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Sous le pouvoir des blakoros – Traites

Sous le pouvoir des blakoros – Traites d’Amadou Koné décrit la vie des paysans confrontés à toutes sortes d’entraves semées par les blakoros.

Mais qui sont les blakoros ? Les riches et puissants. Les petits bourgeois africains. Les fonctionnaires (policiers, infirmiers), les riches commerçants des villes, les usuriers des villages et les faux marabouts.

Ces hommes ont succédé au pouvoir colonial et ne pensent qu’à profiter au maximum de leurs fonctions, foulant aux pieds les valeurs traditionnelles de l’Afrique profonde telles que le respect de l’âge, l’entraide, la générosité, l’honnêteté.

Les riches s’entendent. Et ils sont puissants. […] Les riches sont puissants et ont raison.

Contre ce pouvoir despotique, Lassinan, jeune lycéen et fils du vieux Mamadou, s’insurge. Il veut lutter contre la traite perpétuelle du peuple qui attend des mois durant, d’encaisser ses traites du café destinées à « effacer quelques soucis matériels ».

Il veut changer la mentalité de ses pères qui ont accepté misère et humiliations. Résignés, ils ont accepté la fatalité. Affirmant que leur condition de pauvre est la volonté de Dieu, attendant le Grand Jour, le paradis pour vivre une vie meilleure.

Lassinan veut qu’ils aient un autre regard sur leur condition.

La misère est une trop grande torture pour qu’on se permette d’accepter de la subir éternellement. L’humiliation est une trop cuisante blessure pour qu’on se permette de l’accepter passivement…

Ce n’est pas que je ne crois pas en Dieu. Je conteste seulement ce qu’on fait de Dieu. Je conteste le Dieu sur lequel s’appuient les riches pour exploiter les pauvres, les puissants pour maintenir les faibles sous leur joug

De toutes les façons, dire non à la misère ne peut pas être un sacrilège.

Baba, Dieu, c’est peut-être l’honnêteté. Et l’honnêteté, ce n’est pas seulement de ne pas voler autrui, c’est aussi de refuser qu’autrui vous vole.

Le pauvre est né pour échouer, avait dit le vieux Mamadou.

Non, avait répondu Lassinan, le pauvre est né pour sortir de sa condition, sortir aussi tous les pauvres de la pauvreté. Tuer la pauvreté. Cela, il doit le vouloir, ardemment.

Il faut aussi qu’Allah le veuille.

Allah le veut. Il ne peut avoir créé l’homme pour en faire un maudit. Et puis, si l’homme a besoin de croire en quelque chose, pourquoi ne pas croire au bonheur par l’effort plutôt qu’à sa propre damnation ?

J’ai beaucoup apprécié l’état d’esprit de Lassinan, sa volonté à refuser le statu quo et faire bouger les lignes. Sous le pouvoir des blakoros – Traites offre une rapide et sympathique lecture.

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Les transparents – Ondjaki

Les Transparents (Points) (French Edition): Ondjaki, Danielle ...

Je remplis lentement mais sûrement ma carte d’auteurs africains. A la recherche d’auteurs angolais, je suis tombée sur ce roman d’Ondjaki. Convaincue par la 4e de couverture, je l’ai inséré dans ma wishlist et obtenu dans le swap sur les merveilles.

 

Le récit s’ouvre sur un incendie. Un aveugle demande à son compagnon qui est un marchand de coquillages la couleur de ce feu qui monte du sol vers le ciel de Luanda.

Trois autres personnages sont également confrontés à cette gigantesque danse de jaunes qui se propage dans le ciel. L’homme s’appelle Odonato, sa femme Xilisbaba, son amie MariaComForça. 

 

Sans aucune indication temporelle, on se retrouve dans l’Immeuble qui avait sept étages et respirait comme un être vivant. Au 1er étage, une source d’eau douce, causée sans doute par une fuite intarissable, coule en abondance.

Au 4e étage, il y a Edù qui marche avec difficulté à cause d’une hernie gigantesque

Au 5e, vit le CamaradeMuet, complaisant et silencieux

Au 6e vivent Odonato et sa famille. Il a la nostalgie du Luanda d’autrefois, il a cessé de manger pour laisser la nourriture à ses enfants et est en train de devenir transparent. Son fils aîné survit grâce à des vols.

Il y a MariaComForça, qui vend du  poisson grillé, et son mari, Joaodevagar, le débrouillard, qui cherche à gagner de l’argent par tous les moyens possibles.

Et Paizinho, le jeune garçon qui cherche à la télévision sa mère dont il a été séparé à cause de la guerre.

L’Immeuble abrite aussi des journalistes, des chercheurs. Tout ce beau monde se croise, échange sur son quotidien, ses peines, ses espoirs, les cicatrices sociales laissées par la guerre. 

Des hommes, des femmes qui se réfugient dans l’Etre invisible parce qu’ils n’ont aucun recours dans le monde visible. 

–  Comment est-ce que vous tuez les microbes ?

–  en priant

– comment ?

– je prie, je demande à dieu qu’il les tue. ça ne sert à rien de faire bouillir l’eau, j’ai vu ça à la télé, nos microbes d’ici, ils aiment l’eau bouillante, l’eau de javel aussi, qui tue plus d’enfants que de microbes alors je prie

 

Une foi dont se servent les rapaces pour alimenter leurs poches…

A ne pas oublier, ce Facteur qui distribue ses lettres de protestation et réclame une mobylette à tous les représentants d’une autorité quelconque. 

Ces derniers semblent être issus d’un prototype unique : tous intéressés par les richesses naturelles du pays, ils se servent de leur autorité pour en tirer profit. Ils sont obnubilés par leur cupidité, l’auteur en usant de figures de style comme l’ironie décrit l’absurdité de leurs préoccupations. 

 

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On ressent la satisfaction des puissants, la saudade des pauvres, ceux dont on ne tient pas compte et qui finissent par devenir transparents. 

L’écriture d’Ondjaki est exquise. J’ai mis deux semaines à lire cette oeuvre de 400 pages. L’imagination poétique et l’habileté narrative de l’auteur demandent un haut niveau d’attention. Ce roman a été un vrai exercice d’écriture pour la jeune écrivaine que je suis. 

 

Ce fut une lecture intéressante, une agréable découverte mais je suis restée sur ma faim. Certains faits ont manqué de développement selon moi notamment l’exploitation des eaux par l’un des puissants. 

 

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