N’est-ce pas ce que je suis en train de faire en ayant décidé de suivre Samuel ?

– Ça te plaît ? Meg et Dan y viennent souvent dîner en amoureux. M’annonce Samuel quand nous prenons place à notre table dressée au fond de la salle

J’opine de la tête, jette un regard aux autres occupants de l’établissement. Un duo se regarde amoureusement, un quatuor discute politique. Un enfant occu…

– Tu préférerais être avec eux plutôt qu’avec moi, j’ai l’impression.
– J’aime ta compagnie. Dis-je en le regardant droit dans les yeux

Une phrase, rien qu’une seule… une barrière, un pont qui cède… une limite entre un avant et un après.

Avant d’entamer le plat de résistance, j’ai de plus amples informations sur son parcours secondaire et supérieur, son poste d’agent immobilier et son désir de bâtir un puissant empire dans l’immobilier quand il rentrera pour de bon en Côte d’Ivoire, ses passions que sont la batterie et le basket-ball.
A la fin de notre copieuse crêpe au caramel et beurre salé, je sais qu’il est le benjamin d’une fratrie de 3 enfants, qu’il aimerait avoir un enfant mais pas avant les 3 premières années de son mariage. Il voudrait que sa lune de miel dure 3 ans.
Il n’a pas été le seul à parler de lui. J’en ai fait de même, lui ai confié ma phobie des chats, mes intérêts professionnels et personnels, mon envie de visiter le Brésil et l’Ethiopie.

Nous avons été volubiles pendant toute la soirée mais silencieux lors de notre marche aux bords de l’Erdre après avoir quitté le restaurant. Silencieux en apparence car je sais que nos pensées s’agitent enfin c’est mon cas.

« Qu’attends-tu de moi ? » C’est la question que je lui pose au moment où nous rejoignons l’habitacle de sa voiture.

– Que tu acceptes d’être ma femme.
– Comment tu peux vouloir épouser une femme juste après votre première rencontre ? Coup de foudre, coup de cœur, coup de tête ? Je veux comprendre, j’ai besoin de comprendre.
– Coup de cœur et d’esprit. Me répond-il en se tournant vers moi. Je t’ai vue et j’ai tout de suite reconnu ma femme comme Adam a reconnu Eve. Ecoute Karlise, je comprends que mon attitude te désarçonne mais crois-moi je n’ai aucune intention fausse envers toi. Prends le temps qu’il faut pour m’étudier, m’analyser et si après tout ça tu es convaincue que je ne suis pas l’homme avec qui tu voudrais passer le reste de ta vie, je respecterai ton choix mais sache que tu feras de moi un célibataire endurci parce que je n’épouserai aucune femme à part toi. La Providence m’en est témoin.

Il a réussi ! Il a touché ma côte sensible. Il a délicatement ouvert les portes de mon cœur et se dirige vers le point stratégique. Il m’est impossible d’ignorer ses mots empreints de finesse.

– Ça marche. Je t’accorde la permission de m’appeler régulièrement et de passer les week-ends à Nantes avec moi.
– Super !
– Avec moi mais pas dans mon lit. Soyons clairs. Ajouté-je sur un ton ferme. Je ne couche pas avant le mariage.
– Ça ne me fera pas fuir, Karlise. Je te veux avec tes convictions, tes valeurs, tes limites.

Il me veut…

Le trajet retour est ponctué d’anecdotes familiales et blagues à deux balles de tout genre. Mon cœur martèle ma poitrine quand il me raccompagne jusqu’à ma porte. Comment nous dirons-nous au revoir ? Bise légère sur la joue ou osera-t-il m’embrasser ?

Aucune de ces alternatives. Il me souhaite une excellente nuit avant de me serrer dans ses bras. Je ferme les yeux pour profiter entièrement de cette étreinte chaleureuse. J’ai envie qu’elle dure, je veux me délecter à outrance de ce plaisir : être dans les bras d’un homme avec une carrure d’athlète.
Une bise sur le front et il me quitte. En me laissant tomber sur mon canapé-lit, je n’ai qu’une envie : être à demain.

L’enthousiasme tombe au bout de quelques minutes, l’inquiétude monte. Pourquoi ce jeune homme veut m’épouser ?

Il n’est pas laid et je ne le suis pas non plus,

Il est issu d’une famille moyenne comme moi,

Je suis brillante mais je ne suis pas la seule femme noire en France à l’être.

Lit-il dans l’avenir ? A-t–il perçu que je deviendrai une référence dans le domaine du droit du travail ? Veut-il s’enorgueillir du fait d’être mon époux ?Je fixe le plafond comme si je peux y déchiffrer les réponses à mes questions.

J’ai le sentiment que sa demande cache quelque chose mais quoi ?
Je lâche un soupir d’effroi. Je crois savoir ce que cache cette subite demande en mariage…

*Senoufo : langue vernaculaire de la Côte d’Ivoire

© Grâce Minlibé – Tous droits réservés
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