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Dans le ventre du Congo – Blaise Ndala

Lorsque s’ouvre l’Exposition universelle de Bruxelles le 17 avril 1958, Robert Dumont, Sous-commissaire du plus grand évènement international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a fini par rendre les armes : il y aura bel et bien un « village congolais » parmi les quatre pavillons consacrés aux colonies. Le Palais royal a coupé court aux atermoiements du supérieur direct de Dumont, son ami le baron Guido Martens de Neuberg, Commissaire général d’Expo 58.

Dumont ignore que, parmi les onze recrues congolaises mobilisées au pied de l’Atomium pour se donner en spectacle devant les visiteurs venus des quatre coins du monde, figure la jeune Tshala, fille de Kena Kwete III, l’intraitable roi des Bakuba. Le périple de cette princesse nous est alors dévoilé, entre son Kasaï natal et Bruxelles, en passant par Léopoldville où elle a côtoyé Patrice Lumumba et Wendo Kolosoy, le père de la rumba congolaise, jusqu’à son exhibition forcée à l’Expo 58, où l’on perd sa trace.

Été 2004. Fraîchement débarquée en Belgique, une nièce de la princesse disparue croise la route d’un homme hanté par le fantôme du père. Il s’agit de Francis Dumont, professeur de droit à l’Université libre de Bruxelles. Une succession d’événements fortuits finit par dévoiler à l’un comme à l’autre le secret emporté dans sa tombe par l’ancien Sous-commissaire d’Expo 58. D’un siècle à l’autre, la petite histoire embrasse la grande pour poser la question de l’équation coloniale : le passé peut-il passer ?

J’ai découvert la plume de Blaise Ndala via Sans capote ni kalachnikov. Ayant apprécié sa plume mordante, j’avais hâte de lire un autre de ses récits. Et l’opportunité s’est présentée l’an dernier, lorsque ma maison d’édition Vallesse a édité pour l’Afrique, Dans le ventre du Congo et qu’il a reçu le Prix Ivoire 2021.

Deux parties et un prélude forment la charpente de ce roman. L’Expo 58 est présentée trois mois avant, puis quarante-cinq après et six semaines après l’ouverture officielle. La 2e partie est dédiée au retour au Congo.

Le lecteur découvre les coulisses de cette exposition mais surtout la princesse Tshala qui, tombant amoureuse d’un colon belge, sera obligée de partir à Léopoldville après cet affront que constitue cette liaison interdite. Une mauvaise rencontre avec Mark de Groof, commerçant et collectionneur d’art va l’amener à se retrouver au « village de bantous congolais » de l’Exposition Universelle avec une dizaine de congolais.

Dans l’un des pavillons les plus courus où les visiteurs pouvaient s’émerveiller devant un village de Bantous congolais avec leur invité Pygmée, en pleine jungle équatoriale, comme si vous y étiez », et ainsi toucher du doigt « le long chemin que la Belgique a fait prendre à ses indigènes depuis les ténèbres de l’époque de Kurtz jusqu’à l’ère contemporaine »

Tshala va donner du fil à retordre aux responsables du pavillon. J’ai apprécié son esprit rebelle. Pendant que ses compagnons dansent au rythme du folklore de l’ethnie teke, elle chante en français ou en latin.

Elle décide avec le groupe de mettre un terme à leur participation aux activités à la suite d’un incident dans ce pavillon congolais_ un incident qui va se répéter, dans un stade de foot, 45 ans après. Mais le pygmé Zando Bara, membre du groupe, est le seul à s’opposer. Et les mots de Zando Bara m’ont fait penser à toutes ces personnes qui parce qu’ils n’ont jamais expérimenté le racisme en ont marre des revendications des autres, ces personnes qui trouvent que le racisme est moins choquant, moins humiliant que le tribalisme. La dignité humaine a-t-elle plusieurs couloirs, plusieurs échelons ?

A travers l’histoire de Tshala, ce sont des faits historiques méconnus qui sont évoqués. Je n’avais pas en effet connaissance de cette exposition universelle de 1958 ni des collections de près de 200 fœtus, crânes et autres ossements d’Africains qui sont gardés depuis la fin du XIXe siècle dans les musées royaux belges.

Le passé est sale. Doit-on l’exhumer ? Dans le ventre du Congo semble être engagé sur la voie de la conciliation, celle qui jette un coup d’œil furtif au passé mais vit pour le futur.

… depuis que la terre est notre demeure commune, des peuples se rencontrent, tantôt dans la joie, tantôt dans la douleur, tantôt sous l’étreinte de l’allégresse, tantôt sous le joug de la barbarie.
Ce ne sont pas les blessures qu’ils s’infligent les uns aux autres qui comptent le plus lorsque le temps éclaire nos vacillantes illusions de discernement. Ce qui l’emporte, fils, c’est ce que leurs enfants après eux en retiennent afin de bâtir un monde moins répugnant que celui qui les a accueillis.

Sur la question de l’immigration, l’auteur semble avoir un avis bien tranché

Les humains doivent pouvoir aller où ils veulent, quand ils veulent, parce que c’est tout ce qu’ils ont fait depuis que l’Australopithèque, l’homme de Cro-Magnon ou que sais-je, a quitté sa grotte en Afrique, professeur Funcken. C’est aussi simple que ça, il me semble, non ? Regardez donc à quel point tout ça est finalement très banal : les Allemands, par centaines, vont en Chine et y trouvent leur bonheur ; les Chinois, par milliers, vont en Ethiopie et s’y enrichissent. Alors, dites-moi, au nom de quoi les Ethiopiens n’iraient-ils pas vivre en Australie ou au pôle Nord ?

Ce roman de près de 400 pages est dense, complexe dans sa structure narrative. Impossible de le lire d’une traite pour moi. Il m’a fallu des pauses pour assimiler l’histoire de la lignée royale des Kuba notamment.

Si j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre les parties où Tshala est la narratrice, celles de sa nièce Nyota m’ont laissée indifférente car je n’y ai pas trouvé le même degré d’émotions. J’attendais beaucoup de ce dernier roman de Blaise Ndala et j’ai eu l’impression à la fin de ma lecture de rester sur ma faim.

Comme dans sans capote ni kalachnikov, l’un des personnages est un footballeur. Est-ce du pur hasard ou l’auteur aime dresser le portrait des stars du ballon rond ? 😀

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TTL 108 : Hercule Poirot (BD), tome 1 

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Couverture hivernale

Je triche un peu parce que le livre qui correspond à ce thème, je l’ai lu il y a deux semaines. 😀

Couverture Hercule Poirot (BD), tome 1 : Le crime de l'Orient-Express

Hiver 1937. Juste après minuit, une congère force l’Orient-Express à s’arrêter en pleine voie. Le luxueux train est étonnamment plein pour cette période de l’année, mais, au petit matin, on dénombre un passager de moins… Un magnat américain est mort d’une dizaine de coups de couteau, la porte de son compartiment verrouillée de l’intérieur. Hercule Poirot mène l’enquête dans le train coupé du monde…

J’ai lu le roman au collège et je ne me souvenais plus de l’intrigue. Grâce à cette bande-dessinée, je me souviens de la raison pour laquelle cette enquête d’Hercule Poirot est l’une de mes préférées. Le suspense est présent, le final époustouflant.

On suit avec intérêt l’enquête de notre cher Hercule Poirot. On sait que l’assassin est dans le train car aucun passager n’est descendu du train depuis le départ. On suit les différents interrogatoires, recoupe les informations, cherche à déceler les incohérences. Comme toujours, Hercule Poirot a une longueur d’avance…

Bravo au scénariste et surtout à l’illustrateur qui a su retranscrire le décor de l’histoire. Les dessins retranscrivent l’atmosphère glaciale, l’ambiance feutrée. J’ai beaucoup apprécié le style moderne. Pour avoir lu d’autres tomes de la saga BD, je trouve que le dessin d’Hercule Poirot dans ce tome est le plus réussi.

Nul doute que ce n’est pas facile de retranscrire l’histoire originale dans ce format. Pari risqué mais réussi.

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Les 700 aveugles de Bafia – Mutt-Lon

Couverture Les 700 aveugles de Bafia

Les 700 aveugles de Bafia retrace les trajectoires de deux femmes qui n’auraient jamais dû se rencontrer : Damienne Bourdin, jeune Marseillaise, médecin des troupes coloniales fraîchement arrivée en Afrique pour travailler auprès du Dr Jamot, et Débora Edoa, infirmière auxiliaire indigène, princesse Ewondo.
Nous sommes en 1929 au Cameroun. Le Dr Eugène Jamot, grand nom de la médecine tropicale, dirige la Mission permanente de prophylaxie de la maladie du sommeil. À la tête d’une armée de médecins français et d’infirmiers indigènes, il tente de lutter contre la terrible maladie. Malheureusement une bavure médicale survient dans une subdivision sanitaire, qui produit plusieurs centaines d’aveugles, induisant au passage une révolte indigène. Damienne Bourdin, l’héroïne principale, se voit confier par Jamot la responsabilité d’exfiltrer l’infirmière Débora Edoa, dont la présence sur les lieux de la révolte est sur le point de compliquer la donne en provoquant une guerre tribale.

Ce récit relate une bavure médicale inconnue du grand nombre. Dommage que rien n’ai été écrit sur ce sujet jusqu’ici. On ressent un sentiment d’injustice parce que le vrai coupable n’a pas répondu de ses actes, les victimes n’ont pas été dédommagées par l’administration coloniale.

Ce récit évoque également les tensions tribales mais je n’ai pas réellement perçu les causes de dissension entre les ewondo et les bafia.

La lecture est fluide, la thématique intéressante mais il m’a manqué de la profondeur dans les portraits de certains personnages notamment celui d’Abouem, le chef traditionnel qui va initier la révolte.

Il est vrai que le parcours de Damienne, cette jeune Marseillaise, médecin des troupes coloniales est intéressant à suivre. Il est vrai qu’à travers elle et Edoa, on rencontre des femmes libres, qui ne se laissent pas dicter leurs choix mais j’aurais préféré que l’histoire soit racontée du point de vue des autochtones, des aveugles, de ceux qui ont subi la bavure médicale.

La fan de romance, d’amour avorté que je suis a bien apprécié l’histoire avortée de Rouget.

Entre roman historique et roman d’aventures, Les 700 aveugles de Bafia est une intéressante découverte, un roman qui invite à se souvenir, à ne pas oublier ce qui a été fait.

La citation préférée

Dans chaque famille paisible, on trouve des germes latents de discorde, et il finit toujours par arriver quelqu’un qui excelle dans l’art de les agiter.

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Mère à mère de Sindiwe Magona

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Amy Elizabeth Biehl, boursière Fulbright, a été attaquée et tuée par une foule de jeunes Noirs à Guguletu, en Afrique du Sud, en août 1993. Généralement, dans des affaires comme celle- ci, on parle beaucoup, à juste titre, de l’univers de la victime : sa famille, ses amis, son travail, ses intérêts, ses espoirs et aspirations. Le cas Biehl n’y a pas échappé. Et pourtant, n’y aurait- il pas des leçons à tirer d’une connaissance de l’autre univers ?

Quel était l’univers des tueurs de cette jeune fille, l’univers de ceux dont l’environnement a négligé de cultiver en eux les grands idéaux de l’humanité et qui, tout aussi jeunes que leur victime, sont devenus des créatures perdues, habitées par la malveillance et la destruction ?

A travers son roman, Sindiwe Magona nous immerge dans l’univers d’un tueur. Par l’entremise des souvenirs de la mère de ce dernier, Sindiwe Magona fait entrevoir la dureté humaine qui a rendu possible le meurtre d’Amy Biehl.

Mon fils a tué votre fille.

C’est sur cette phrase que débute le roman, la lettre d’une mère (dont le fils est coupable) à une mère (dont la fille est victime).

Les gens me regardent comme si je l’avais fait moi- même. Les plus généreux, comme si je l’avais poussé à le faire. Comme si j’avais toujours pu tout faire faire à cet enfant.

Ce roman est le monologue d’une douleur qui écrit à une autre douleur. La mère du tueur, désemparée et éplorée, scrute sa mémoire et examine la vie que Mxolisi, son fils a connue… son univers. En quête de réponses pour elle-même, elle parle à l’autre mère.

Le lecteur voit l’Afrique du Sud de l’intérieur, Le peuple noir dépossédé, mis à l’écart.

– Ils sont forts pour nous donner des traitements pour lutter contre la tuberculose, reconnut Lwazi. mais pas pour les livres ni pour les enseignants.

– La tuberculose, ça s’attrape, tu ne le savais pas ? demanda Sazi. Les Boers ont la trouille qu’on la leur refile.

Ségrégation, création des townships et expulsion de la population noire des villes vers les banlieues.

Des enfants livrés à eux-mêmes avec une haine féroce en héritage et qui se traduit par une violence sans nom.

la tempête la plus importante est encore ici. Elle demeure dans notre cœur – dans le cœur des gens de cette terre. Car, laisse- moi te dire une chose, les racines de la haine sont profondes ici. Profondes. Profondes. Profondes.

Nos enfants sombrèrent vite dans la barbarie. Impunément, ils rompirent avec la tradition ancienne et franchirent la ligne frontalière qui sépare l’homme de la bête. L’humanité de l’être humain, ubuntu, s’enfuit. Elle fut grièvement violée. Elle s’ensevelit là où aucun de nous ne la retrouverait aisément.

Mère à Mère est un roman audacieux, déroutant, émouvant. L’Afrique du Sud y est racontée tout en nuances avec complexité et passion. Sindiwe Magona revient à l’héritage de l’apartheid – un système répressif et brutal, qui a engendré une violence inter et intra raciale insensée, ainsi que d’autres événements infâmes.

J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire, à m’insérer dans la peau du personnage de la mère et pourtant la narration interne est là pour jouer ce rôle. J’aurais aimé lire l’histoire du point de vue de Mxolisi, j’aurais voulu entendre ses mots. Je pense que le récit aurait été encore plus dense.

Le récit comprend 12 chapitres non linéaires où l’on fait des sauts en arrière. Il n’y a pas mal de mots Xhosa, bon pour la culture générale mais faire des va-et-vient entre les références de pied de page et le texte, peut être fatiguant.

Ce roman est finaliste du Prix les Afriques 2021.

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TTL 102: Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Vilains & Méchants

J’ai pensé à ce titre

Couverture        Et d'un seul bras, la soeur balaie sa maison

Lala vit chichement dans un cabanon de plage de la Barbade avec Adan, un mari abusif. Quand un de ses cambriolages dans une villa luxueuse dérape, deux vies de femmes s’effondrent. Celle de la veuve du propriétaire blanc qu’il tue, une insulaire partie de rien. Et celle de Lala, victime collatérale de la violence croissante d’Adan qui craint de finir en prison.
Comment ces deux femmes que tout oppose, mais que le drame relie, vont-elles pouvoir se reconstruire ?

J’ai choisi ce roman de Cherie Jones parce que la majorité des hommes dans ce roman sont vilains: moralement laids. Ce sont des hommes violents, particulièrement méchants envers des femmes, leurs femmes, leurs filles.

Il y a le vilain Carson qui abuse de sa fille,

Rainford, le vilain et jaloux fiancé, qui n’arrive pas à aimer la fille de sa fiancée et va tuer celle qu’il prétend aimer,

Il y a Adan, le géant, qui bat continuellement sa femme,

Il y a le vilain lieutenant Beckles qui va abuser d’une femme.

Elles s’appellent Esmé, Lala, Saba, Mira et elles subissent la violence du mâle.

A travers ce récit de plus de 300 pages, le lecteur fait face à la fureur de l’homme. Une violence qui ne peut s’expliquer, une violence qu’on croirait innée.

A travers les histoires personnelles et commune de Wilma, Esmé et Lala, l’on est tenté de se demander si la violence conjugale est un héritage transmis de génération en génération.

elle ne comprenait pas que, pour les femmes de sa lignée, le mariage était, d’une manière ou d’une autre, un meurtre.

Le lecteur assiste, impuissant, au relâchement de l’éducation parentale, à l’influence malsaine des adultes et à la naissance de monstres comme Adan.

Le récit se déroule à Baxter dans les années 80 et dans ce paradis pour touriste, les élites et riches noirs sont rares. Il n’y a presque pas de médecin. Les femmes cousent, tressent, font le ménage ou se prostituent. Les hommes sont des gigolos, des braqueurs ou dealers de drogue. J’ai grincé des dents face à ce portrait misérabiliste d’afro-descendants.

Il m’a manqué l’histoire économique de l’île de la Barbade pour justifier ce portrait.

Le style de l’auteure est entraînant, le ton assez mélancolique. Si j’ai eu de la compassion pour Lala, le seul personnage auquel je me suis attachée est Tone. Je n’ai d’ailleurs pas du tout aimé le sort qui lui est réservé à la fin.

Si j’ai apprécié ma lecture, de nombreuses questions restent sans réponse pour moi : pourquoi Wilma reste-t-elle avec son mari malgré tout ? Pourquoi Esmé et Saba se prostituent ? Pourquoi Tone a décidé de vivre cette vie? Qu’est-ce qui a déclenché cette Chose qu’il ne peut nommer ?

Un amour interdit Alyssa Cole

Que sont les secrets, si ce n’est des choses que l’on veut oublier ?

tu comprends qu’aimer un homme ne s’apprend pas, car si c’est le bon, l’apprentissage est inutile, l’amour est la chose la plus naturelle au monde. Tu comprends que si tu dois apprendre à aimer un homme, il n’est probablement pas celui que tu devrais aimer.

Avez-vous lu ce livre ?

Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

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TTL 99 : Funeste opéra d’Antoine Vetro

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Votre dernière découverte.

J’ai découvert, grâce à la Bibliothèque Encre Noire qui a ouvert ses portes le mois dernier dans ma commune, un polar du Sud plus précisément de la Sicile.

Il n’ira plus à l’opéra : la poitrine déchiquetée par deux coups de calibre 12 tirés à bout portant, le sang coagulé sur son smoking, Monsieur Baldasere Siculisani, pharmacien de son état, gît sans vie. Une histoire de vendetta ? Probablement. C’est souvent le cas en Sicile. La très redoutée Madame le Procureur, Erica Muratori, s’empare de l’affaire avec un zèle inhabituel. Dans le même temps, Salvatore, son mari journaliste, qu’elle méprise cordialement, enquête lui aussi de son côté…

Imagination imprévisible, comédiens, tragédiens, les méditerranéens préparent leurs vengeances, savourant sans le moindre état d’âme l’amertume de la rancune mêlée au plaisir de préparer la riposte. Un roman policier parfaitement orchestré qui se partage entre Narbonne, Montpellier, Paris et la Sicile.

Vous recherchez une enquête policière en plein cœur de la Sicile, une infiltration dans le milieu de la mafia avec des rebondissements ? Désolée, vous aurez plutôt des ex et futur ex qui se détestent, un plan machiavélique à déjouer, des amours naissants, une longue liste de plats de la Sicile qui font saliver soit dit en passant, une préparation d’un opéra, une mère qui tient à venger son fils…. Cette combinaison d’ingrédients m’a conduite à une lecture mitigée.

J’ai eu de l’intérêt pour cette vendetta sicilienne mais j’aurais voulu une enquête policière, me triturer les méninges pour trouver le coupable.

J’ai eu droit à des scènes teintées d’humour mais il m’a manqué du suspense, de la tension.

Je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages. Je les ai trouvés distants, presqu’inertes. Madame le procureur réussit à sortir du lot. Toujours tirée à 4 épingles, son obsession pour le Q.I m’a fait sourire par moment.

Permettez-moi de distinguer trois formes de rancunes. Celle des cathos qui la déguisent en pardon et en font de l’eczéma, aucun intérêt; la rancune chaude, elle, provoque une vengeance immédiate qui soulage, mais présente le risque de manquer sa cible car difficile à maîtriser[…]; et puis il y a la plus délicieuse, celle dont l’amertume se mêle au plaisir de préparer la riposte, la rancune froide.

Avez-vous déjà lu Antoine Vétro ?

Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

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Nouvelles du monde #11 : Pérou

Couverture Nouvelles du Pérou

L’Eldorado ou le pays de l’or a longtemps fait rêver les Européens. Peut-être le plus secret, en tout cas l’un des plus méconnus des pays d’Amérique du Sud, le Pérou actuel fut l’épicentre de la fascinante civilisation inca qui, du xiie au xvie siècle, se déploya dans la cordillère des Andes, avant d’être annexé par les conquistadors espagnols. Les six cuentos (nouvelles) de ce volume, tous traduits de l’espagnol, reflètent subtilement les singularités de ce monde andin. Dans ce pays de sangs mêlés, la grande majorité de la population des campagnes andine et amazonienne, des montagnes, de villes comme Cusco, est très nettement amérindienne. Par ailleurs, ce pays est marqué par la conscience intrinsèque d’un « avant » et d’un « après » la colonisation, conscience qui a inévitablement modelé une identité, complexe, pleine de contradictions, laquelle résulte du mélange de philosophies et de valeurs opposées. Le Pérou d’aujourd’hui – urbain, rural – est dans chacune des nouvelles de ce volume.

De la glace pour les martiens de Claudia Ulloa Donoso

Une mère s’apprête à recevoir sa fille et le fiancé de celle-ci qui est norvégien. La mère découvre via Internet le pays de son futur gendre. Elle est chagrinée par les différences de développement entre la Norvège et le Pérou. Une nouvelle qui m’a au moins permis de découvrir les mets péruviens.

Les rois de la forêt de Karina Pacheco Medrano

Une femme est la seule touriste dans un hôtel. Là elle revit son passé : son engagement pour la 1ère fois dans la selva profonde, ses voyages dans les lagunes amazoniennes vingt ans plus tôt, ses réunions avec les autochtones qui vivaient sur les terrains pétrolifères, les dénonciations des communautés relatives aux fuites et dérèglements causés par les entreprises pétrolifères et ce terrible jour où elle a dû être évacuée. Je ne suis pas sûre d’avoir saisi la chute du récit.

Ici-là-bas de Grecia Caceres

Un jeune homme qui tombe sous le charme d’une femme plus âgée que lui. Une histoire qui le hante. Une histoire captivante mais je suis restée sur ma faim.

De courageux garçons de Félix Terrones

Un groupe de garçons rêvent de pouvoir être écrivains à Paris mais ce rêve c’est leur ami Antonio qui va le vivre. Quand il revient des années plus tard, ils lui réservent un accueil triomphant mais l’Antonio Carneiro qu’ils avaient côtoyée durant leur jeunesse n’existe plus. Que lui est-il donc arrivé à Paris ?

On était nombreux à vouloir être écrivains, mais seule une poignée d’élus peuvent l’être vraiment, une race exceptionnelle à laquelle Antonio appartenait depuis toujours.

Une sympathique lecture même si elle me laisse avec une énigme non résolue sur la vie d’Antonio à Paris.

Les climats étranges de Carlos Yushimito

Le narrateur a 50 ans et il vit avec une jeune fille de 30 ans sa cadette et qui s’imagine être une autre personne ou en dehors de lui. Un récit bien étrange pour moi.

L’art ancien de la fauconnerie de Paul Baudry

De quoi ont pu mourir les pigeons dans la volière de l’Apra (l’Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine) ? Sandro Sandoval, expert du ministère de la Santé préfère se concentrer sur la recherche des causes plutôt que sur les mauvais souvenirs de l’incident avec le faucon et son père qui accordait plus de temps à son ami, Víctor Raúl Haya de la Torre (fondateur de l’APRA) qu’à son fils. Une amitié ensorcelante, prioritaire qui a l’allure d’un sentiment amoureux.

Il n’y a pas que Don Gaetano Sandoval qui vouait une admiration exclusive au fondateur de l’Apra. Il y a également Roberto Amaya, vigile de la maison du peuple qui veille jalousement sur la mémoire du fondateur et semble-t-il sur ses dernières volontés. Une seule phrase m’est venue à l’esprit à la lecture du dernier paragraphe: tout excès nuit, la loyauté n’est pas une exception.

Dans le cœur d’un homme d’Etat, il n’y a jamais de place pour deux amours.

De ce recueil de nouvelles, j’en ressors avec une appréciation mitigée. J’ai découvert un peu Lima, l’histoire politique du pays, la selva mais je ressens pour 80% des nouvelles un sentiment d’inachevé. J’aurais voulu des histoires plus percutantes.

Grand merci à Youscribe qui m’a permis de lire ce recueil de nouvelles gratuitement sur sa plateforme. J’aurais été bien embêtée si je l’avais acheté.

J’ai six autres recueils de cette collection à découvrir via Youscribe. J’espère avoir des lectures aussi plaisantes que celles de Nouvelles du Soudan et de Taïwan.

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TTL 98: Témoin muet – Agatha Christie

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: H comme…

Hercule... prénom du célèbre détective belge d’Agatha Christie.

H comme Hastings, ami d’Hercule Poirot.

Et puisqu’il faut parler de livres, je vous présente l’une de leurs enquêtes.

Miss Arundell à déjà échappé une première fois à la mort, lors d’une chute dans les escaliers. La raison : la balle de Bob, le chien, l’a fait glisser. Mais cette deuxième fois, elle n’y échappa pas. Des accidents ? Hercule Poirot n’en est pas si sûr, car ce gentil toutou est trop bien dressé pour laisser sa balle en haut des marches…

Agatha Christie étant une valeur sûre, je pense immédiatement à elle quand l’envie me prend de lire des romans policiers.

Emily Arundell, vieille demoiselle, a eu un accident dans sa maison de campagne. Tout le monde l’attribue à la balle en caoutchouc laissée dans l’escalier par Bob, son terrier turbulent. Mais plus elle réfléchit à sa chute, plus elle est convaincue que l’un de ses neveu/nièces cherche à la tuer. Le 17 avril, elle écrit ses soupçons dans une lettre à Hercule Poirot. Mystérieusement, il ne reçoit la lettre que le 28 juin… alors qu’Emily est morte le 1er mai.

Pourquoi cet envoi tardif ? Emily Arundell est-elle morte de façon naturelle, accidentelle ? S’est-elle suicidée ou a-t-elle été assassinée ?

Quel serait le mobile du meurtre ? La vieille demoiselle roulait sur l’or.

Les suspects sont vite identifiés. Reste à découvrir qui est le coupable.

Hercule Poirot et son cher ami Hastings (ou plutôt les cellules grises d’Hercule Poirot) tentent de découvrir la vérité.

Si mes souvenirs sont bons, c’est la 2e fois que je lis une enquête d’Hercule Poirot où ce cher Hastings est le narrateur.

J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire. J’ai trouvé que le rythme était bien trop lent. Il me manquait des rebondissements.

Comme toujours, Agatha Christie a réussi à me berner. Je n’ai à aucun moment suspecté le véritable meurtrier.

Témoin muet est une sympathique lecture mais pas mon meilleur H.P. Par ailleurs, je n’ai pas compris le choix du titre du livre. Je trouve que le titre américain sied mieux à l’histoire: Poirot Loses a Client.

Quelle lecture auriez-vous choisi pour ce thème de la semaine ?

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TTL 97 : Le mal de peau – Monique Ilboudo

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Scolaire.

Ce thème m’a fait penser au mal de peau de Monique Ilboudo pour deux raisons. La première: l’un des personnages principaux part faire ses études universitaires en France, la vie estudiantine est évoquée. La seconde, vous la découvrirez dans mon avis.

Couverture Le mal de peau

Le Mal de peau met en parallèle le destin de deux femmes, Sibila, la mère, et Cathy, la fille. Ces deux femmes vont, chacune dans leur époque, se trouver confrontées au colonisateur blanc. A l’image de son peuple, Sibila sera violée par le commandant de cercle. Née de ce viol, Cathy a du mal à vivre sa différence, et n’a qu’un rêve : retrouver son géniteur. A vingt ans, elle traverse la mer et vient étudier en France. Elle découvre Paris et sa banlieue, l’université, et tombe amoureuse d’un jeune Blanc. Mais après la mère, le destin de la fille sera à son tour marqué par les forces sombres de la colonisation.

Deux femmes, une lignée. Le mal de peau c’est leur histoire commune et leurs parcours de vie. On suit de façon alternée la vie de Sibila, la mère de Cathy au Tinga et Cathy qui part faire ses études universitaires en France.

Alternance de lieux mais aussi d’époque. Le Tinga colonial et post-colonial.

Dressons d’abord le portrait de la mère. Une femme que la vie n’a pas épargnée. Son père tente de la marier de force, elle est ensuite violée par un colon. Ces événements ont-ils conditionné sa vie sentimentale ? C’est l’impression qu’on a car Sibila enchaîne les déboires sentimentaux. J’ai eu de la peine pour cette mère célibataire qui tente à travers les hommes qu’elle rencontre de trouver un père pour ses enfants.

Cathy est le fruit d’un acte sexuel non consenti. Métisse, elle subit des rejets à l’école. Elle rêve de connaître son père. Ses études universitaires la mènent en France et elle y rencontre un jeune homme blanc issu d’une famille où le mélange des races ne fait pas partie des vœux.

Dans ce pays qui n’est pas le sien, elle se frotte au racisme, au rejet. Le mal de peau refait surface.

Défis de mère célibataire, racisme dans les années post-coloniales, métissage et sentiment d’entre-deux sont les thématiques de ce roman.

Thématiques intéressantes mais j’ai eu du mal au bout d’un certain temps avec la narration académique, le ton didactique. J’ai hélas trouvé que certaines descriptions étaient inutiles à mon sens.

Je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages. J’ai trouvé que l’histoire de Sibila était plus vivante que celle de sa fille.

Et que dire du dénouement ? Une véritable déception ! Quel était le but de l’auteur: choquer le lecteur, déclencher une avalanche de larmes, rendre son histoire inoubliable ? D’autres péripéties auraient été nettement judicieuses. Oui, une vie qui commence et s’achève dans le malheur, c’est un fait, mais qu’elle nous présente un clap de fin de ce genre, ça n’a aucun sens pour moi.

Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

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Mrs Mac Ginty est morte – Agatha Christie

Couverture Mrs Mac Ginty est morte / Mrs McGinty est morte

L’assassin a frappé Mrs McGinty à la tête. Avec un hachoir. Puis il a fouillé la chambre et volé les trente livres que la vieille dame cachait sous une lame de parquet. C’est écœurant ! Comment l’illustrissime Hercule Poirot va-t-il occuper ses loisirs si les meurtres deviennent à ce point sordides ? Pas question de manger de ce pain-là. Et pourtant… Si la police avait fait fausse route dès le début ? Si les petites cellules grises de Poirot pouvaient éviter la corde à un innocent ? En ce cas, évidemment… Poirot condescendrait peut-être à examiner de plus près un fait divers bien vulgaire – en apparence du moins…

Agatha Christie étant une valeur sûre, je pense immédiatement à elle quand l’envie me prend de lire des romans policiers.

22 novembre, date de l’assassinat de Mrs Mac Ginty. Cette veuve de 64 ans vivait seule, dans sa petite maison, avec un pensionnaire : James Bentley. Le commissaire Spencer, de la police de Kilchester, chargé de l’enquête a réuni les preuves qui, toutes, semblaient décider un même coupable: James Bentley. Ce dernier fut donc jugé, déclaré coupable du meurtre et condamné à mort. Mais ce verdict, le commissaire Spencer ne peut l’admettre. Pour lui, James Bentley n’a pas l’air d’un assassin et il se rend à Londres dans l’intention de demander à notre cher Hercule Poirot de trouver le véritable assassin.

Hercule Poirot accepte ce défi lancé à ses petites cellules grises.

Quel est le mobile de ce meurtre ? L’envie ? La vengeance ? La jalousie ? La crainte ? L’argent ?

Hercule Poirot s’installe à Broadhinny, le village dans lequel vivait la défunte et tente d’éliminer l’une après l’autre toutes les pistes pour ne conserver que la bonne.

Le déroulement de l’enquête a une allure ordinaire jusqu’à la révélation d’un élément qui soit dit en passant m’a rappelé la rumeur de Lesley Kara. Cette révélation a décuplé mon intérêt pour cette enquête. Feuille et stylo en main, j’ai recensé les pistes, les mobiles. Je pensais avoir trouvé le coupable mais les cellules grises d’Hercule Poirot m’ont encore surprise. J’ai été agréablement surprise par le dénouement de l’intrigue.

Cette enquête rejoint mes meilleures lectures de l’univers Hercule Poirot. J’ai passé un très bon moment de lecture.

Si vous l’avez lu, j’aimerais bien avoir votre ressenti.