Grâce à la plateforme Net Galley, je découvre des romans de la rentrée littéraire 2019.
Je remercie les éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir en avant-première le dernier roman de Léonora Miano.
Auteure d’une dizaine de romans dont je n’ai lu jusqu’ici que la saison de l’ombre, cette brillante auteure camerounaise s’intéresse à son continent. Elle explore son passé, expose son présent, anticipe son futur.
Et si le monde tournait à l’envers ? Et si le monde n’était pas dominé par les Etats-Unis, l’Europe mais par l’Afrique, les Noirs ? Et si les dominants devenaient les dominés ?
Et si les immigrants devenaient ceux qui refusaient l’asile ?
Et si nous avions une nouvelle trempe de chefs d’état non dépendants de la Françafrique, assoiffés de justice, non cupides, pensant au bien-être et au développement de l’Afrique ?
Quel africain (e) de l’Afrique subsaharienne n’a pas rêvé du futur glorieux de l’Afrique ? D’une Afrique prospère, maîtresse de son destin, ne tendant plus la main ?
Léonora Miano donne une forme au rêve d’hier et d’aujourd’hui en usant d’une écriture dense et d’un registre soutenu. Elle crée un univers qui met en valeur l’Afrique. Des croyances animistes ancestrales aux programmes télévisés en passant par les mets et le style vestimentaire, les richesses culturelles des tribus et ethnies de l’Afrique sont célébrées.
Oubliez Wakanda, entrez à Katiopa !
Espace spacio-temporel ?
- Katiopa, l’Afrique unifié à l’exception des pays nord-africains, se composant de 9 régions.
- L’an 2124 selon le calendrier des Fulasi (français) et l’an 6361 pour les katiopiens.
Ilunga est chef de l’Etat et membre de l’Alliance, une sorte de société secrète. Cela fait cinq ans que l’Alliance est au pouvoir, cinq ans que le Katiopa unifié existe.
Ilunga est déterminé à réussir là où la fédération précédant le Katiopa unifié avait échoué.
Il rencontre lors de ses sorties Boyadishi. Le prénom Boyadishi est forgé à partir de celui d’une reine des Icènes, guerrière rousse appelée Boadicée.
Ilunga est déjà marié à Seshamani, Boyadishi (Boya) a un amant mais l’amour qu’ils ressentent l’un pour l’autre n’est pas anodin.
Dans ce couple qu’ils vont former, l’énergie et le spirituel sont mis en avant. Un aspect apprécié durant ma lecture car pour moi il y a d’abord union spirituelle avant une union charnelle.
Entrer dans l’existence d’un être conférait des responsabilités. On n’y venait pas pour soi-même.
Ilunga et Boya montrent la force que procure l’union du masculin et du féminin.
Boya, enseignante-chercheuse à l’université est passionnée des sociétés marginales notamment les Fulasi. Descendants d’immigrés français qui avaient quitté leur pays au cours du XXIème siècle, s’estimant envahis par les migrants. Afin de préserver leur identité européenne, certains s’étaient dirigés vers le pré carré subsaharien où l’on parlait leur langue, où ils étaient encore révérés et où ils pouvaient vivre entre eux. Mais leur descendance ne jouit plus de son pouvoir d’antan : appauvrie et dépassée, elle s’est repliée sur son identité.
Ces Fulasi refusent d’incorporer les mœurs locales. Selon Ilunga et Igazi (responsable de la sécurité intérieure) leur comportement pouvait constituer une nuisance pour le Katiopa nouveau qu’Ilunga devait ériger.
Ilunga pense soumettre le projet de leur expulsion au Conseil mais Boya fera son possible pour l’en dissuader. Elle veut qu’on leur tende la main, qu’on les considère comme Katiopiens. L’influence de Boya sur le chef de l’Etat dérange Igazi. Pour ce Katiopien conservateur, il faut écarter Boya avant qu’elle ne dissuade Ilunga…
Au-delà de l’image glorieuse de l’Afrique qu’il renvoie, ce roman dense expose ces questions au cœur des débats de la nation française qui embarrassent et confondent souvent les politiques : repli identitaire, pureté identitaire, l’intégration et l’assimilation à une communauté. Sans faux-fuyant, Léonora Miano les aborde avec adresse et bon sens.
Rouge Impératrice, un roman à lire et à faire lire en attendant patiemment une adaptation cinématographique.
Le roman est disponible en librairie à compter de ce jour. Pour l’acheter en ligne, cliquez ICI
NB : Si le roman est écrit en français, la langue de nos personnages est écrite dans l’écho de plusieurs cultures et langues africaines diverses. Je vous conseille de lire le glossaire avant d’entamer votre lecture.