Publié dans Arrêt sur une oeuvre

TTL 83: le verger des âmes perdues de Nadifa Mohamed

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est : F comme…

Filsan

…. Femme

Couverture Le verger des âmes perdues

Nous sommes en 1987, à Hargeisa, 2e ville de Somalie. Les vents secs transportent des rumeurs de révolution, mais la dictature n’en reste pas moins ferme sur ses bases. Bientôt, à travers les yeux de trois femmes, nous allons assister à la chute de la Somalie. Deqo, neuf ans, a quitté le vaste camp de réfugiés où elle est née, attirée en ville par la promesse de recevoir sa première paire de chaussures. Kawsar, veuve solitaire prisonnière de sa petite maison volée au désert, est obligée de garder le lit, après avoir été passée à tabac au commissariat local. Filsan, jeune soldate, a quitté Mogadiscio pour réprimer la rébellion qui gronde dans le Nord. Et tandis que fait rage la guerre civile qui va mettre le monde en état de choc, les destins de ces trois femmes s’entremêlent de façon irrévocable.

Je veux pouvoir lire au moins un auteur par pays africain. Le Somali a été coché sur ma carte grâce à ce roman de plus de 300 pages.

Deqo, Kawsar et Filsan, trois générations de femmes, trois destins.

Deqo a 9 ans, Filsan, 25 et Kawsar 58. Elles sont somaliennes et à travers leurs portraits, le lecteur est immergé dans le contexte politico-social du pays, plus précisément de la ville de Hargeisa dans les années 87. On découvre une population souffrant mille maux à cause de la dictature.

La mort est présente à chaque page et c’est dur de lire ce gouvernement qui tue son peuple. Dur de lire cette détresse, ce désenchantement, ces violences envers les femmes et les filles par des hommes et des femmes.

J’ai apprécié la fin du récit et cette rencontre finale entre les 3 héroïnes même si j’ai trouvé qu’elle était un peu forcée. Que Filsan et Deqo arrivent toutes les deux à tomber sur la maison de Kawsar, c’est vraiment le coup du destin.

Le style d’écriture est imagé, poétique, très calibré. J’ai parfois eu l’impression que l’auteur avait fourni un effort extrême pour polir ses phrases. J’ai trouvé sa plume trop stylisée, encadrée. Comme si elle avait peur de perdre le contrôle…

Et vous, qu’auriez-vous proposé pour ce thème ?

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

L’île sous la mer : la soif de liberté

Mon challenge littérature sud-américaine se poursuit. Honneur à une auteure chilienne aujourd’hui.

L'île sous la mer par Allende

1770, Saint-Domingue.
Zarité Sedella, dite Tété, a neuf ans lorsqu’elle est vendue comme esclave à Toulouse Valmorain, jeune français tout juste débarqué pour prendre la succession de son père, propriétaire terrien mort de syphilis. Zarité va découvrir la plantation, avec ses champs de canne à sucre et les esclaves courbés sous le soleil de plomb, la violence des maîtres, le refuge du vaudou. Et le désir de liberté. Car entre soldats, courtisanes mulâtres, pirates et maîtres blancs, souffle le vent de la révolte. Lorsque Valmorain, réchappé de l’insurrection grâce au courage et à la détermination de son esclave, parvient à embarquer pour La Nouvelle-Orléans, Tété doit le suivre.
Mais la lutte pour la dignité et l’émancipation ne peut être arrêtée…

 

l'Afrique écrit

Parfois, j’ai envie de penser que l’esclavage n’a jamais existé, que des humains n’ont jamais infligé les pires souffrances physiques et morales à d’autres êtres humains. Je ferme les yeux, imagine ce monde sans esclavage. Puis, la réalité me frappe en plein visage. Les chants des morts en mer, des femmes violées, humiliées, des rebelles torturés résonnent.

L’île sous la mer relate ce crime contre l’humanité. A travers les yeux de Tété, on imagine ce qu’ont dû vivre les milliers de noirs déportés, réduits en esclavage. On salue leur révolte, leur combat pour la restauration de leur dignité.

J’ai beaucoup appris sur la hiérarchisation de la société en fonction du degré de sang blanc qui coule dans les veines, les origines de Haiti et Toussaint Louverture, la Louisiane. C’est un roman  fort sur la révolution des esclaves, leur soif de liberté, leur désir de rester attaché à leur culture malgré la domination occidentale.

Plusieurs portraits de femmes sont faits  :

  • Adèle, femme timide qui accepte de vivre son amour avec un homme blanc dans l’ombre puisqu’elle est noire
  • Violette, femme sensuelle, courtisane mulâtresse avide de richesse qui désire les hommes plus qu’elle ne les aime
  • Tété, l’esclave, femme-objet pour son maître, qui vit pour connaître un jour la liberté. 

 

A travers elles, on suit la condition des femmes à cette époque comme l’indique cet extrait de dialogue :

– Tout le monde veut être libre

– Les femmes ne le sont jamais, Tété. Elles ont besoin d’un homme qui prenne soin d’elles. Lorsqu’elles sont célibataires, elles appartiennent à leur père et lorsqu’elles se marient, à leur époux. 

 

J’ai apprécié la diversité des profils psychologiques des personnages : femme timide, femme sensuelle, femme cupide, homme lâche, violent, courageux, compatissant, combattant.

Ce roman est une ode à l’amour passion. Divers couples se forment au fil du récit. J’ai été touchée par celui de Gambo et Tété et celui qu’a éprouvé Etienne pour Violette. Il l’a aimée et épousée malgré son statut de courtisane mulâtresse. 

C’est aussi un hymne à l’amour maternel, que l’enfant soit issu de nos entrailles ou non.

Il y a une chose qui m’a fait grincer les dents :  l’inceste qui se déroule dans le dernier quart du roman. 

J’ai lu un roman riche tant par les thèmes qu’il aborde que par les sentiments qu’il fait naître. Le lecteur passe de la haine à l’amour, de la joie à la tristesse, de la peur à la sérénité, de la lâcheté au courage, de la détermination à la résignation. 

J’ai passé un bon moment de lecture. Nul doute qu’il en sera de même pour vous. 

 

La citation à méditer 

Je n’aime pas l’esclavage, je vous l’assure, et j’aime encore moins vivre ici, mais il faut bien que quelqu’un dirige les colonies pour que vous puissiez sucrer votre café et fumer un cigare. En France, on profite de nos produits, mais personne ne veut savoir comment on les obtient. Je préfère l’honnêteté des Anglais et des Américains […]

 

Que lisez-vous en ce mercredi ?

Quel roman sur l’esclavage vous a fortement remué ?

 

signature coeur graceminlibe