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Un dimanche à Kigali : Le film VS le livre

En cherchant une romance de couple mixte à regarder sur Youtube, je suis tombée sur Un Dimanche à Kigali. Un film de Robert Favreau produit en 2006.

Kigali, printemps 1994. Nous sommes à quelques mois après le début du génocide des Tutsis. Le journaliste québécois Bernard Valcourt, après avoir été bloqué à la frontière tente de retrouver Gentille.

Qui est-elle ? Une jeune femme de 22 ans serveuse à l’Hôtel des Milles Collines où Bernard logeait. Le journaliste réalisait depuis quelques mois un reportage sur le Sida.

Avant de devoir quitter le pays, Valcourt la cherche chez leurs amis communs, dans différents lieux dévastés. Sous forme de flash-back, on découvre leur histoire.

Bernard tombe amoureux de cette jeune femme qui pourrait être sa fille. Elle est belle, élancée. Une romance mixte naît au milieu des tensions croissantes entre les communautés Hutus et Tutsis.

Gentille a une carte d’identité Hutu mais elle a le physique raffiné des Tutsis. La menace d’extinction des Tutsis ne l’exclut pas. Valcourt cherche des moyens de la sauver du génocide. Hélas !

Le film est à la fois doux et violent. Il est intense, poignant et relate l’horreur du génocide rwandais, la cruauté de l’humain. J’ai vu l’ampleur de la folie, de la haine et la beauté de l’amour. Je n’ai pas pu retenir mes larmes jusqu’à la fin.

Le film s’est focalisé sur le silence du Canada, on survole le silence coupable de l’ONU, des Belges et Français ce qui est un peu dommage lorsqu’on veut cerner tous les contours de ce génocide.

Le casting est convaincant, les personnages attachants, les décors simples. Le film n’est pas visuellement époustouflant, il n’est pas comparable à Hôtel Rwanda mais il vaut le détour pour l’émotion qu’il suscite.

 


LE LIVRE

A la fin du film, j’ai fait des recherches sur les acteurs et ai découvert qu’il est une adaptation cinématographique du livre Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche. Je me suis hâtée de le lire.

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284 pages de lecture. Le récit débute autour de la piscine de l’hôtel des Mille-Collines avec sa clientèle de coopérants, d’experts internationaux, de bourgeois rwandais. C’est un dimanche tranquille. Ils parlent, rient et boient. Ils ont une vie paisible.

On découvre Valcourt, codirecteur d’une télévision, initiative du gouvernement du Canada dont la première mission devrait être éducative, en particulier dans les domaines de la santé communautaire et du sida. Un projet auquel Valcourt ne croit plus deux ans après son arrivée au Rwanda. Il tourne maintenant un documentaire sur le Sida et ces héros à Kigali.

Valcourt a une obsession : Gentille. Leur attirance est d’abord sexuelle. Dans le film, c’était enrobé, moins brut.

Le sexe est très présent dans le livre. Il y a beaucoup de scènes lubriques. Le sexe est perçu comme un moyen pour se soustraire aux souffrances, c’est également un instrument de domination, de vengeance.

Au fil des pages, on ressent la haine des hutus envers les tutsis et on en connaît l’origine.

Lentement, le narrateur nous dirige vers le génocide, la violence des massacres. Ce génocide a été minutieusement préparé. Des listes avaient été préparées : politiciens de l’opposition, hommes d’affaires, journalistes, curés activistes.

On tuait les hommes d’un coup de feu ou d’un coup de machette, savant et précis. Mais les femmes n’avaient pas droit à une mort claire et nette. On les mutilait, on les torturait, on les violait, mais on ne les achevait pas. On les laissait aller au bout de leur sang, crachat par crachat, pour les punir d’avoir mis au monde tant de Tutsis…

Le scénario du  film s’inscrit à 70% dans la logique du roman. Certains faits du livre ont été modifiés notamment :

  • la peau couleur de café au lait de Gentille. Dans le film, elle est plutôt chocolat noir
  • le mariage de nos tourtereaux et l’adoption de la fille de Cyprien
  • le journal de bord de Gentille…

J’ai apprécié ma lecture. L’auteur a respecté la chronologie du génocide, a mis en évidence la non-implication de la communauté internationale, le silence des journalistes. J’ai moins apprécié les longueurs et la fin que j’ai jugée trop rapide.

Ai-je plus aimé le film que le livre ? Je trouve qu’ils sont complémentaires.

 

Un amour interdit Alyssa Cole

 

Chacun possède dans ses gènes tout le Bien et tout le Mal de l’humanité. L’un et l’autre peuvent toujours surgir comme une tornade apparaît et détruit tout, là où quelques minutes auparavant ne soufflaient que des brises chaudes et douces.

 

Tu vois chaque pays possède une couleur, une odeur et aussi une maladie contagieuse. Chez moi, la maladie c’est la complaisance. En France, c’est la suffisance, et aux Etats-Unis, l’ignorance.

Et au Rwanda ?

Le pouvoir facile et l’impunité. Ici, c’est le désordre absolu.

J’ai le corps long des Tutsis et la détermination paysanne des Hutus. Je me regarde et je sais que je fais un heureux mélange. Et si tous les sangs qui s’entrecroisent dans mes veines ne me font pas de maladies, c’est peut-être qu’ils peuvent s’entendre.

 

Quel livre / film avez-vous découvert cette semaine ? 

 

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La tresse de Laetitia Colombani, lu et…

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Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.

Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.

Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.

Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.

Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est destiné et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.

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Smita, l’intouchable, m’a émue avec son histoire. L’Inde est un pays que je n’aime pas beaucoup. Je déteste ce pays pour le peu d’attention qu’il accorde aux femmes, elles sont violées fréquemment, elles n’ont aucun droit.

Smita le sait : une femme n’a pas de bien propre, tout appartient à son époux. En se mariant, elle lui donne tout. En le perdant, elle cesse d’exister. Lackshmama ne possède plus rien, à part un bijou qu’elle est parvenue à dissimuler sous son sari, offert par ses parents pour son mariage. Elle se souvient de ce jour faste où, ornée de riches parures, elle avait été conduite au temple par sa famille en liesse pour célébrer ses noces. Elle était entrée dans le mariage avec somptuosité ; elle en sortait dans un total dénuement. Elle aurait préféré que son mari l’abandonne, avoue-t-elle, ou la répudie, au moins la société ne l’aurait pas reléguée au rang de paria, peut-être ses proches auraient-ils montré quelque compassion, là où ils ne lui témoignaient que mépris et hostilité. Elle aurait préféré naître sous la forme d’une vache, ainsi elle aurait été respectée.

J’aurais préféré ne pas naître, lui a confié Lackshmama avant de disparaître.

 

En Inde, les animaux sont plus sacrés que les humains et ça je ne le supporte pas. 

J’ai ressenti de la colère et beaucoup de peine en lisant les mauvais traitements qu’elle a subis. J’ai admiré sa force, son courage, sa révolte, son non à la fatalité, sa soif de liberté. Elle est mon personnage coup de cœur. Il m’a été difficile de la laisser.

Après elle, vient Giulia. Cette jeune sicilienne de 20 ans qui va reprendre l’affaire familiale. Elle dépasse les préjugés, les différences pour suivre son cœur. Sa relation avec Kamal est aussi un coup de cœur. C’est un homme doux, calme, qui ne va pas hésiter à l’épauler pour assurer la reprise de l’affaire familiale. 

 

Enfin, Sarah, la dure à cuire. Elle ne montre pas ce qu’elle ressent. L’environnement dans lequel elle évolue ne lui laisse pas le choix. Mère divorcée, elle se consacre à sa carrière. Juste au moment d’atteindre le sommet, elle  fait face à une maladie qui atteint le cœur de la féminité. J’ai eu beaucoup moins d’empathie pour elle. Elle veut être forte, veut endurer toute seule alors je n’ai pas trouvé utile de prendre part à sa peine. 😛 Elle m’a touchée quand elle a décidé d’arrêter d’être invincible.

Elle ne sera plus jamais Sarah Cohen, cette femme puissante et sûre d’elle que beaucoup admiraient. Elle ne sera plus jamais invincible, plus jamais une super-héroïne. Elle sera elle, Sarah, une femme que la vie a malmenée, entamée, mais elle sera là, avec ses cicatrices, ses failles et ses blessures. Elle ne cherchera plus à les cacher. Sa vie d’avant était un mensonge, celle-ci sera la vraie.

 

J’ai apprécié le lien qui unit ces trois femmes. Laetitia Colombani nous présente un féminisme soft. Je n’apprécie pas beaucoup ce féminisme qui veut pousser les femmes à être des invincibles, tuer leur sensibilité. 

Ce roman à l’écriture fluide se dévore en quelques heures. Si vous voyez ce livre, lisez-le c’est un ordre ! 😀

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Parution : 10/05/2017
Pages : 224
Prix : 18.00 €
Prix du livre numérique:  12.99 €
lauteur
Laetitia Colombani est scénariste, réalisatrice et comédienne. Elle a écrit et réalisé deux longs-métrages, À la folie… pas du tout et Mes stars et moi. Elle écrit aussi pour le théâtre. « La tresse » est son premier roman.
GM signature
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Trop de bonheur

Le temps n’efface rien. Marlene et Charlene restent hantées par un terrible secret d’enfance, Sally tremble de revoir son fils après des années de silence et Doree a changé d’identité pour oublier le passé. Fortes ou fragiles, belles ou fanées, ces femmes combattent avec courage, inlassablement, pour une accalmie dans la tempête, un instant de bonheur.

« Ce recueil de nouvelles illustre comme jamais le génie subtil d’Alice Munro: celui de célébrer, dans chacune de ses histoires, le mariage de l’inattendu et de l’inexorable » Le Nouvel Observateur

Trop de bonheur

Après ma lecture de Fugitives, j’ai reconnu avoir pris un grand risque en achetant deux œuvres d’Alice Munro. J’ai repoussé ma lecture de « Trop de bonheur » jusqu’à ce qu’il ne me reste pas grand chose à offrir à mon esprit avide de lecture.

Le recueil compte 10 nouvelles que je me permets de classer en 4 catégories:

  1. La cerise sur le gâteau

Les nouvelles qui font partie de cette catégorie ont une particularité: elles suscitent la stupeur. Leurs débuts sont linéaires et puis survint un événement qu’on n’aurait pas du tout soupçonné et qui recrée l’histoire.

  • Dimensions
  • Fiction
  • Wenlock Edge
  • Radicaux Libres

Ces nouvelles sont vraiment le mariage de l’inattendu et de l’inexorable.

2. La dernière cuillère de son plat préféré

J’ai rangé Trous-Profonds, Visage, Des femmes et Jeu d’enfant  dans cette catégorie parce qu’elles sont tristes. Elles évoquent le regret occasionné par une rupture familiale, un malentendu, une mauvaise compréhension de l’attention que l’on portait à l’autre.

3. Un verre de Muscador après du champagne 

Trop de bonheur  raconte les journées qui ont conduit à la mort  de Sofia Kovalevskaïa, romancière et mathématicienne, avec des retours en arrière sur des épisodes précédents de sa vie. Le récit peut être ennuyant pour ceux qui comme moi n’aiment pas l’Histoire et très instructif pour ceux qui comment moi aiment les mathématiques 😀

Les descriptions du sort des femmes en Russie apportent également un attrait au récit.

4. Le grain de maïs dans la salade de fruits

Que fait-elle dans ce recueil? Telle est la question que je me suis posée en lisant Bois. Je n’ai vraiment pas saisi l’utilité de cette nouvelle dans le recueil. J’ai eu l’impression que le but de l’auteur était  de raconter une histoire et non chercher à susciter de l’intérêt ou des émotions.

En somme, je dirais que le livre est intéressant mais pas transcendant. Je crois que je ne tenterai pas de lire une autre oeuvre d’Alice Munro.

Le grand bonheur – aussi provisoire, aussi fragile soit-il – d’une personne peut sortir du grand malheur d’une autre.

Elle s’était convaincue que l’amour n’était pas un sentiment de la vie réelle.

Grâce Minlibé

Auteur de Chimères de verre