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Rentrée littéraire chez Grasset: Rouge impératrice de Léonora Miano

Grâce à la plateforme Net Galley, je découvre des romans de la rentrée littéraire 2019.

Je remercie les éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir en avant-première le dernier roman de Léonora Miano

Rouge impératrice

Auteure d’une dizaine de romans dont je n’ai lu jusqu’ici que la saison de l’ombre, cette brillante auteure camerounaise s’intéresse à son continent. Elle explore son passé, expose son présent, anticipe son futur.

Et si le monde tournait à l’envers ? Et si le monde n’était pas dominé par les Etats-Unis, l’Europe mais par l’Afrique, les Noirs ? Et si les dominants devenaient les dominés ?

Et si les immigrants devenaient ceux qui refusaient l’asile ?

Et si nous avions une nouvelle trempe de chefs d’état non dépendants de la Françafrique, assoiffés de justice, non cupides, pensant au bien-être et au développement de l’Afrique ?

Quel africain (e) de l’Afrique subsaharienne n’a pas rêvé du futur glorieux de l’Afrique ? D’une Afrique prospère, maîtresse de son destin, ne tendant plus la main ?

Léonora Miano donne une forme au rêve d’hier et d’aujourd’hui en usant d’une écriture dense et d’un registre soutenu. Elle crée un univers qui met en valeur l’Afrique. Des croyances animistes ancestrales aux programmes télévisés en passant par les mets et le style vestimentaire, les richesses culturelles des tribus et ethnies de l’Afrique sont célébrées.

 

Oubliez Wakanda, entrez à Katiopa !

 

Espace spacio-temporel ?

  • Katiopa, l’Afrique unifié à l’exception des pays nord-africains, se composant de 9 régions.
  • L’an 2124 selon le calendrier des Fulasi (français) et l’an 6361 pour les katiopiens.

 

Ilunga est chef de l’Etat et membre de l’Alliance, une sorte de société secrète. Cela fait cinq ans que l’Alliance est au pouvoir, cinq ans que le Katiopa unifié existe.

Ilunga est déterminé à réussir là où la fédération précédant le Katiopa unifié avait échoué. 

Il rencontre lors de ses sorties Boyadishi. Le prénom Boyadishi est forgé à partir de celui d’une reine des Icènes, guerrière rousse appelée Boadicée.

Ilunga est déjà marié à Seshamani, Boyadishi (Boya) a un amant mais l’amour qu’ils ressentent l’un pour l’autre n’est pas anodin. 

Dans ce couple qu’ils vont former, l’énergie et le spirituel sont mis en avant. Un aspect apprécié durant ma lecture car pour moi il y a d’abord union spirituelle avant une union charnelle. 

Entrer dans l’existence d’un être conférait des responsabilités. On n’y venait pas pour soi-même.

Ilunga et Boya montrent la force que procure l’union du masculin et du féminin.

Boya, enseignante-chercheuse à l’université est passionnée des sociétés marginales notamment les Fulasi. Descendants d’immigrés français qui avaient quitté leur pays au cours du XXIème siècle, s’estimant envahis par les migrants. Afin de préserver leur identité européenne, certains s’étaient dirigés vers le pré carré subsaharien où l’on parlait leur langue, où ils étaient encore révérés et où ils pouvaient vivre entre eux. Mais leur descendance ne jouit plus de son pouvoir d’antan : appauvrie et dépassée, elle s’est repliée sur son identité.

Ces Fulasi refusent d’incorporer les mœurs locales. Selon Ilunga et Igazi (responsable de la sécurité intérieure) leur comportement pouvait constituer une nuisance pour le  Katiopa nouveau qu’Ilunga devait ériger.

Ilunga pense soumettre le projet de leur expulsion au Conseil mais Boya fera son possible pour l’en dissuader. Elle veut qu’on leur tende la main, qu’on les considère comme Katiopiens. L’influence de Boya sur le chef de l’Etat dérange Igazi. Pour ce Katiopien conservateur, il faut écarter Boya avant qu’elle ne dissuade Ilunga…

 

Au-delà de l’image glorieuse de l’Afrique qu’il renvoie, ce roman dense expose ces questions au cœur des débats de la nation française qui embarrassent et confondent souvent les politiques : repli identitaire, pureté identitaire, l’intégration et l’assimilation à une communauté. Sans faux-fuyant, Léonora Miano les aborde avec adresse et bon sens.

 

Rouge Impératrice, un roman à lire et à faire lire en attendant patiemment une adaptation cinématographique.

 

Un amour interdit Alyssa Cole

 

extrait rouge impératrice

 

 

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Le roman est disponible en librairie à compter de ce jour. Pour l’acheter en ligne, cliquez ICI

NB : Si le roman est écrit en français, la langue de nos personnages est écrite dans l’écho de plusieurs cultures et langues africaines diverses. Je vous conseille de lire le glossaire avant d’entamer votre lecture.

 

GM signature

 

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

No Home de Yaa Gyasi, quelle saga familiale !

Il y a des livres qui nous hantent. On a beau remettre leur lecture à demain, ils sont là sous nos yeux, dans notre fil d’actualités sur Facebook, Twitter. Ils s’imposent. L’envie de les lire devient plus pressante, dévorante. 

Cela fait un an que je désire lire No home de Yaa Gyasi. Ne le voyant nulle part en librairie, j’ai décidé de le lire en version numérique. 

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18e siècle, Pays Fanti, Côte de l’Or

Le rideau s’ouvre sur Effia, une jeune fille Fanti mal aimée de sa belle-mère. Effia rêve d’épouser Abeeku Badu mais sa belle-mère rusée en décide autrement. Elle la marie à un anglais qui fait le commerce des esclaves. Effia va vivre confortablement sur le fort de Cape Coast, là où des centaines de femmes, d’hommes, d’enfants prisonniers ashantis se préparent petit à petit au rôle d’esclave.

Esi fait partie de ceux-là, c’est une jeune fille Ashanti. Avant le fort, elle était la fille du Grand Homme et de sa troisième femme, Maame. Aujourd’hui, elle n’était que poussière. Avant le fort, elle était la plus jolie fille du village. Aujourd’hui, elle n’est rien.

J’ai partagé sa vie dans ce cachot puant, entendu la détresse des mères, des jeunes filles. 

Effia et Esi ne le savent pas mais elles sont sœurs. Maame, esclave Ashanti, s’est enfuie de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie, laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle a épousé un Ashanti, et a donné naissance à une autre fille, Esi.

Une mère, deux filles, deux destins. L’une qui part vers l’inconnu, l’autre qui reste. La descendance d’Effia vivra à la Côte de l’Or, celle d’Esi en Amérique. 

Chaque chapitre permet de découvrir l’un de leurs descendants. J’ai découvert le présent de Quey, Ness, James, Kojo, Abena, H, Akua, Willie, Yaw, Sonny, Marjorie et Marcus. 

J’ai lu avec un cœur meurtri les conditions de vie des esclaves à travers Ness. De tous les personnages, c’est elle que j’ai eu du mal à laisser. Il faut le reconnaître, les blancs ont été inhumains. 

Avant qu’Esi ne parte, l’homme qui s’appelait « Gouverneur » lui sourit. C’était un sourire bon, plein de compassion, sincère. Mais pendant le reste de sa vie, dès qu’elle verrait un sourire sur un visage blanc, Esi se rappellerait celui du soldat avant qu’il ne l’emmène dans ses quartiers, et elle se souviendrait que lorsque les hommes blancs souriaient, cela signifiait seulement que d’autres malheurs étaient à venir.

 

J’ai admiré le courage de James qui a refusé de continuer le commerce d’esclaves  florissant de sa lignée paternelle. 

Mon cœur a saigné quand Jo a été séparé de sa femme Anna. Quand bien même les esclaves seraient libres, ils ne pourraient bénéficier que d’une liberté précaire. 

 

No home est une histoire poignante qui aborde la tragédie qu’ont connu des femmes, des hommes, des enfants. Des êtres humains considérés comme des objets à qui l’on a retiré identité, famille, us et coutumes, ancêtres, croyances, pensées, langues, libertés. 

« Le dieu de l’homme blanc est comme l’homme blanc. Il pense qu’il est le seul dieu, juste comme l’homme blanc pense qu’il est le seul homme. Mais la seule raison pour quoi il est dieu au lieu de Nyame ou Chukwu ou n’importe qui, c’est parce que nous le laissons faire. Nous ne le combattons pas. Nous ne le contestons même pas. L’homme blanc nous a dit que c’était comme ça, et nous avons dit oui, mais quand l’homme blanc nous a-t-il jamais dit qu’une chose était bonne pour nous et que cette chose était vraiment bonne ? Ils disent tu es un sorcier africain, et alors ? Et alors ? Qui leur a dit ce qu’est un sorcier ? »

 

Ceux qui partent souffrent, ceux qui restent luttent. Les Blancs vendent les Ashantis, ce peuple de guerriers fiers de son histoire mais ils veulent aussi posséder leurs terres. Le peuple Ashanti va se battre pour garder ce qui est à lui.

 

Je salue le travail de documentation de l’auteure qui a su représenter l’histoire du Ghana pendant trois siècles. Yaa Gyasi est sagace, sa plume est captivante, ses phrases percutantes. Son roman m’a davantage permis de saisir le danger de l’histoire unique

« C’est le problème de l’histoire. Nous ne pouvons pas connaître ce que nous n’avons ni vu ni entendu ni expérimenté par nous-mêmes. Nous sommes obligés de nous en remettre à la parole des autres. Ceux qui étaient présents dans les temps anciens ont raconté des histoires aux enfants pour que les enfants sachent, et qu’eux-mêmes puissent raconter ces histoires à leurs enfants. Et ainsi de suite, ainsi de suite. Mais maintenant nous arrivons au problème des histoires conflictuelles. Kojo Nyarko dit que les guerriers qui arrivèrent dans son village portaient des tuniques rouges, mais Kwame Adu dit qu’elles étaient bleues. Quelle histoire faut-il croire alors ? »
Les garçons n’émirent aucun son. Ils restèrent à le fixer, attendant la suite.
« Nous croyons celui qui a le pouvoir. C’est à lui qu’incombe d’écrire l’histoire. Aussi quand vous étudiez l’histoire, vous devez toujours vous demander : “Quel est celui dont je ne connais pas l’histoire ? Quelle voix n’a pas pu s’exprimer ?” Une fois que vous avez compris cela, c’est à vous de découvrir cette histoire. À ce moment-là seulement, vous commencerez à avoir une image plus claire, bien qu’encore imparfaite. »

 

 

Effia ne comprenait pas ce besoin d’appeler une chose « bonne » et une autre « mauvaise », celle-ci « blanche » et cette autre « noire ». Dans son village, chaque chose était un tout. Chaque chose pesait le poids de tout.

 

 

 

Il y a beaucoup de choses à dire sur ce roman mais je préfère m’arrêter là et vous demande humblement de lire ce roman. Ne passez pas à côté de cette belle lecture.

Lien d’achat : ICI

 

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Publié dans Histoires

RDVBAM 6 : Je t’aime… moi non plus

Que vois-je ? Mais c’est le retour du RDVBAM ! 

Cette 5e participation à ce rendez-vous des blogueuses afro métissées est spéciale parce que c’est mon thème qui a été retenu !!!

Je voulais « déconstruire » la traditionnelle saint-valentin. Sans rire, je voulais faire un clin d’œil à tous ceux qui vivent une relation d’amour compliquée comme le chante Rihanna

 

Pour ce thème, je vous partage des extraits de ma troisième publication Dieu voulant. Je dois le retravailler alors n’hésitez pas à me dire si un passage vous gêne ou est incompréhensible.

Je t'aime moi non plus

 

**Je t’aime… moi non plus**

Le lieu le mieux indiqué pour torturer un autre être humain l’air de rien, en continuant d’inviter la famille au repas du dimanche et en souriant aux voisins, l’espace idéal pour le briser en morceaux, lui faire crier grâce et étouffer ses cris, c’était à l’intérieur du mariage. Hemley Boum

J’ai soupçonné le désir de mon mari de s’éloigner des chemins de notre vie commune dès la 10ème année de notre mariage. Cette année-là, il avait oublié notre anniversaire de rencontre. Ce n’était pas anodin pour lui et chaque année il se soumettait au même rituel : m’envoyer un message d’amour et me dédier une chanson sur l’une des stations radios ivoiriennes. Cette année-là, je ne reçus ni l’un, ni l’autre.

Je ne lui avais rien dit, préférant fermer les yeux et ne pas donner de suite à mes suspicions. «J’avais choisi de ne pas me plaindre de ces légers nuages qui détruisent tout dès qu’on les regarde, et qui n’étaient rien quand on les laissait passer.»

L’année d’après, il s’en était souvenu,  j’avais donc conclu que je m’étais fait un sang d’encre pour rien et que ce n’était qu’une fausse alerte.

Hélas, ça n’en était pas une. Ce n’était pas qu’une étourderie, cet oubli était un signal, il était là pour sonner le glas. Au fil des mois qui passaient, je le sentais de plus en plus désintéressé de ma personne. Il était  de plus en plus absent.

Il ne s’enquérait plus des nouvelles de ma journée au boulot. Pour ne pas l’enquiquiner, je ne faisais aucune remarque, je continuais à lui demander si tout allait bien de son côté, il me répondait toujours de la même façon : « oui et j’espère qu’il en est de même pour toi ». 
Cédric avait toujours aimé bavarder, parler de lui. S’il ne me parlait plus de lui, il devait sûrement en parler à une tierce personne. Mon intuition me disait qu’il y avait anguille sous roche mais je ne voulais pas m’installer dans la spirale du doute.
J’ai continué à être la femme qui l’aimait, celle qui se vouait à son couple. J’avais une cuisinière mais je cuisinais les plats de mon mari. Je ne voulais pas que son odorat perde la trace de mes fumets. Je le massais quand il rentrait, fatigué du boulot. Je faisais abstraction de ma fatigue pour prendre soin de lui. Je veillais à sa satisfaction sexuelle. Je faisais mon devoir et lui remplissait-il le sien ? Le respect du devoir conjugal était-il assigné uniquement aux femmes ? Les hommes ne devaient-ils pas aussi respecter leur engagement ?

                                                                           ****

Ma robe fourreau cousu dans un pagne wax « l’œil de ma rivale » et mon chignon headband me sublimaient. Mon mari me regarda avec une lueur de désir quand je le rejoignis dans le salon. Nous n’arrêtâmes pas d’échanger durant tout le trajet. Cela faisait si longtemps que nous n’avions pas eu ce genre de conversation. Nous franchisâmes la porte du restaurant bras dessus, bras dessous.
Il commanda du Moët & Chandon Brut Impérial. Les yeux pétillants, nous trinquâmes à nos 11 ans de mariage. De belles années de mariage se profilaient à l’horizon. J’avais espoir.
– L’année prochaine, ce serait bien qu’on se fasse un petit voyage, peut-être le Sénégal ou le Cap Vert. suggérai-je enjouée
– Pourquoi pas.
– Déjà 11 ans, tu te rends compte ! Deux adorables garçons et deux parents qui s’aiment encore malgré le poids du temps.

J’évoquai nos souvenirs de jeunesse, nos projets. Je parlais et il n’y avait que moi que cela émoustillait. Je le voyais sur son visage, il avait envie d’être ailleurs. La lueur de désir avait disparu.

Il me souhaita à nouveau un heureux anniversaire de mariage quand nous rentrâmes sans me prendre dans ses bras, m’embrasser. Tellement de choses commençaient à manquer dans notre vie. J’ai enroulé mon corps autour du sien en attendant que le sommeil vienne alourdir mes paupières.
En pleine nuit, mes yeux se mirent à me démanger, l’envie de prolonger mon sommeil était forte mais j’avais l’impression que mes pores ne respiraient pas. Je devais me démaquiller.
J’allai dans la salle de bain, je m’aperçus en sortant que Cédric n’était pas dans la chambre. Il était peut-être au salon en train de regarder un match de foot en différé.

Je passai toutes les pièces de la maison au peigne fin, Cédric n’était dans aucune pièce. Il s’était éclipsé durant la nuit. Était-ce une nouvelle habitude ?
Une nuit engendrant une autre, une sortie furtive en pleine nuit en engendrait une autre. C’était la même chose chaque soir, je connaissais le scénario par cœur. Il allumait sa lampe torche, mettait sa chemise et son jean, portait ses chaussures, prenait sa clé et partait. Y avait-il encore un nous ?
Un soir, il n’était pas rentré du tout. C’était la première fois qu’il le faisait. Ce soir-là, je partageai mon lit avec mes souvenirs de femme mariée, aimée, épanouie et heureuse. Je parcourus notre album de mariage, relus les quelques lettres qu’il m’écrivait à l’époque où il me faisait encore la cour. Mon Cédric allait me revenir, ce n’était qu’une passade. On ne pouvait pas oublier un si bel amour comme le nôtre, impossible. Le mariage était une course d’endurance, on rencontrait beaucoup d’obstacles mais il ne fallait pas cesser de se battre pour préserver ce que l’on chérissait. Ma décision était prise, j’allais reconquérir le cœur qui était à moi.

                                                                      ****

La maison était plongée dans un silence total, je voulais qu’on ait l’impression de n’être que tous les deux, seuls au monde. J’avais étalé les bougies odorantes sur le sol de la chambre, mis une nouvelle nuisette. Il sortit de la douche, sa serviette nouée autour de ses solides reins. Il était sexy mon Cédric du haut de ses 37 ans. Je m’étais allongée dans une position assez provocante et il me regardait abasourdi.
– Comment tu me trouves ?
– Magnifique… euh… Je veux dire que tu es séduisante. bredouilla-t-il
– Tu es sûr ?
Comme il ne répondait pas, je m’avançai de manière langoureuse vers lui
– Ça te dit de vérifier de plus près ? chuchotai-je à son oreille en détachant sa serviette.

Il ne se fit pas prier à mon grand bonheur… mais ce bonheur ne fut pas éternel.
Les jours s’étaient succédé emportant avec eux nos moments de tendresse, de caresse, me laissant avec mon cœur meurtri et l’esprit rempli d’incompréhension.
Nous étions passés du statut de couple à celui de colocataire. J’avais mal mais je tenais le coup. J’avais toujours été une femme forte, celle qui ne montrait jamais ce qu’elle avait au fond du cœur. J’avais des morceaux de verre dans le cœur mais à la face du monde il baignait dans un lit de roses sans épine.

                                                                         ****

Son silence m’énervait, pressait mon cœur. Je luttai en vain. Des larmes descendirent lentement sur mes joues.

– Je vais demander le divorce, Cédric. Je ne peux plus continuer comme ça.

Il quitta prestement son siège quand il entendit ma voix tremblotante, vit les larmes qui ruisselaient sur mes joues.

– Désolé de t’embarquer dans cette situation. Je ne vais pas te promettre que je vais arrêter de la voir mais je ferai tout pour préserver notre foyer.
Je le repoussai de toutes mes forces.

– Il te manque un boulon ou quoi ? Tu me trompes et c’est tout ce que tu trouves à me dire !

– Je t’ai déjà dit que c’est compliqué !

– Rien à foutre ! Tu arrêtes ou on divorce !

– Je ne divorcerai jamais Laeti.

– Alors je dois te regarder me tromper ? demandai-je éberluée. Mais oui, vous avez sûrement besoin de quelqu’un pour tenir la chandelle. Tu n’as pas de cœur, Cédric. Je ne représente rien pour toi.

– Mon attitude peut te pousser à penser le contraire mais je t’aime Laeti. Ma vie ne sera plus la même sans toi.

– Tu as une drôle de façon de m’aimer. Tu es en train de rechercher mon bien-être quand tu entretiens cette relation ?

– Tout ce que je sais c’est que je t’aime.

– Mais pas assez pour la laisser elle ! Que vous vivez-vous de si singulier pour que tu la préfères à notre couple ? Qu’est-ce qui vaut la peine de détruire 11 années de mariage ! criai-je la voix étranglée

– Je ne suis pas en train de détruire notre mariage. Je suis embrouillé, Laeti. Tu peux comprendre ça ? J’ai l’impression de vivre dans deux mondes parallèles. Je suis tombé sous le charme de sa personnalité et je n’arrive pas à m’en défaire.

Je l’ai giflé et je n’ai pas retiré ma main de sa joue. Combien j’aurais aimé que ce toucher soit une caresse et non la conséquence de sa maladresse, le signe de ma détresse.

Je n’étais plus celle dont il avait besoin. Je devais rendre les armes. L’amour que j’avais pour lui devait se soustraire, se retirer pour le laisser vivre. 

 


Allez les amis, donnez-moi vos impressions.

 

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Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Maman a un amant de Calixthe Beyala

Holà les amis ! Je continue ma découverte des œuvres ayant reçu des prix littéraires. Le lauréat à l’honneur aujourd’hui est Maman a un amant de Calixthe Beyala, Grand prix littéraire d’Afrique noire 1994.

Résumé de l'oeuvre

« On m’appelle Loukoum et j’ai maintenant douze ans. Depuis Le petit prince de Belleville, beaucoup de choses ont changé : j’ai une nouvelle maîtresse, je parle beaucoup mieux le français, je suis plus que jamais amoureux de Lolita, mais la vie n’est pas tous les jours facile.

Surtout quand maman décide de prendre un amant, un Blanc par-dessus le marché, et qu’elle se met à vouloir apprendre à lire et à écrire.

La liberté des femmes, c’est de la mauvaise graine. Elle pousse n’importe où, même entre leurs cuisses. C’est mon papa qui le dit. Et quand tout Belleville a appris la nouvelle, il n’a pas été le seul à le penser. Les Nègres en sont restés la langue dehors, les yeux sortis de la tête… Mais je vais tout vous raconter… » 

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Ah, Loukoum, quel garçon observateur et loquace ! Il nous raconte tout ce qui se passe dans les rues de Belleville et le ressenti des blancs vis-à-vis des immigrés africains.

Tout ce qui les intéresse, c’est de savoir si la crise va prendre fin, si les Nègres vont rentrer chez eux, s’il n’ y aura plus de chômeurs en France. Je me demande bien s’ils seront plus heureux quand ils auront tout cela.

Il nous présente la communauté africaine de son quartier qui vit en France comme elle vit en Afrique et les personnages pittoresques du café de Monsieur Guillaume, la belle tribu nègre : Monsieur Kaba, Tatiana, M’amzelle Esther et bien d’autres que je ne peux pas tous vous citer avant l’an 2000 (parole de Loukoum).

Avec son langage familier teinté d’humour, il nous présente ses premiers émois de jeune adolescent, son grand amour Lolita et surtout la nouvelle qui a créé une certaine sensation, dégringolé les escaliers : sa mère adoptive a un amant.

M’am n’est pas député. Elle ne peut pas se mouiller et rester au sec comme bébé Pampers. 

Loukoum nous raconte comment il a vécu la trahison de sa mère, comment son père l’a aussi vécu.  La belle tribu nègre s’en est aussi mêlée. Les africains prennent à cœur les problèmes de leurs compatriotes surtout quand il s’agit de l’infidélité d’une femme. 

Ce récit évoque l’image et le rôle de la femme dans la société africaine. Une société toujours prête à accuser la femme de tous ses maux, une société qui soustrait les fautes des hommes et multiplie celles des femmes.

La femme n’est bonne qu’à faire à manger, faire le ménage, éduquer les enfants et donner du plaisir à son homme. Basta ! Ce qu’elle désire, ce dont elle a envie ne doit pas dépasser le stade de ses pensées.

« La femme est née à genoux aux pieds de l’homme. Une évidence inscrite autant qu’une liberté. »

Les hommes ordonnaient : « Prends-donne-fais » Les femmes obéissaient. Ainsi allait la vie. 

Une femme devrait porter son mari inscrit sur son visage ou l’annoncer à travers sa première poignée de main.

 

 

– Arrête ton char ! Les gens ont autre chose à faire que de s’occuper de ce qui ne les regarde pas. Nous vivons dans un monde où chacun se cherche : les fourmis, les abeilles, les fonctionnaires et même les femmes mariées…

– Etienne, a fait M’am. Réfléchis avant de dire des âneries. Pour moi, une femme qui se moque de c’que peuvent bien penser les autres, c’est un mystère ou une putain !

 

M’ammaryam, cette femme stérile qui éduque les enfants de son époux, ne sachant ni lire ni écrire se rebelle à sa façon. Elle va chercher ailleurs l’amour et le désir que son homme lui refuse. M’ammaryam va découvrir l’amour dans les bras d’Etienne. Cet amour illégitime mais si tendre et tout ce qu’il a suscité en M’ammaryam m’a touchée. J’ai apprécié la poésie qui émanait de ses mémoires :

J’ai rencontré un homme, mon amour. Un amour comme une saison tardive de fraises et de cerises, puis des confitures soigneusement préparées pour l’hiver. Cela me tient chaud. Dieu merci, cette rencontre chasse l’angoisse passée. La vieillesse n’a pas plus de suite que l’enfance […] La douceur d’aimer remonte, le sourire reprend sur mes lèvres. C’est un rêve, d’autres folies, une fugue, peut-être. […] Comment concilier ma vie avec Abdou et celle de mon amour ?

 

Ce récit montre ce qu’une mère est prête à sacrifier pour ses enfants. 

J’ai beaucoup apprécié ma lecture pour les thèmes abordés et le procédé narratif. Loukoum m’a fait penser au narrateur de Demain, j’aurai vingt ans ou encore l’enfant-soldat Birahima.  

Il y a quelques termes assez crus mais bon c’est l’effet Calixthe Beyala. 🙂

Christmas

  • Broché: 299 pages
  • Editeur : Albin Michel
  • Date de publication: 5 mai 1993
  • ISBN-10: 2226063986
  • ISBN-13: 978-2226063984

 

Avez-vous lu des récits dont le narrateur est un enfant ?

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Publié dans Panaché

RDVBAM 5 en mode portrait chinois

Coucou les amis ! Je renoue avec le challenge RDVBAM 

J’ai sauté de joie quand le thème du mois a été annoncé : le portrait chinois !

 

Vous savez combien j’aime le portrait chinois, je le propose lors des interviews, je le fais pour les villes que je découvre. Tiens, je devrais même le faire pour les livres que je lis. Vous allez faire une overdose 😀

Parmi les 73 questions proposées, il fallait en choisir 10. Prêts pour découvrir ma sélection ?

 

1. Si j’étais un vêtement ?

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La robe. Pour sublimer les princesses lors des galas, les mariées innocentes, les fleurs bleues pour leurs premiers rendez-vous ou donner une allure classe et élégante aux superwomen.

 

2. Si je devais changer de prénom ?

 

J’opterai pour Tanydia. J’ai découvert ce prénom dans une romance quand j’étais ado et ça a été le coup de foudre. Je l’ai utilisé comme pseudo sur les réseaux sociaux. C’est ce prénom que je donnais aux dragueurs qui ne me plaisaient pas du tout.

 

3. Si j’étais un chiffre ?

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C’est le chiffre de la grâce. Je m’appelle Grâce et je suis une grâce pour le monde. Dixit la fille qui ne se prend pas du tout pour de la merde.

 

4. Si j’étais un jeu de société ?

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Le jeu d’échecs parce que j’aime faire réfléchir, j’aime les analyses.

 

5. Si j’avais un super-pouvoir ?

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Lire dans les pensées. Savoir ce que les gens pensent réellement, devancer certains désirs de mes proches. Connaître les secrets, le kiff total.

 

6. Si j’étais la devise d’un pays ?

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Je serai la devise nationale  du Luxembourg : « Mir wëlle bleiwe wat mir sinn »
En français, ça donne : « Nous voulons rester ce que nous sommes »

Je veux rester ce que je suis et je ne veux pas qu’on m’enlève ou qu’on essaie de travestir ce que je suis ou mes convictions. Je veux rester noire, chrétienne, célibataire 😀
J’attache une grande valeur à l’authenticité. 

 

7. Si j’étais une bande dessinée ?

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Aya de Yopougon of course ! Cette BD est gaie, pleine d’humour et de folie. Tout comme moi !

 

8. Si j’étais une pièce de la maison ?

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La chambre. Une pièce à l’abri du regard. N’ont accès à cette pièce que les intimes. Comme la chambre, je ne me dévoile qu’à ceux que j’appelle mes intimes.

 

9. Si j’étais un parfum ?

 

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Trésor de Lancôme parce que j’aime laisser dans le sillage une empreinte fraîche et légère.
Je suis une femme-enfant gourmande. J’aime le calme et la douceur. Dans mes parfums, j’ai besoin de retrouver une âme, un souvenir qui me tient à cœur.

 

10. Si j’étais un produit de beauté ?

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Le Mascara pour sublimer le regard. 

 

Pour lire les portraits chinois des membres de la communauté, vous n’avez qu’à cliquer sur leurs liens. 

 

Trndy Shades : https://trndyshades.com/
Lilisha Brown : https://lilishabrown.wordpress.com/
HSE-CI : http://hse-ci.com/
That’s so Mouss : https://thatsomouss.blog/
Kto Style : https://www.youtube.com/channel/UCj_UOt3SEB8Udlrl6zR0Xaw?app=desktop
Elisamodish : http://elisamodish.fr/
Cendrine Small : http://cendrinesmall.blogspot.fr/
2 hands + 1 backpack : http://www.2hands1backpack.com/
Afrolyne : http://www.afrolyne.com/
Curly Cinnamon : https://curlycinnamon.com/
Curves, Cupcakes et Stilettos : https://curvescupcakesetstilettos.blogspot.fr/
Le Carnet de Cerise : http://lecarnetdecerise.com/
Pirouette Cacahuètes : https://pirouettecacahuetes.wordpress.com/
PramsLove2 : https://www.youtube.com/pramslove2
Xandrine LAhttps://www.youtube.com/channel/UCT_3dusApwn9oSmDUTlXwkQ?disable_polymer=true

 

 

Bonne découverte et à mardi prochain ! J’ai une belle surprise pour vous 😉

 

signature coeur graceminlibe

Publié dans Psyché

Le blog a deux ans d’existence !

Le lundi 18 Mai 2015, en ouvrant ce blog éponyme, j’étais comme ça 

 

 

J’ai écrit mon 1er article, une revue d’un livre qui a été un coup de cœur : Ce que le jour doit à la nuit et j’attendais avec impatience les commentaires.

Aujourd’hui, je suis comme ça 

 

 

Le blog a 2 ans d’existence ! Plus de 39400 pages ont été vues, il y a eu 19500 visiteurs, 324 articles écrits. C’est peu pour certains mais pour moi c’est énorme !

J’ai pensé qu’avec mon boulot, j’aurais mis cette activité en stand-by mais non la passion me presse. L’envie de partager est toujours là même quand je n’ai pas de retour. 

J’ai eu parfois envie de laisser tomber mais je suis contente de n’avoir pas cédé au découragement. Je suis fière d’avoir mené le blog là où il est.

Je tiens à vous remercier, vous qui m’accompagnez dans cette belle aventure. Merci aux abonnés d’hier et d’aujourd’hui pour les visites, les like, les commentaires.

Un grand merci à mon ami, coach Serge Koukougnon qui m’a donné cette idée.

Un énorme merci aux premières femmes et au premier homme qui ont marché sur la lune Grâce Minlibé (mon amie Béné, Esther Carpediem, ma première abonnée au blog et mon frère). Grâce à eux, je me sentais moins seule aux débuts du blog 😀 

Grand merci aux fidèles abonnés :

  • Yasmine D. et sa douce humeur ;
  • ma belle Afrolyne et son franc-parler ;
  • Zélie, l’amoureuse des mots ;
  • Cyriac et son ton de sagesse ;
  • Anne-Ju et son côté tordu ;
  • Juliet et son grain d’humour ;  
  • Nindedelver, PirouetteCacahuètes et tous ceux dont le nom m’échappe. Je sais que je peux toujours compter sur votre présence.

 

Un anniversaire est l’occasion idéale pour se réjouir mais aussi pour faire un bilan. Vu que je ne suis pas seule dans cette aventure, j’aimerais vous associer au bilan du blog, recueillir vos suggestions et pistes d’amélioration.

Pourriez-vous m’accorder quelques minutes et répondre à ce sondage en cliquant ici ?

Et si vous avez une âme de joueur, pourriez-vous dresser le portrait chinois du blog ? Vous répondez aux questions qui vous parlent le mieux. J’ai hâte de vous lire 🙂

Si le blog de Grâce Minlibé était…

  1. Un prix littéraire, ce serait… ?
  2. Un épice, ce serait… ?
  3. Un arbre fruitier, ce serait… ?
  4. Un dessert, ce serait… ?
  5. Un sport collectif, ce serait… ?
  6. Une heure de la journée, ce serait… ?
  7. Une pièce de la maison, ce serait… ?
  8. Un personnage Disney, ce serait… ?
  9. Un signe de ponctuation, ce serait… ?
  10. Une langue, ce serait… ?
  11. Un jeu de société, ce serait… ?
  12. Une pierre précieuse, ce serait …
  13. Une couleur, ce serait… ?
  14. Une des sept merveilles du monde, ce serait… ?
  15. Une matière enseignée à l’école, ce serait… ?
  16. Un genre musical, ce serait… ?

 

 

portrait chinois blog grace minlibe
Portrait chinois du blog par Dame Juliet ! 

 

deuxieme portrait chinois du blog grace minlibe
Portrait chinois du blog par l’auteur Pierre Thiry

 

GM signature

Publié dans Histoires

Un récit d’hiver #RDVBAM Challenge

Coucou les amis et bienvenue aux nouveaux !

Je participe pour la 2e fois au challenge du RDVBAM, le thème choisi pour ce mois est l’hiver. Parce que vous le valez bien, je vous partage le 1er chapitre d’un roman que j’espère publier cette année. 

*****

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Je sortis de la bouche du métro Wagram, empruntai le chemin qui menait au café «aux caves de Prony».

Je marchais les mains enfouies dans les poches de mon manteau. Un manteau à la fin du mois de mars… Pour cause, une saison hivernale qui s’allongeait, refusait de céder sa place au printemps, au renouveau. 

J’ôtai mes mains de mes poches afin de pousser la porte du café qui était comble. Chacun s’y trouvait pour une raison particulière : se retirer de la vie morne qu’engendrait l’hiver, passer le temps, se réfugier, se retrouver, discuter, s’épancher.

– Bonsoir madame. me dit un serveur. Il y a une table libre juste ici, si vous êtes toute seule.
– Non, merci. J’ai rendez-vous avec quelqu’une. Elle doit être déjà là.

– Très bien. 

Il se dirigea vers une table, j’en profitai pour balayer la pièce du regard. Je cherchais Emi, une bonne amie. Je m’avançai vers la table où elle était assise.

– Ben dis donc, le froid ne passera pas par toi ! s’exclama-t-elle

Je souris. Je portais un col roulé, un gilet et un chandail par-dessus. J’avais deux écharpes autour du cou et un bonnet sur la tête.

– Tu sais bien que je suis frileuse. répondis-je

J’ôtai mes écharpes. Il faisait une de ces chaleurs dans ce café !

– Tu prends quelque chose ?

– Je prendrai un café 

Pour me réchauffer.

– Toi et tes rimes. dit-elle en riant

Je lui fis un clin d’œil. 

 

Ma vie est faite de rimes 

Depuis qu’il m’a plongée dans l’abîme.

 

 

Elle fit signe au serveur qui vint prendre nos commandes. 

– Un café…

– Allongé. précisé-je

– Un café allongé pour la jeune dame et un thé vert à la menthe pour moi s’il vous plaît.

Il repartit, Emi entama la conversation.

 

– Je savais très bien que cette coupe de cheveux t’irait à merveille. Mets-toi de profil s’il te plaît.Tu es magnifique, Cyrielle. ajouta-t-elle quand je m’exécutai. Tu devrais faire cette coupe plus souvent.

Je soupirai. Elle avait procédé par insinuation pour que je fasse cette coupe de cheveux. La semaine dernière, elle n’avait cessé de m’envoyer des messages :

«Cyrielle, ça va ? J’ai vu une coupe de cheveux sur l’une de mes stagiaires. La coupe est magnifique, si tu voyais ! Vous avez la même forme du visage. Je suis sûre qu’elle t’ira très bien.»

«Tu as reçu la photo que je t’ai envoyée ? Bon, elle a réalisé sa coupe avec plusieurs tons de mèche. Je pense, et ce n’est qu’un humble avis, qu’une couleur uniforme t’irait à merveille.»

«Tu m’envoies une photo quand tu finis de te coiffer ? J’ai besoin de savoir si mes intuitions sont bonnes.» 

Sacré Emi ! Nous nous étions rencontrées dans un club de lecture qui se tenait à deux pas de mon lieu d’habitation et à une quinzaine de minutes de son lieu de travail. Nous étions les seules africaines du club, et ivoiriennes de surcroît. Savoir que nous venions toutes les deux de la terre éburnéenne nous avait rapprochées. Nous étions inséparables depuis. Sa présence me faisait un bien fou. Je la regardai avaler quelques gorgées de son thé. Je l’enviais tellement ! J’aurai tellement aimé être comme elle ! N’avoir aucune attache sentimentale et être heureuse malgré tout. 

Elle n’avait aucune attache, contrairement à moi. On m’avait attachée et les liens n’avaient pas été défaits.

«L’amour est une chose solitaire. C’est cette découverte qui fait souffrir.» 

 Cette découverte, je n’aurais jamais dû la faire, pas si tôt. 

«L’amour est plus précieux que la vie, l’honneur plus que l’argent: mais plus précieux que tous deux, la parole donnée. »

 Pourquoi n’avait-il pas respecté sa parole ? 

Pourquoi toutes ces fariboles ? 

– Qu’est-ce que tu racontes de beau ? me demanda Emi, écrasant ainsi la vague de souvenirs amers sur laquelle je surfais.

-Rien de bien intéressant.

Je portai la tasse à mes lèvres. Mon café était brûlant mais je ne retirais pas mes lèvres. J’aimais bien cette sensation. Puisse cette chaleur réveiller mon cœur endurci ! Emi porta également sa tasse à ses lèvres, la reposa immédiatement.

– C’est trop chaud ! Je ne sais pas comment tu fais pour boire des breuvages aussi chauds. Bref ! On dîne toujours ensemble samedi prochain ?

– Bien sûr. 

– Jean-Jacques peut se joindre à nous ?

– Emi, s’il te plaît ! Je ne veux pas le voir et tu sais pourquoi. Nous dînerons toutes les deux, rien que toutes les deux. 

J’avalai quelques gorgées de mon café. Je ne voulais pas voir Jean-Jacques. C’était un cousin d’Emi que j’avais rencontré lors d’un dîner organisé chez elle, nous devions avoir le même âge.

Je n’avais pas de l’aversion pour lui. Bien au contraire, je le trouvais fort sympathique. 
J’évitais de le voir tout simplement parce qu’il me rappelait l’autre. Je n’avais pas envie de le voir à travers lui.

Le regard d’Emi croisa le mien et ses yeux semblaient me dire: Cyrielle, fais un effort. Surmonte ta déception. Je le voulais mais n’y arrivais pas. La plaie était encore béante, des années qu’elle était ouverte et elle n’avait toujours pas cicatrisé.

Je revis mon passé, l’homme qui avait fait la jeune femme que j’étais. Je remontai dans le temps, 10 ans plus tôt…

© Grâce Minlibé

*****

Que vous inspire ce texte ? Quel titre lui donneriez-vous ? 

Pour voir les participations des autres membres de la communauté, vous n’avez qu’à visiter leurs blogs et chaînes Youtube géniaux !

Deadlines & Dresses : http://deadlines-dresses.com/
Anaïs Thinks : https://anaisthinks.com/
Beauttyan : https://beauttyan.com/
AfroLyne : http://www.afrolyne.com/
Esprit Mode by Sabrina : http://www.espritmodebysabrina.fr/
Made by me 23 : http://www.made-by-me23.com/
Curly Cinnamon : https://curlycinnamon.com/
That’s so Mouss : http://thatsomouss.wixsite.com/blog
Run au Féminin : http://run-au-feminin.com/
Mllevidova : https://mademoisellevidova.wordpress.com/
The Little Dayovo : http://thelittledayovo.com/
Xandrine LA : https://www.youtube.com/channel/UCT_3dusApwn9oSmDUTlXwkQ?disable_polymer=true
GYNIAH : http://gyniah.com/
Maëva Sans Blabla : https://maevasansblabla.wordpress.com/
Lovely Colibri : http://www.lovelycolibri.com/
Samba Sisters Touch : http://www.sambasisterstouch.fr/
Le Carnet de Cerise : http://lecarnetdecerise.com/
Black Beauty by Swan : http://www.blackbeautybyswan.com/

Publié dans Anémone

Fêtes de fin d’année – BYNF Challenge

Mes copines bloggeuses/youtubeuses noires francophones ont décidé de faire un calendrier de l’Avent pour les fêtes de fin d’année !

Chaque jour, vous aurez droit à un article sur la beauté, la mode, le lifestyle …

https://www.myadvent.net/calendars/?id=c4de064e65c3b435beec3eb7f772e298

J’ai d’abord voulu vous présenter une histoire romantique mais ma Muse a décidé de travailler sur le chapitre 4 d’Anémone. (c’est elle la boss) Vous pourrez lire les chapitres précédents ici

anemone

Anémone – Chapitre 4 

Je suis l’illustration du jour et de la nuit depuis quatre mois, quatre longs mois. Souriante, à l’école maternelle et sombre quand je rentre chez moi.

« La femme sera toujours la matrice et le berceau, mais jamais le tombeau »[1] L’auteur de cette phrase ne m’a pas connue sinon il n’aurait jamais écrit ça.

Pourquoi mon ventre ne veut pas conserver la vie ? Pourquoi de mes entrailles, il ne sort que le néant ? Qu’ai-je fait de mal pour ne pas mériter d’être une mère ?

Ce soir, je ne cuisine que pour lui. Sa table apprêtée, je pars m’étendre sur mon lit, les yeux fixés sur le plafond.

Il est entré et m’a rejoint sur le lit. Il m’oblige à le regarder, je ne peux m’empêcher de penser à ses yeux, ses lèvres dont nos petits auraient hérité. Il est tellement beau mon Lary, sa progéniture doit être assurée. Si je ne suis pas en mesure de le faire, une autre doit le faire.

  • Je comprendrai si tu envisages d’avoir un enfant d’une autre
  • Je t’arrête tout de suite…
  • Ton nom ne doit pas s’éteindre. continué-je. Ta famille ne doit pas remettre en cause ta virilité. Tu ne dois pas te priver du bonheur d’être père parce que ta femme ne peut pas remplir son devoir.
  • Mais ce n’est pas ça qui me rend heureux, Jany ! Ce qui me rend heureux c’est de t’avoir  à mes côtés, savoir que tu m’aimes.
  • Ce n’est pas ce qui te rend heureux ? Arrête  de raconter des mensonges, Lary. Ne me fais pas croire que tu es trop romantique, trop amoureux au point de ne pas vouloir d’enfant. répliqué-je le regard incrédule
  • Ce n’est pas ce que j’ai dit.
  • Oui et ce que tu dis n’est point la réalité. Bref ! Je ne pourrai pas assurer ta descendance, Lary. J’espère que…

Il se dirige vers la salle d’eau, claque la porte. Je fonds en larmes. Il n’y a personne pour porter ma peine.

****

Le temps s’écoule sans la moindre considération à mon égard. Il continue son chemin sans prendre la peine de cicatriser ma blessure de femme, d’effacer mon insatisfaction, ma frustration. Avec Lary, la communication est quasi inexistante, j’ai tellement honte de lui parler après avoir perdu ses enfants. Il souffre de me voir si triste, moi je souffre de ne pas lui donner d’enfant.

A l’école, nous préparons la fête de Noel. J’apprends à mes bouts de chou à faire des décorations pour le sapin de l’école. Ils attendent impatiemment leur cadeau. Je me surprends à attendre moi aussi un cadeau du Père Noel…

****

Le marché d’Adjamé grouille de monde, difficile de se déplacer parmi les étals. Les Abidjanaises préparent ardemment leurs fêtes de fin d’année, le sourire vissé aux lèvres. Victuailles, tissus, chaussures, sacs à main, cadeaux pour enfants, elles tentent de négocier puis capitulent. A Noël, le client n’est plus roi.

Des enfants portent leurs courses en échange de pièces de monnaie. Des enfants qui n’auront pas de cadeau de Noël pour la plupart. Deux d’entre eux m’abordent, ils doivent être frère et sœur. Ils veulent porter mes sacs. Il n’y a presque rien à l’intérieur : une nappe à motifs boule de Noël, des mètres de lin blanc mais je n’ose pas leur dire non. Un marchand de poki passe à côté de moi. Je l’arrête, lui demande de servir l’équivalent de 200 francs à chacun. Je leur offre, ils hésitent. Je leur dis que le père Noel m’a demandé de leur offrir des glaces et de les couvrir de cadeaux aujourd’hui. Ils ne me croient pas. « Le Père Noël n’existe pas » affirme la fille qui semble être l’aînée. « Il ne nous a jamais donné de cadeaux » renchérit le garçon. Je me retiens pour ne pas verser des larmes. Je leur demande leurs prénoms.

  • Naty et Fofié, c’est parce qu’il ne vous a pas oubliés qu’il m’a demandé de venir cette année. Il va vous donner plein de cadeaux. déclaré-je avec un immense sourire

Comme ils ne me croient pas, je leur demande d’entrer dans un magasin de jouets.  Fofié se précipite pour y entrer, est stoppé dans son élan par sa sœur. Ce qu’elle exprime me fend le cœur.

  • Nous, on a plus besoin de manger que d’avoir des cadeaux. Pourquoi, tu pleures, tantie ?
  • Vous êtes les seuls êtres au monde qui ne doivent manquer de rien. réponds-je la voix étranglée Que voulez-vous manger ?
  • Du lait, du riz, du sucre. Maman nous fera la bouillie. répond spontanément Fofié. Et du poulet ! On n’en mange plus depuis la mort de papa. 

Depuis quand ? Ai-je envie de demander mais les yeux embués de larmes de Naty me défendent de parler. Nous entrons dans une supérette. J’y achète les vivres ainsi que quelques biscuits. Nous partons également au Forum acheter un poulet. Ils me racontent leurs journées au marché durant le trajet. Ils me disent qu’ils vont prier pour que Dieu me bénisse. Dans mon cœur, je Lui demande de veiller sur eux ainsi que sur tous ces enfants qui vivent comme eux…

*C’est Noël, n’oublions pas les démunis, les orphelins, les veuves. Nul n’a le droit d’être heureux tout seul….

[1] Citation de Khalil Gibran

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Publié dans Histoires

RDVBAM Paillettes et sequins, tout ce qui brille

J’ai intégré un nouveau groupe de blogueuses afro/métissées sur invitation de deux blogueuses et je peux vous dire que je ne regrette pas de faire partie de cette petite communauté très animée.

Les créatrices du blog Samba Sisters Touch ont pensé ce groupe comme une place qui permet de rassembler en un même lieu, les multiples talents de la blogosphère afro/métissée, dispersés çà et là sur le web. Une place pour découvrir l’univers des talentueuses blogueuseset youtubeuses de la communauté afro/métissée.

Les membres du groupe ont décidé de partager une fois dans le mois leurs univers, à travers un « challenge sans barrières » autrement dit, chacun devra se sentir libre d’interpréter le sujet selon son univers, ou multiples influences : LE RDVBAM CHALLENGE

Les différents challenges sont publiés sur les blogs des participantes le 1er dimanche de chaque mois et sur la fan page Facebook du Challenge

Le thème de ce mois est PAILLETTES & SEQUINS. Le thème ne m’inspirait pas du tout mais voulant participer au challenge pour la première fois, j’ai décidé d’adapter l’un de mes écrits publiés sur ma page Facebook au thème. 

Je vous laisse découvrir mon récit. 

 

****

Détourner mon regard de l’écran lumineux, le mettre sous silencieux quand il se met à insister, ne pas sentir mon cœur qui se contracte de douleur, refuser que des larmes de tristesse me brouillent la vue. Tenter d’oublier son prénom, son visage, tout ce qui lui appartient et loge dans mon âme. Me séparer… Oublier…
Adisa a raison. Je n’ai rien à faire avec lui. Aucun avenir commun ne peut être envisagé. C’est impossible, plus maintenant…
J’ai essayé de le lui faire comprendre avant-hier après les cours, hélas !
Henri est attaché à moi comme un nourrisson au sein de ma mère. Il m’aime et moi…

J’ouvre grandement la fenêtre de mon studio qui donne sur l’arrière-cour de la résidence. Le vent frais me mord le visage mais je n’en ai cure.
Les récents événements de ma vie font un étrange défilé sous mes yeux. J’ai perdu un homme pour gagner une communauté.
Je dois être forte, avancer sans regarder en arrière. Je dois me retrouver, revendiquer mon identité. J’inspire un grand coup, referme la fenêtre avant de me diriger d’un pas nonchalant vers la salle d’eau. Là aussi, il y a eu du changement. Fini Garnier, L’oréal, Le petit Marseillais, mes produits de beauté sont uniquement Made in Africa, ma terre nourricière.

Je me dirige vers ma penderie. J’esquisse un sourire (le premier de ma soirée) lorsque mes yeux tombent sur ma jupe droite à sequins argentés, mon top à paillettes dorées, mon legging scintillant vert émeraude. Les paillettes et sequins règnent en maître dans ma garde-robe. 

Une robe à sequins

J’abuse des chaussures scintillantes : escarpins,  ballerines, sneakers, bottines.  J’ai au moins deux fois dans la semaine des paillettes à mes pieds. Ma mère m’y a habituée. Elle a toujours voulu que je brille. Elle me répétait sans cesse : la paillette et le sequin ne supportent pas la médiocrité.

 

Des baskets dorées

 

Des sandales brillantes à talons

Mon sourire s’évanouit. Je vais devoir me séparer de certains vêtements, ceux que je pourrai pas associer au pagne africain, le nouveau maître de ma garde-robe.  

« Qui d’autre que nous pour mettre en avant les produits qui viennent de nos terres ? Il est temps de consommer Africain, uniquement Africain. Délaissez ces habits qui puent l’occident, mettez en valeur le pagne de nos ancêtres.

N’ayons pas peur de ce que nous sommes, n’ayons pas honte de nos idées, ne doutons jamais de nos potentialités. Montrons leur que nous sommes meilleurs qu’eux. » Les mots d’Adisa et sa hargne ne se taisent pas dans ma mémoire.

J’enfile un boubou, des babouches. Verre de bissap et chips de banane posés sur ma table d’études, je dévore les ressources numériques disponibles sur le peuple Ehotile.
Je me sens si loin de mes racines, la faute à qui ?
Mes parents ont coupé tout lien avec leurs familles restées en Côte d’Ivoire. Ils ne m’ont jamais parlé du pays, de ce qu’on y fait. Tout ce que je sais de l’Afrique, de la Côte d’Ivoire, je l’ai appris à l’école, dans les médias occidentaux. 

Ils le font pour me protéger, ils me l’ont affirmé. De quoi ? De qui ? Ils n’ont jamais voulu me le dire. Entre frustration et colère, mon cœur balance.
Je suis une française à la peau noire mais ça va changer. Je vais découvrir ma vraie identité, je vais marcher sur les pas de mes ancêtres. Adisa est là pour m’aider à y arriver.  

J’engloutis une poignée de chips, mémorise tant bien que mal le vocabulaire gastronomique.

Des coups donnés à ma porte d’entrée me font sursauter. Je n’attends personne.

« Qui est-ce ? » m’entendais-je demander

Mon cœur se met à battre la chamade. Il l’a reconnu, il meurt d’envie de le revoir…

«Chloé, j’ai besoin de te voir. »

Mon cœur me supplie d’ouvrir…

«Ouvre s’il te plaît. »

…mais je ne peux pas.

« Je veux juste te voir, clo… »

Je ne peux pas te revoir, Henri.

«Tu me manques, ça devient atroce »

Sa douleur ne m’est pas inconnue mais je ne peux pas. Je ne dois pas retourner à ce passé artificiel…

*****

Comment vous trouvez le texte ? Etes- vous fan des paillettes et sequins ?

Pour lire les articles des autres membres de la communauté, cliquez sur les liens. 

The Little dayovo : http://thelittledayovo.com/
Un Huit Mars : http://unhuitmars.blogspot.fr/
Lovely Colibri : http://www.lovelycolibri.com/
That’s So Mouss : http://thatsomouss.wixsite.com/blog
Deadlines & Dresses : http://deadlines-dresses.com/
Elisamodish : http://elisamodish.fr/
Esprit Mode by Sabrina : http://www.espritmodebysabrina.fr/
DIY avec Krol : http://kroldiy.com/
GYNIAH : http://gyniah.com/
Le Carnet de Gladys : http://lecarnetdegladys.com/
Le fourre-tout de Gayou : https://lefourretoutdegayou.wordpress.com/
King Cheryry : https://kingcheryry.blogspot.fr/
Lisenailsart : http://lisenailsart.blogspot.fr/
Silence Brisé : https://silencebrise.com/
The Beautyfull World : http://thebeautyfullworld.com/
Samba Sisters Touch : http://www.sambasisterstouch.fr/
JoOh-Caramel : https://curlycinnamon.com/

 

 

paillettes-et-sequins

 

Bonne découverte ! 

signature coeur graceminlibe

 

 

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Coup de cœur pour la saison de l’ombre ?

« Si leurs fils ne sont jamais retrouvés, si le ngambi ne révèle pas ce qui leur est arrivé, on ne racontera pas le chagrin de ces mères. La communauté oubliera les dix jeunes initiés, les deux hommes d’âge mûr, évaporés dans l’air au cours du grand incendie. Du feu lui-même, on ne dira plus rien. Qui goûte le souvenir des défaites ? »

Nous sommes en Afrique sub-saharienne, quelque part à l’intérieur des terres, dans le clan Mulungo. Les fils aînés ont disparu, leurs mères sont regroupées à l’écart. Quel malheur vient de s’abattre sur le village ? Où sont les garçons ? Au cours d’une quête initiatique et périlleuse, les émissaires du clan, le chef Mukano, et trois mères courageuses, vont comprendre que leurs voisins, les Bwele, les ont capturés et vendus aux étrangers venus du Nord par les eaux.

Dans ce roman puissant, Léonora Miano revient sur la traite négrière pour faire entendre la voix de celles et ceux à qui elle a volé un être cher. L’histoire de l’Afrique sub-saharienne s’y drape dans une prose magnifique et mystérieuse, imprégnée du mysticisme, de croyances, et de « l’obligation d’inventer pour survivre. »

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Certains romans nous imposent le silence, forcent notre respect, nous ordonnent la concentration. La saison de l’ombre fait partie de ceux-là. 

Ce roman historique impose le silence et la concentration tant par sa forme que par son fond. Sa beauté saisissante fige les esprits, les conduit là où elle veut bien les mener.

Cette oeuvre complexe, puissante et émouvante nous porte au seuil d’un village de l’Afrique noire, au cœur du clan Mulungo, au crépuscule de la traite négrière.

Dans ce décor planté aux confins d’une brousse, on vit la disparition de fils, la douleur des mères, l’incompréhension des chefs de famille, la confusion des responsables de la communauté.

Qui a causé cet incendie ? Qui a enlevé les 10 jeunes et les hommes d’âge mur ? Pourquoi ? Où les ont-ils menés ? Reviendront-ils ? Sont-ils en vie ?

Les interrogations sont lourdes, les peurs s’amplifient, l’écho silencieux des réponses est affreux. 

On vit l’histoire via le lien mère-fils. Quel amour terrestre est plus grand que celui d’une mère ? Quelle douleur est plus grande que celle de se voir arracher un fils ? Quel lien est plus fort que celui d’une mère et son enfant ?  Ce lien fort, rompu porte la tristesse à son paroxysme, donne du souffle à l’histoire. 

On est frappé par sa détermination d’Eyabe dans sa quête de retrouver les fils qui manquent à la communauté. 

Eyabe ne se pose pas la question de la direction à suivre. Quelque chose la pousse, la conduit. L’amour des mères pour leurs fils n’a que faire des astres pour trouver son chemin. Il est lui-même l’étoile. 

Depuis qu’elle s’est mise en route pour trouver le pays de l’eau, elle considère cette dernière comme une puissance hostile, une force néfaste qui lui a ravi son premier-né. L’enfant dont la venue au monde a consacré sa féminité aux yeux du clan. Celui grâce auquel il lui a été donné de se découvrir, de se connaître elle-même telle qu’elle ne s’était jamais envisagée. Inventive : combien de mélodies lui sont venues lorsqu’il fallait le bercer ? Savante : elle avait la réponse à ses questions, pas toujours, mais souvent. Douce : oui, elle dont l’adolescence s’était passée à rivaliser au tir à la fronde avec ses frères. 

On est ému par la douleur des mères qui jamais ne reverront leurs enfants, choqué par l’esprit de clan égoïste qui règne chez les Bwele et la cruauté des Isedu. « La vie humaine ne leur est pas une chose sacrée. » 

Des écrits ont raconté l’expérience douloureuse de ceux qui ont été esclaves, forcés à quitter leur terre, oublier leur identité, être d’autres hommes. 

La saison de l’ombre a le mérite de raconter l’expérience douloureuse de ceux qui sont restés, ceux qui ont été forcés à vivre avec l’absence, devenir des êtres amputés de leur mémoire.

En 287 pages, l’auteur nous décrit le déclin du peuple Mulungo, le péril d’une communauté: la disparition de ses us et coutumes, ses traditions, son mystère, sa philosophie, sa langue, ses richesses, ses croyances.

L’auteur évoque également un peuple neuf, la cendre de plusieurs peuples éteints :

Ses pas l’ont conduite en ce lieu appelé Bebayedi, un espace abritant un peuple neuf, un lieu dont le nom évoque à la fois la déchirure et le commencement. Ceux qui sont ici ont des ancêtres multiples, des langues différentes. Pourtant, ils ne font qu’un. Ils ont fui la fureur, le fracas. Ils ont jailli du chaos, refusé de se laisser entraîner dans une existence dont ils ne maîtrisaient pas le sens, happer par une mort dont ils ne connaissaient ni les modalités, ni la finalité. Ce faisant, et sans en avoir précisément conçu le dessein, ils ont fait advenir un monde. Prenant le statut d’ancêtres, ils légueront une langue faite de plusieurs autres, des cultes forgés dans la fusion des croyances. 

 

Elle raconte avec une plume sophistiquée ce qui a été et ne sera plus, ce qu’on a définitivement perdu ; le pan d’un passé qu’on tait parce qu’on l’ignore et auquel on ne prête guère attention. Elle raconte ce qu’on fait perdre aux autres en cherchant à posséder sans mesure. 

J’ai été saisie par la lecture de cette oeuvre qui porte l’Afrique et ses mystères,  j’ai adoré la plume de l’auteur. Elle me donne l’envie de me surpasser pour améliorer mon style d’écriture. 

La nuit tombe d’un coup, comme un fruit trop mûr. Elle s’écrase sur le marais, la rivière, les cases sur pilotis? La nuit a une texture : celle de la pulpe du kasimangolo, dont on ne peut savourer toute la douceur sucrée qu’en suçant prudemment les piquants du noyau. La nuit a une odeur : elle sent la peau de ceux qui sont ensemble par la force des choses. La nuit sent les souvenirs que le jour éloigne… La nuit charrie les réminiscences du dernier jour de la vie d’avant…

Il m’a manqué quelques éléments pour ne pas l’inscrire à la liste de mes coups de cœur notamment les noms qui ne sont pas évidents à retenir car certains se ressemblent tant que l’on finit à ne plus savoir qui est qui et les longueurs. La lectrice impatiente que je suis aurait aimé que le chemin qui mène à la découverte des fils perdus soit moins long. 

Léonora Miano est un auteur que je vais maintenant suivre de très près. Avez-vous lu l’une de ses œuvres ? Laquelle me conseillez-vous ?

Des phrases à ne pas oublier

Tout ce qui vit abrite un esprit. Tout ce qui vit manifeste la divinité. 

Ce qui existe naturellement ne devient bon ou mauvais qu’au contact d’une volonté. 

C’est d’être nommé qui fait exister ce qui vit. 

L’auteur 

Née à Douala (Cameroun)  en 1973, Léonora Miano vit en France depuis 1991. L’intérieur de la Nuit, son premier roman, est paru en 2005. Une dizaine d’autres ont suivi depuis lors, recevant de nombreuses distinctions littéraires. Son écriture s’attache aux expériences subsahariennes et afrodescendantes, les inscrivant dans la conscience du monde. La Saison de l’Ombre a reçu le prix Femina 2013. 

La publication de l’oeuvre 

Editée par Grasset en 2013

Intégrée à La Collection « Terres solidaires » au 4e trimestre 2015. La Saison de l’Ombre, 10e titre de la collection « Terres solidaires » a été choisi par un comité de lecture panafricain composé de professionnels du livre, d’auteurs et de journalistes, à partir d’une sélection réalisée par Nathalie Carré. La collection « Terres solidaires » créée en 2007, repose sur un principe de « restitution » au Sud de textes littéraires écrits par des auteurs africains, publiés initialement au Nord. Par le biais de la coédition solidaire et avec la collaboration d’éditeurs français , des éditeurs en Afrique publient à des prix les plus accessibles possible pour le lectorat, des textes majeurs d’auteurs africains. 

Mon défi PKJ

La lecture de la saison de l’Ombre m’a permis de valider 7 challenges du défi Pocket Jeunesse:

1_ Lire un auteur qui a une double nationalité : Léonora Miano est camerounaise et française

10_ Lire un livre qui a un nombre de chapitres impair : La saison de l’ombre en a 5

16 _ Lire un roman avec un méchant vraiment très méchant : la princesse Njole

18 _ Penser très rapidement dans sa lecture qu’il va s’agir d’un coup de cœur

21_ Lire un livre qui vous a émue

23_ Lire un livre avec de l’herbe représentée sur la couverture 

25_Lire un livre qui met en scène des meilleures amies.

 

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