« En amour, on croit être deux alors qu’on est trois »
Dans la lignée de Concerto à la mémoire d’un ange, La rêveuse d’Ostende et Odette Toulemonde, les nouvelles très romanesques d’Eric-Emmanuel Schmitt parlent de l’amour sous toutes ses formes: conjugal, clandestin, paternel, filial, mais aussi amour de l’art ou amour de l’humanité. A travers un suspens subtil et ensorcelant, elles dépassent à chaque fois les apparences pour déjouer l’attendrissante complexité du cœur humain.
Une quatrième de couverture véridique, qu’est-ce que ça fait du bien ! Elle résume ce que j’ai ressenti en parcourant ce recueil composé de 5 nouvelles: Les deux messieurs de Bruxelles, Le chien, Ménage à trois, Un cœur sous la cendre et L’enfant fantôme.
Les deux messieurs de Bruxelles est d’abord l’histoire de Geneviève, une femme qui, un jour, apprend qu’elle est l’unique ayant droit de monsieur Jean Daemes, un homme qu’elle ne connaît pas. Geneviève est peut-être du troisième âge mais a encore toute sa mémoire ; elle en est sûre et certaine, elle n’a jamais côtoyé cet homme et il n’appartient pas à son arbre généalogique. Qu’est-ce qui l’a donc poussé à lui léguer toute sa fortune ?
Une importante question qui nous ouvre les portes de son intimité ainsi que celles de Jean Daemes et Laurent Delphin.
Cette nouvelle qui aux premières lignes semble avoir une portée humoristique est une peinture de l’amour secret, du mariage contraignant, de l’attachement à la vie de l’autre parce qu’il a ce qu’on ne peut naturellement pas avoir, un portrait de nos vies virtuelles, maquillées, inventées…
Le chien est l’histoire de Samuel, un médecin veuf qui se suicide après la mort brutale de son chien. Étonnant qu’un homme qui ait vu tant d’hommes mourir décide d’écourter sa vie après la mort de son chien ! Quelle relation entretenait-il avec celui-ci ?
Quelques jours après la disparition de Samuel, le comte de Sire se présente chez sa fille et désire de tout cœur organiser ses obsèques. Quelle était la nature de sa relation avec Samuel ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce vif désir d’organiser ces obsèques ?
Samuel nous donne des réponses dans une lettre laissée à sa fille, un récit bouleversant, l’histoire d’un cœur meurtri ranimé par un chien, l’histoire d’un chien qui apprend l’humanité à l’homme.
En terminant cette nouvelle, on ne peut s’empêcher de dire: l’existence des chiens n’est pas le fruit du hasard…
Un héros, c’est un homme qui essaie d’être un homme toute sa vie, tantôt contre les autres, tantôt contre lui-même.
Ménage à trois relate la vie de la femme du célèbre compositeur Mozart et de la dévotion que portait son second mari à ce dernier. Cette histoire ne m’a pas vraiment emportée mais elle est assez instructive.
Un cœur sous la cendre n’est pas une nouvelle mais un scénario de film tant l’action est présente dans le récit.
C’est l’histoire d’une femme qui aime son neveu plus que son fils jusqu’au jour où la mort de l’un donne la vie à l’autre.
J’ai bien aimé ce récit car il suscite des réflexions importantes sur le don d’organes.
La dernière nouvelle du recueil, L’enfant fantôme est brève mais intense. Elle aussi soulève des questions épineuses: Faut-il interrompre une grossesse quand l’enfant présente des pathologies invalidantes ? Peut-on être heureux et souffrir?
Le bonheur ne consiste pas à se mettre à l’abri de la souffrance, mais à l’intégrer au tissu de notre existence
J’ai également apprécié le journal d’écriture de l’auteur qui se trouve à la fin du recueil. Il nous dévoile comment ces histoires sont nées, ses points de vue au sujet des questions épineuses mises en évidence dans ses textes.
Un sentiment porte toujours son contraire. A chacun de peser du bon côté.
Les moralistes ne font jamais de bons romanciers. Quand ils s’y essaient, ils introduisent dans leur reproduction du réel une froideur clinique
J’ai deux autres livres de l’auteur à découvrir. Je vous quitte en vous souhaitant une belle lecture. 🙂
Grâce Minlibé
Auteure de Chimères de verre