Horacio Oliveira est un nihiliste qui rejette la rationalité du monde et dont les maîtres mots sont hasard, rêve, fantaisie… L’épopée de cet exilé argentin débute à Paris où il vit un amour total avec une femme nommée la Maga ; elle se poursuit à Buenos Aires à la recherche de cette dernière. Et sa vie prend bientôt un cours étrange quand il se persuade de deux phénomènes extraordinaires : la réincarnation de sa maîtresse dans une autre femme et la découverte, dans le mari de celle-ci, de son propre double…
Avec ce roman puzzle qui offre la possibilité d’une lecture linéaire ou « butineuse », Julio Cortazar invente le roman interactif. Faisant preuve d’un talent novateur dans la construction du récit, multipliant les perspectives narratives et chamboulant la chronologie, l’auteur argentin fait acte de création, offrant au roman une nouvelle dimension. Marelle constitue sans aucun doute son oeuvre maîtresse et est considéré comme l’un des ouvrages les plus importants de la littérature hispano-américaine moderne.

À quoi sert un écrivain si ce n’est à détruire la littérature ?Le véritable et l’unique personnage qui m’intéresse c’est le lecteur, dans la mesure où un peu de ce que j’écris devrait contribuer à le modifier, à le faire changer de position, à le dépayser, à l’aliéner.
Morelli pense que l’écrit purement esthétique est un escamotage et un mensonge.Tu diras ce que tu voudras, poursuivit Perico d’un air entêté, mais aucune véritable révolution n’a été faite contre les formes. Ce qui compte, mon petit, c’est le fond, le fond.— Nous avons derrière nous des dizaines de siècles de littérature de fond, dit Oliveira, et tu peux voir les résultats. J’entends par littérature, évidemment, tout le parlable et le pensable.
Morelli semble convaincu que si l’écrivain reste soumis au langage qu’on lui a vendu avec ses vêtements, avec son nom, sa religion et sa nationalité, son œuvre n’aura de valeur qu’esthétique, valeur que le vieux semble de plus en plus mépriser. Il est même très explicite à un moment donné : selon lui, on ne peut rien dénoncer si on le fait à l’intérieur du système dont dépend ce qui est dénoncé.
Nous nous connaissions à peine et déjà la vie tissait ce qu’il fallait pour nous séparer minutieusement
Du oui au non, combien de peut-être ? […] Notre seule vérité possible doit être invention, c’est-à-dire écriture, littérature, peinture, sculpture, agriculture, pisciculture, toutes les « tures » de ce monde.
Tout ce qu’on écrit de nos jours et qui vaut la peine d’être lu est axé sur la nostalgie.
Essayons d’inventer des passions nouvelles, ou de revivre les vieilles avec la même intensité.J’analyse une fois encore cette conclusion, essentiellement pascalienne : la véritable croyance se situe à mi-chemin entre la superstition et le libertinage.
Pour ces gens-là, l’action sociale ressemblait trop à un alibi, comme les enfants sont généralement l’alibi des mères pour leur éviter de faire quelque chose de leur vie.
Sans doute, de tous nos sentiments, le seul qui ne nous appartienne pas véritablement, c’est l’espoir. L’espoir appartient à la vie, c’est la vie même qui se défend.
Que pensait le Christ dans son lit avant de s’endormir, hem ?
L’homme est l’animal qui pose des questions. Le jour où nous saurons vraiment poser des questions, il y aura dialogue. Pour le moment les questions que nous posons nous éloignent vertigineusement des réponses.
Un métaphysicien m’a dit, croyant faire de l’esprit, que déféquer lui procurait une impression d’irréalité. Je me souviens de ses propres termes : « Tu te lèves, tu te retournes et tu regardes, et alors tu te dis : Pas possible, c’est moi qui ai fait cela ? »
Les gens qui se donnent des rendez-vous précis sont ceux qui écrivent sur du papier rayé et pressent leur tube de dentifrice par le fond.
Les vies qui s’achèvent comme les articles littéraires des journaux et des revues, si ronflants en première page et dont la fin se traîne minablement, là-bas vers la page trente-deux, perdue au milieu de réclames pour des soldes ou des pâtes dentifrices.
En rêvant, il nous est permis d’exercer gratuitement notre aptitude à la folie.
