Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Lagos lady, coup de cœur noir

 

Lagos lady par Adenle

Mauvaise idée de sortir seul quand on est blanc et qu’on ne connaît rien ni personne à Lagos ; Guy Collins l’apprend à ses dépens, juste devant le Ronnie’s, où il découvre avec la foule effarée le corps d’une prostituée aux seins coupés. En bon journaliste, il aime les scoops, mais celui-là risque bien de lui coûter cher : la police l’embarque et le boucle dans une cellule surpeuplée, en attendant de statuer sur son sort. Le sort, c’est Amaka, une splendide Nigériane, ange gardien des filles de la rue, qui, le prenant pour un reporter de la bbc, lui sauve la mise, à condition qu’il enquête sur cette vague d’assassinats. Entraîné dans une sombre histoire de juju, la sorcellerie du cru, notre journaliste à la manque se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère, tandis qu’Amaka mène la danse en épatante femme d’action au milieu des notables pervers. Hôtels chics, bars de seconde zone, jungle, bordels, embouteillages et planques en tout genre, Lagos bouillonne nuit et jour dans la frénésie highlife ; les riches font tinter des coupes de champagne sur Victoria Island pendant que les pauvres s’entretuent à l’arme lourde dans les bas quartiers. Un polar survolté et drôle qui plonge au cœur de la ville africaine à la vitesse d’un tir de kalachnikov. Le Nigéria n’a jamais été aussi près de Tarantino.
Vous aimez le côté obscur des choses, les enquêtes policières, le rythme effréné, les effets de surprise  et vous cherchez votre prochaine dose d’adrénaline ? Elle se trouve dans LAGOS LADY.
Vous avez besoin de garder les yeux ouverts pendant un très long moment ? Votre objectif sera atteint avec LAGOS LADY. 
Vous devez faire du sport, votre médecin et votre conscience vous le disent régulièrement mais vous n’avez pas aucune volonté ? Elle viendra avec LAGOS LADY. Ce polar vous fera courir dans les rues de Lagos, vous aurez la peur au ventre. Oubliez les moments de répit. 
Vous verrez  la violence à l’état brut. Non, l’auteur n’a pas signé de contrat avec Walt Disney. Il n’enjolive pas la misère, la violence et la prostitution présentes dans le pays. J’ai plusieurs fois dit pendant ma lecture que c’était très violent. J’aurais voulu en tant qu’africaine optimiste qu’on ne montre pas le côté noir de Lagos mais peut-on cacher le visage avec un doigt ? Doit-on nier la réalité ? 
Mais bon, j’étais à Lagos, la ville des agressions à main armée, des assassinats – auxquels il fallait maintenant ajouter, apparemment, les « meurtres rituels »
Ce livre est plein d’émotions. On prend pitié de ces jeunes filles pour qui « la prostitution n’était pas un choix – c’était une absence de choix »
On réfléchit à la condition de la femme, c’est rageant de voir qu’on ne la réduit souvent qu’à son sexe. 
En parlant de sexe, j’ai été un peu gênée des différentes allusions qui étaient faites et des descriptions assez étayées. Heureusement, on est très loin du 50 nuances de Grey. 
On est surpris par le caractère d’Amaka, « cette femme qui se sert de son savoir, de son charme et de tous les moyens disponibles pour défendre d’autres femmes. »
On trouve Guy Collins si candide, si attachant. On a envie de le caser avec une de nos cousines en liste d’attente sur la liste des mariages mais bon son cœur appartient à … Souffrez que je ne vous dévoile pas le nom de l’heureuse élue. 
On rit aussi dans ce roman
Un frisson de terreur m’a parcouru l’échine en voyant une tête rouler par terre – puis j’ai compris que quelqu’un avait perdu sa perruque, rien de plus. 
LAGOS LADY est un coup de cœur pour moi tant au niveau du fond que de la forme. L’intrigue est bien construite, les personnages aussi. Les chapitres sont très courts  et donnent un rythme haletant au livre.
L’auteur a utilisé deux types de narrateur : le narrateur héros (Guy Collins) et le narrateur témoin (Amaka et les personnages secondaires). Cette narration alternée apporte du dynamisme à l’histoire. 
Les événements sont un peu résumés lorsqu’on tend vers la fin mais ça n’enlève rien au charme de l’histoire. 
La fin est surprenante ! C’est une belle ouverture, un coup de maître. On referme le livre en frémissant. On imagine sa suite. On a envie d’acclamer et de dire chapeau à l’auteur. 
Il y a des livres dont je suis fière d’en posséder un exemplaire, LAGOS LADY en fait partie et Leye Adenle a fait son entrée officielle dans ma liste d’auteurs à suivre. 
 
Biographie de l’auteur  
Leye Adenle, né au Nigeria en 1975, vit actuellement à Londres. Chef de projet, acteur occasionnel, il livre avec Lagos Lady son premier roman, après avoir publié plusieurs nouvelles.
Détails de l’oeuvre 
Publication : 10/03/2016
Prix : 20 €
Titre original : Esay Motion tourist
Langue originale : Anglais (Nigéria)
Traduit par : David Fauquemberg
 
Retrouvez une interview de l’auteur ici 
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Les deux messieurs de Bruxelles

Résumé de l'oeuvre

« En amour, on croit être deux alors qu’on est trois »

Dans la lignée de Concerto à la mémoire d’un ange, La rêveuse d’Ostende et Odette Toulemonde, les nouvelles très romanesques d’Eric-Emmanuel Schmitt parlent de l’amour sous toutes ses formes: conjugal, clandestin, paternel, filial, mais aussi amour de l’art ou amour de l’humanité. A travers un suspens subtil et ensorcelant, elles dépassent à chaque fois les apparences pour déjouer l’attendrissante complexité du cœur humain.

Les deux messieurs de Bruxelles

Une quatrième de couverture véridique, qu’est-ce que ça fait du bien !  Elle résume ce que j’ai ressenti en parcourant ce recueil composé de 5 nouvelles: Les deux messieurs de Bruxelles, Le chien, Ménage à trois, Un cœur sous la cendre et L’enfant fantôme.

Les deux messieurs de Bruxelles est d’abord l’histoire de Geneviève, une femme qui, un jour, apprend qu’elle est l’unique ayant droit de monsieur Jean Daemes, un homme qu’elle ne connaît pas. Geneviève est peut-être du troisième âge mais a encore toute sa mémoire ; elle en est sûre et certaine, elle n’a jamais côtoyé cet homme et il n’appartient pas à son arbre généalogique. Qu’est-ce qui l’a donc poussé à lui léguer toute sa fortune ?

Une importante question qui nous ouvre les portes de son intimité ainsi que celles de Jean Daemes et Laurent Delphin.

Cette nouvelle qui aux premières lignes semble avoir une portée humoristique est une peinture de l’amour secret, du mariage contraignant, de l’attachement à la vie de l’autre parce qu’il a ce qu’on ne peut naturellement pas avoir, un portrait de nos vies virtuelles, maquillées, inventées…

Le chien est l’histoire de Samuel, un médecin veuf qui se suicide après la mort brutale de son chien. Étonnant qu’un homme qui ait vu tant d’hommes mourir décide d’écourter sa vie après la mort de son chien ! Quelle relation entretenait-il avec celui-ci ?

Quelques jours après la disparition de Samuel, le comte de Sire se présente chez sa fille et désire de tout cœur organiser ses obsèques. Quelle était la nature de sa relation avec Samuel ?  Qu’est-ce qui se cache derrière ce vif désir d’organiser ces obsèques ?

Samuel nous donne des réponses dans une lettre laissée à sa fille, un récit  bouleversant,  l’histoire d’un cœur meurtri ranimé par un chien, l’histoire d’un chien qui apprend l’humanité à l’homme.

En terminant cette nouvelle, on ne peut s’empêcher de dire: l’existence des chiens n’est pas le fruit du hasard…

Un héros, c’est un homme qui essaie d’être un homme toute sa vie, tantôt contre les autres, tantôt contre lui-même.

Ménage à trois relate la vie de la femme du célèbre compositeur Mozart et de la dévotion que portait son second mari à ce dernier. Cette histoire ne m’a pas vraiment emportée mais elle est assez instructive.

Un cœur sous la cendre n’est pas une nouvelle mais un scénario de film tant l’action est présente dans le récit.

C’est l’histoire d’une femme qui aime son neveu plus que son fils jusqu’au jour où la mort de l’un donne la vie à l’autre.

J’ai bien aimé ce récit car il suscite des réflexions importantes sur le don d’organes.

La dernière nouvelle du recueil, L’enfant fantôme est brève mais intense. Elle aussi soulève des questions épineuses: Faut-il interrompre une grossesse quand l’enfant présente des pathologies invalidantes ? Peut-on être heureux et souffrir?

Le bonheur ne consiste pas à se mettre à l’abri de la souffrance, mais à l’intégrer au tissu de notre existence

J’ai également apprécié  le journal d’écriture de l’auteur qui se trouve à la fin du recueil. Il nous dévoile comment ces histoires sont nées, ses points de vue au sujet des questions épineuses mises en évidence dans ses textes.

Un sentiment porte toujours son contraire. A chacun de peser du bon côté.

Les moralistes ne font jamais de bons romanciers. Quand ils s’y essaient, ils introduisent dans leur reproduction du réel une froideur clinique

J’ai deux autres livres de l’auteur à découvrir. Je vous quitte en vous souhaitant une belle lecture. 🙂

Grâce Minlibé

Auteure de Chimères de verre