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Dernière donne – Jean-Michel Guenassia

Dans la vie, il y a les bons et les méchants, et il y a les autres. Baptiste Dupré est un homme atypique. Les codes classiques de la morale ne lui inspirent rien, il est libre et affranchi, c’est un joueur. Rien ne le définit mieux que le jeu, l’adrénaline, le coup de poker qui vient rompre l’équilibre fragile d’une partie. Ne craignant ni le hasard ni la concurrence, sa confiance lui a rapidement permis de venir à bout de tous les obstacles dressés sur son chemin. C’est ainsi qu’il a construit sa carrière d’avocat et gagné le cœur de sa femme. Mais après quelques années, Baptiste finit par s’ennuyer ferme. Les jours qui se succèdent lui semblent devenus ternes et répétitifs. Jusqu’au soir où il croise enfin un adversaire à sa mesure. Et qu’il se lance dans un pari terriblement risqué…

Ce livre n’a jamais figuré dans ma wishlist. Je n’en avais jamais entendu parler. Je l’ai découvert à l’un des stands au Salon International du Livre d’Abidjan où il était vendu à petit prix.

Le résumé intriguant m’a poussée à l’acquérir. Le héros, Baptiste Dupré, est décrit comme un homme atypique. J’ai voulu découvrir cette personnalité et ce pari terriblement risqué dans lequel il s’est lancé.

J’ai eu un peu de mal à entrer dans le récit en raison de la narration poussive.

Le profil psychologique de Baptiste Dupré, notre héros, est décrit dès les premières pages du récit. Le mal, le bien ne sont pas des questions sur lesquelles il s’appesantit. Il aime jouer, parier. La vie lui sourit. Avocat, il a épousé la femme qu’il aime, il n’a aucun souci d’argent.

Les problèmes s’incrustent quand il se remet au jeu après 7 ans d’abstinence. Moreno, patron du casino où Baptiste Dupré enchaîne les pertes, lui propose un deal. On sait que Baptiste Dupré s’engage dans un plan foireux mais pas à ce point.

Les péripéties sont invraisemblables mais on veut y croire. Le suspense est présent. On veut savoir comment Baptiste se sortira du pétrin.

A l’approche du dénouement, j’avoue avoir ri des personnages. Tout ça pour ca ?!

La fin du récit ne m’a pas convaincue. Elle est bâclée selon moi.

Que lisez-vous aujourd’hui ?

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TTL 115: Gran Balan – Christiane Taubira

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque ! Cette semaine, le thème est : un roman qui vous a surpris (positivement ou négativement).

Et j’ai choisi le roman de Christiane Taubira. Est-ce une surprise positive ou négative ?

Couverture Gran Balan

« Le monsieur à toge et épitoge a déjà tourné les talons. Il semble à sec sur le contenu, alors il pallie par le ton. Il interroge à la mitraillette. Il veut du oui ou du non, pas un roman.
Lui, Kerma, a envie d’expliquer, non, on ne vit pas tout un mois avec mille cent trente-six euros. Dès le dix-huit du mois, oui, on a besoin, et presque chaque jour, de ces quinze euros. L’essence, l’assurance, la nourriture, rester correctement vêtu et chaussé, après avoir payé le loyer l’eau l’électricité la taxe d’habitation la redevance télé les abonnements de sport de portable de streaming, ok ce n’est pas indispensable, mais à vingt-et-un ans… Maintenant il a vingt-cinq ans, et il est vrai qu’il s’en passe, par la force des choses… Mais personne ne semble disposer à entendre, moins encore à écouter. Alors, il répond, non je n’en ai pas besoin. C’est un mensonge de bonne foi. Ceux que l’on fait pour quelqu’un d’important. Et comme on est de bonne foi, on finit par y croire, on le répète à l’envi… Les mensonges sont faits pour vous sauver. Ceux-là, ceux de bonne foi, ce sont les pires. A tous les coups ils vous coulent. »

Kerma est au tribunal. Il a servi de taxi à deux jeunes ayant commis un méfait. Quinze euros de gagnés qui risquent de lui valoir des années de prison. Ici, en Guyane, le regard des juges est sans doute pire comme sanction. Mais qu’a-t-il fait ? Quelle est sa vie ? Et qui sont les différents personnages du premier roman de Christiane Taubira ? Des jeunes, des femmes, des mères courages, des éducateurs engagés, des élus, des gens de peu et de beaucoup, des villages perdus, des éloignés du Surinam, des palabreurs, des conteurs, des arbres éxitiques, des animaux qui le sont autant… Avec une verve éblouissante, l’ancienne Garde des Sceaux brosse un tableau magnifique et terrifiant, vrai et fictionnel des coutumes, des mots, des traditions, des mœurs, des violences, des errances comme des miracles de cette terre qu’elle connait bien et aime tant. Un livre qui parle au cœur, aux tripes, qui donne à rêver, sourire, s’émouvoir, pleurer, autant que réfléchir.

Ce roman de plus de 400 pages se construit autour de huit personnes et chapitres : Kerma, Hébert, Pol-Alex, Dora, Sula, Sang-nom, Elles, Ellen.

A travers les prises de parole de ces jeunes qui ont entre 18 et 24 ans, on découvre l’histoire du Suriname et de la Guyane, les traditions et le carnaval de Cayenne et surtout les réalités socio-économiques de la Guyane.

Les raisons de sombrer sont multiples. Le faible attrait du milieu scolaire, l’échec des structures d’insertion professionnelle, le chômage, le manque de loisirs, l’ennui. C’est franchement dur, injuste et démoralisant de vivre sa jeunesse en Guyane.

Kerma est l’un des jeunes travailleurs, vif, encore jeune, vingt et un ans, mais déjà malmené par la vie sans perspective et presque sans joie que l’incurie politique réserve à ceux de son âge ; les filles ne sont pas épargnées, qui doivent se résigner à peine moins que les garçons soit à courir après une vie meilleure sur l’autre bord de l’Atlantique, soit à végéter dans des gagne-pain
qui sont plus des jobs que des emplois, quels que soient leurs capacités et leurs potentiels.

Ces gens-là ne croient en rien. On dirait que pour eux, les jeunes ici, c’est comme des agratiches ou des araignées-case : c’est là, on les voit aller et venir, ce n’est pas dérangeant à condition que ça reste à gambader sur les murs et au plafond, à gober les mouches et tisser des toiles dans les angles. Il faut dire que ces manières de faire sont pareilles dans des tas d’autres domaines où on tient bien pareillement à l’écart les jeunes et les autres publics locaux : ça vaut pour les opérations archéologiques, par exemple, qui reçoivent chaque année en stage des jeunes venus d’ailleurs.

La géopolitique qui décide pour les autochtones est également évoquée

L’international, c’est quand ça les arrange, quand il faut donner des leçons aux habitants et les exclure des décisions sur leur territoire, quand il faut remettre en question leurs habitudes culinaires. En effet, les générations précédentes ont été consommatrices régulières d’œufs de tortue, source de protéines, alors qu’elles n’en ont jamais consommé la viande. Les œufs ont nourri beaucoup de familles pauvres. Il est vrai que maintenant le RSA est arrivé jusque-là ; et bien que ce serait aux familles qui le reçoivent qu’il reviendrait de dire ce qu’elles en pensent, il n’est pas sûr qu’elles y aient gagné. Le commerce d’importation de surgelés, lui, sûrement.
N’empêche, ajoute Karijal, un soupçon d’amertume dans la voix, l’international, c’est quand ça les arrange : zones humides, convention de New York, convention de Washington, etc., c’est place aux animaux, les hommes, sortez ! Seulement la Convention de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, c’est juste pour faire joli. Quant à la Convention de l’OIT sur la reconnaissance des droits des peuples autochtones, une qui est contraignante et à notre avantage, alors là, connaissent pas, ou plutôt oui, mais ils ont tout leur temps, ils t’expliquent la république une et indivisible, et les nations, c’est pas les tribus, pardon, lapsus, les communautés…

Si les thématiques abordées sont pertinentes, j’ai été déçue par le style de narration de Mme Taubira. Le style est lourd avec des détails et descriptions superfétatoires. Le récit est à la lisière de l’essai, du documentaire, du roman historique.

La liste des personnages présents dans le roman est aussi vaste que la Guyane et le Suriname. On s’y perd, se retrouve pour s’y perdre davantage. J’apprécie la verve de Mme Taubira mais ce roman a été une déception pour moi.

Un amour interdit Alyssa Cole

C’est un mensonge de bonne foi. Ceux que l’on fait pour ne pas contrarier quelqu’un qu’on aime ou quelqu’un d’important. Et comme on est de bonne foi, on finit par y croire, on le répète à l’envi… Les mensonges sont faits pour vous sauver.
Ceux-là, ceux de bonne foi, ce sont les pires. À tous les coups, ils vous coulent.

Avez-vous déjà lu Christiane Taubira ?

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Aline et les hommes de guerre – Karine Silla

Couverture Aline et les hommes de guerre

Aline Sitoé Diatta naît en 1920, au beau milieu des forêts luxuriantes de la Casamance, dans le sud du Sénégal. Enfant déterminée, puis adolescente indépendante, solitaire et douce, elle quitte la brousse pour se rendre à Dakar afin d’y travailler comme gouvernante dans une famille de colons. C’est là qu’elle entend, pour la première fois, des voix qui lui ordonnent de rentrer chez elle pour libérer son peuple. Prônant la désobéissance civile et la non-violence, Aline appelle les Sénégalais à lutter pour leurs terres et le respect qui leur reviennent de droit. S’entourant des anciens, comme le veut la tradition diola, écoutant les conseils de son sage ami Diacamoune, la jeune femme est vite érigée en icône de la résistance, magnétique et insoumise, et est sacrée reine. Menaçant l’ordre établi et mettant à mal l’administration française, Aline, la « Jeanne d’Arc du Sénégal », devient l’ennemie à abattre, mettant, dès lors, sa jeune vie en danger.

Aline grandit avec un oncle. Ses parents sont partis trop tôt. Elle n’a pas de frères et sœurs. Elle n’oublie jamais de saluer les vieux du village quand elle passe auprès d’eux. Après les longues journées de labeur dans les rizières, elle écoute avec passion et intérêt tout ce que les anciens peuvent lui raconter de la vie. Le vieux Diacamoune lui conte la glorieuse histoire de Nehanda, l’Amazone du Zimbabwe. Aline écoute attentivement les batailles de Nehanda pour faire fuir les envahisseurs.

Nehanda sait maintenant qu’elle a eu tort de faire confiance à l’envahisseur parce qu’il n’existe pas de bons envahisseurs.

Aline s’interroge. Y a-t-il une victoire possible face à l’homme blanc ?

Aline veut posséder la puissance de Nehanda et protéger sa famille, son village, son peuple, désarmer les soldats et rétablir la paix dans son pays.

En attendant, elle quitte le village pour la ville, travaille comme docker à Ziguinchor puis comme gouvernante à Dakar pour un couple blanc. C’est là qu’elle entend, à 19 ans, une voix qui la désigne comme la libératrice de son peuple de l’emprise coloniale.

Le deuxième appel. Lève-toi Aline et marche, me dit la voix. Marche vers ton village natal. Rentre chez toi ou il t’arrivera malheur. La voix résonne dans ma tête. Une voix sans sexe. Où est-elle ? Dans ma poitrine où se situe la douleur ? Ou en dehors de moi ? La ville est pleine de monde mais personne n’entend. Cette voix est pour moi seule.

Aline retourne au village, raconte ses rêves et sa mission.

Le bruit court dans toute la région, on accourt pour écouter la
jeune prophétesse. Elle clame la non-violence. C’est sans armes qu’elle compte s’attaquer au pouvoir colonial. Elle est brillante,
instinctive et habitée. Ses idées sont précises et elle les formule
avec conviction. Elle passe de maison en maison, guérit les malades avec l’imposition de ses mains et remonte le moral des
familles accablées par l’impôt. Tout le monde souhaite la poignée
de main d’Aline. Les temps sont durs, on veut croire aux miracles. L’énergie de l’espoir vient renforcer son énergie vitale et crée l’étincelle magique

Aline devient figure de résistance.

Il faut ménager le riz, pour les moments difficiles et s’opposer
catégoriquement à toute activité imposée par les colons. Il nous
faut refuser de payer l’impôt. Il est collecté pour soutenir une
administration qui nous maltraite. En payant l’impôt c’est nous
qui finançons le coût de nos chaînes. Nos frères ne doivent plus
abandonner nos champs pour partir faire la guerre en France.
Cette guerre ne nous concerne pas et fait mourir nos maris, nos
pères et nos enfants, les laissant sans sépultures. Nous avons
besoin de nos hommes, ensemble nous devons reprendre l’économie de nos villages.

il faut continuer la lutte, se révolter contre le code de l’indigénat qui distingue notre peuple du colon. Nous devons avoir les mêmes droits… Il n’est pas question d’accepter la supériorité de l’homme blanc.

Aline mène le peuple et les meneuses de son genre gênent l’administration coloniale…

Aline a été une résistante et cette biographie fait ressurgir ses paroles, ses pensées, ses actions pour la libération de son peuple. J’ai néanmoins regretté que ce livre ne soit pas centré sur Aline.

L’auteure donne davantage la parole aux colons notamment à travers la vie de Martin. La lectrice africaine que je suis découvre sans grand intérêt un petit garçon enthousiasmé par les récits d’Afrique de son grand père, un jeune homme qui aime une femme, s’installe en Casamance, envoie des lettres à sa bien-aimée restée en France. Et l’auteure continue avec le récit de la Débâcle, de l’arrivée de Pétain, de Gaulle à Londres… On a l’impression qu’elles louent presque leurs actions. Ce qui est paradoxal pour moi avec la thématique du livre.

Je voulais lire l’histoire d’une résistante noire, rien que ça. Et sur les 300 pages que comprend ce livre, Aline ne représente que le 1/3.

La structure narrative désoriente également. Il n’y a pas de chapitres. On passe de la narration omnisciente à la narration interne. Aline prend à quelques moments la parole.

Encore une fois, je me retrouve à lire une histoire avec de bonnes intentions au départ mais bon, quelqu’un a dit que les bonnes intentions ne font pas forcément un bon livre…

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Louisiane de Fabienne Kanor

Un Français d’origine camerounaise entreprend un voyage en Louisiane pour enquêter sur la mystérieuse disparition, survenue des décennies plus tôt, d’un oncle qu’il n’a jamais connu. Arrivé à La Nouvelle-Orléans, encore en reconstruction, dix ans après le passage de l’ouragan Katrina, il est logé par Denim, une riche femme créole, et noue une amitié avec Zaac, son impétueux homme à tout faire. Depuis les plantations de canne à sucre jusqu’aux bayous les plus reculés, dans cette Louisiane sous tension raciale et abîmée par l’esclavage, le Français se fondra parmi les nombreux personnages aux destins cabossés et aux combats exemplaires rencontrés en chemin, et fera l’expérience de l’amour, de la mort et du pardon.
Fabienne Kanor livre un texte puissant, porté par une prose sensuelle et lumineuse, sur les origines, le poids du passé et les liens qui se tissent entre les hommes.

A 49 ans, Nathan s’envole pour la Nouvelle Orléans, à la recherche de ce qui a pu arriver à Étienne John Wayne Marie-Pierre: un grand-oncle qui avait quitté le Cameroun pour l’Amérique. Cette recherche est l’occasion de parler de sa vie, lui l’homme sans emploi entretenu par Jeanne, sa partenaire.

A travers ce voyage, il se remémore son arrivée en France et sa mère qui avait rangé l’existence d’avant et le Cameroun dans un coin.

Nathan était obsédé pour l’Amérique noire

Il y avait, j’avais le sentiment de n’avoir pas grandi là où il fallait pour être un vrai Noir. D’être définitivement trop court, je plafonnais à un mètre soixante-dix-neuf, et de n’avoir aucune histoire costaude derrière moi.

Il déchanta à son arrivée à la Nouvelle-Orléans

Je me gardais de lancer « What’s up bro ? » lorsque je voyais un homme de ma couleur. J’avais cessé de rêver et commençais à éprouver un soulagement inavouable à ne pas être eux, à ne pas être pris pour eux.

Je peux être tous les Noirs : sud-africain, namibien, togolais, antillais, cubain, mais le pire du pire, c’est être nègre des États-Unis. C’est être potentiellement coupable et historiquement malheureux.

Quand un Noir américain atteignait ses trente ans sans avoir vasouillé en geôle, on s’écriait la veine, on trinquait au miracle. L’argent et la santé venaient après.

« Tremé, c’est l’Afrique de l’Amérique, on mange, on fête, on danse et on meurt comme là-bas. »

Y avait-il, sur cette terre, un Noir encore plus foutu que le Noir d’Amérique ? Y avait-il un sort moins truqué que le sien ? Une place aussi casse-gueule que celle que son pays lui réservait ?

La condition des Noirs d’Amérique en littérature n’est pas inédite. Avec ce roman, je m’attendais à une réflexion plus élaborée, à une histoire consistante, émouvante. L’intrigue principale à savoir la recherche d’informations sur le grand-oncle est un prétexte pour parler d’autre chose, ce personnage n’est pas suffisamment exploité. Je pense que son histoire aurait apporté un plus à ce récit.

La forme du récit peut parfois dérouter. Les chapitres sont absents. Le découpage du roman est plutôt en scènes, séparée des autres scènes d’un chapitre par l’intermédiaire d’un séparateur.

Ce roman n’a pas coché toutes les cases de mon attente. Peut-être que je ne fais pas partie de la cible…

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TTL 90 : Seules les bêtes de Colin Niel

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Mystère

Mystère : Silence, obscurité volontaire faits sur quelqu’un, en particulier…

Synonyme : secret

J’ai pensé à un livre où des vies cachent bien des secrets …

Couverture Seules les bêtes

Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d’un sentier de randonnée qui fait l’ascension vers le plateau où survivent quelques fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste et que l’hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent pourtant liées à cette disparition. Tour à tour, femmes et hommes prennent la parole et chacun a son secret, presque aussi précieux que sa vie.

Elle s’appelle Evelyne Ducat. Femme d’un notable du coin parti faire fortune à la capitale et revenu s’installer au patelin, elle a mystérieusement disparu. Elle était partie en randonnée solitaire. A-t-elle fait une mauvaise rencontre ou a-t-elle été emportée par la tourmente qui sévit sur le causse ?

Dans ce roman atypique, on ne suit pas une enquête policière. Tel un psychologue, on voit passer sur notre divan cinq personnages différents les uns des autres qui ont envie de dire quelque chose. Quelque chose en lien avec la disparition d’Evelyne ? Ils nous regardent l’air de dire, laissez les disparus, écoutez ceux qui sont présents. Alors comme un spécialiste, on prend carnet et stylo, on prête l’oreille et on laisse Alice, Joseph, Maribé, Armand et Michel, le mari d’Alice dévoiler les mystères de leurs vies.

De l’assistante sociale en passant par des paysans, une gosse de riche couturière à temps partiel et un aigrefin. Deux femmes, trois hommes qui manipulent ou se font manipuler. Des humains avec des manques à combler. Une solitude qui colle à la peau, une recherche effrénée de l’amour, de l’aisance sociale.

Et parce qu’au fond de nos vies, il y a toujours un morceau de la vie d’un (e) autre, ces cinq voix éclaircissent le mystère de la disparue.

Chacun a eu un contact direct ou indirect de quelques secondes à plusieurs jours avec elle. Un l’a touchée, l’autre l’a goûtée. Un l’a vue, l’autre l’a entendue. Un autre l’a sentie…

Seules les bêtes est un très bon roman choral. J’ai apprécié la fluidité de la plume et le clin d’œil inattendu à ma patrie même s’il est plutôt négatif. Je ne m’attendais pas à un tel retournement de situation. Ca parait de premier abord un peu tiré par les cheveux mais on se laisse prendre au jeu.

Les thèmes abordés sont intéressants: la solitude, les challenges des agriculteurs, la routine conjugale et ce qu’elle entraîne, trahisons et manipulations.

J’ai apprécié la capacité d’adaptation de l’écrivain, le registre littéraire adapté au background de chaque personnage. Je me suis même demandé s’il ne s’était pas fait aider pour la narration d’Armand tant le langage colle à l’histoire et au contexte géographique de ce dernier. 😀

Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

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TTL 72 : Les Poisons de Katharz de Audrey Alwett

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est Happy Halloween.

Je ne fête pas Halloween par conviction spirituelle mais quand j’entends Halloween je pense immédiatement aux sorcières sur leur balai 

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Parmi les lectures d’août, figurait une sorcière et elle était l’un des personnages de ce roman.

Couverture Les Chroniques de la Terre d'Airain, tome 1 : Les Poisons de Katharz

À Katharz, la ville-prison où la Trisalliance déverse chaque année ses indésirables, la situation est intenable. Ténia Harsnik, la tyranne en place, est obsédée par un nombre, celui des habitants qui vivent entre ses murs. En aucun cas, il ne faut dépasser les cent mille, car alors CE qui dort sous la ville SE réveillerait. Si cela se produisait, rien ne pourrait L’arrêter, sauf peut-être Dame Carasse… Mais la sorcière la plus puissante de la Terre d’Airain, à ce qu’elle raconte, semble bien plus préoccupée par son bizarre apprenti que par le destin du monde. D’ailleurs, la ville ne compte que 99 500 habitants. Ce n’est pas comme si l’apocalypse était dans un mois… pas vrai ?

 

J’ai fait la connaissance de ce roman fantasy sur le blog de Lire à la folie. La fantasy ne fait pas partie de mes lectures habituelles mais j’aime sortir des sentiers battus de temps à autre. 

L’intrigue que laisse apercevoir la 4e de couverture a attisé ma curiosité. J’avais hâte de découvrir cette ville-prison, ce CE qui dort sous la ville et de lancer le compte à rebours. 

Les dirigeants des 3 royaumes Malicorne, Chaolie et Thalas ont vu, un jour, un gamin efflanqué frapper à leur porte pour leur proposer une idée : déposer le rebut de leur population en un même endroit à l’orée de leur frontière. Une ville-prison pour les gibiers de potence, les truands, les assassins, les voleurs, les sorciers hors-la-loi et les putes – en tout cas, les moches, parce que les jolies, ça peut toujours servir. On les enfermerait là pour à peu près toujours. Et les fautes des parents se paieraient sur les générations suivantes, car de toute façon la descendance des criminels n’était que de la mauvaise graine, et c’était plus simple de condamner avant même que de laisser naître.

Cette ville-prison s’appelle Katharz et est dirigée d’une main de fer par Ténia Harsnik, 22 ans. Elle veille à ce que la ville ne dépasse pas les cent mille habitants afin de ne pas réveiller CE. Pour ce faire, elle fait  exécuter  certaines personnes, en envoie d’autres en prison et surveille de près le nombre de naissance. C’est dramatique mais il y a toujours une once d’humour. 

Pour éviter le réveil de CE, Ténia pense pouvoir compte sur Dame Carasse, la sorcière. Une sorcière préoccupée par le recrutement d’un nouvel apprenti-sorcier. 

N’étant pas fan de fantasy de prime abord, j’ai beaucoup traîné dans ma lecture. Il m’a fallu du temps pour entrer entièrement dans l’univers.

J’ai apprécié les conspirations politiques, les jeux de pouvoir. L’univers de la fantasy est bien présent: magie, dragons et licornes sont au menu. 

L’auteure offre une palette de personnages qui apportent une touche de fraîcheur au récit. Dans ce récit, toutes les péripéties donnent matière à rire. J’ai apprécié ces scènes hilarantes pas très loin du burlesque mais j’ai trouvé certaines répliques et dialogues trop convenus.  

En conclusion : les poisons de Katharz est une sympathique lecture mais pas mémorable.

 

Et vous, quel livre avez-vous ou auriez-vous choisi pour ce thème ?

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TTL 61 : Le savon de la forêt – Isabelle Rochet

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est : Maman

Vous ayant déjà présenté Maman dans l’un des Throwback Thursday Livresque, je vous présente un livre où le portrait d’une mère est fait.

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Un adolescent téméraire poussé à l’aventure par la crise de Vingt-neuf, fait la découverte initiatique du continent noir et de la luxuriante forêt tropicale. Amours, travail, politique, intrigues et rivalités familiales, Le savon de la forêt est le premier volet d’une saga exotique, qui entraîne avec fluidité et originalité le lecteur dans la pittoresque et délaissée Côte d’Ivoire de l’entre-deux-guerres.


 

Printemps, 1930 – Marseille

Hector, 18 ans, est un passager du Médie II, paquebot mixte qui assure la traversée maritime entre Marseille, le Maroc et l’Afrique noire. Hector fait ses aurevoirs à Mireille, sa mère. Il part rejoindre son père à Abidjan qui a décidé de se lancer dans la fabrication du savon. 

Dès les premières pages du récit, le portrait de Mireille est établi. C’est une mère qui défend ses intérêts, et accessoirement ceux de sa famille, bec et ongles, en imposant sa loi. Elle est dans la critique de façon systématique.

Il eut un pincement au cœur lorsqu’il n’arriva plus à la distinguer. Certes, elle l’agaçait à bien des égards par ses bavardages incessants, cette tendance humiliante qu’elle avait à se moquer de tout le monde, y compris de lui-même, et cette hostilité vis-à-vis de son père Anatole, qu’il était loin de partager, mais c’était sa mère et la première fois qu’il quittait le nid familial.  – page 11

 

Hector n’en croyait pas ses oreilles. Mireille ne lui avait jamais fait le moindre compliment. S’il arrivait à susciter l’admiration de sa propre mère, c’est qu’il était en bonne voie ! page 67

 

Hector n’a jamais été proche de sa mère contrairement à son frère qui est très attaché à elle. Au-delà de ses défauts et ses envies de citadine, Mireille a pratiquement élevé ses deux derniers toute seule en l’absence de son époux.  

Le rapport avec le thème de la semaine étant établi, parlons de l’intrigue du roman. 

 

 

C’est une plongée dans l’évolution économique de la Côte d’Ivoire dans les années 30, l’impact de la guerre de 39 dans le quotidien des Africains.

Pour beaucoup d’Africains, surtout pour les plus modestes, qui ne savaient ni lire ni écrire, c’était une guerre entre Blancs, un conflit dont les enjeux leur échappaient, mais qui se traduisait dans leur quotidien par des conditions d’existence plus difficiles. L’impôt avait augmenté, les réquisitions obligatoires sur certains produits agricoles leur étaient imposées, et les critères de recrutement dans les régiments de tirailleurs sénégalais s’étaient durcis. Page 141

L’auteure décrit la Côte d’Ivoire d’avant avant comme on dit à Abidjan. On s’imagine les paysages d’antan, les habitudes des Abidjanais. 

On suit avec attention le passage à l’âge adulte, la vie familiale et ses challenges ainsi que le parcours professionnel d’Hector qui n’est pas de tout repos. Faire prospérer une affaire dans le contexte de la guerre n’est pas chose aisée.

Le savon de la forêt, qui a reçu le prix ivoire en 2019, offre une lecture fluide et agréable mais il m’a manqué un je-ne-sais-quoi.

Néanmoins, je lirai la suite des aventures d’Hector car le cliffhanger donne envie de la lire.

 

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D’autres vies sous la tienne – Mérine Céco

l'Afrique écrit

C’est une île lointaine, censément paradisiaque, que les dépliants touristiques surnomment « l’île des revenants ». Une île que cette femme a fui tant elle voulait l’oublier, se croyant victime d’un sortilège qui la lie toujours à elle.
Jusqu’au jour où elle se retrouve confrontée au désir de sa fille, pourtant née dans le pays d’adoption, de renouer avec les âmes errantes de cette île et les fantômes de son passé. C’est alors qu’affluent chez la mère tous les souvenirs enfouis, les récits familiaux douloureux, les drames de la violence misogyne, de l’inceste, du viol…
Par une lettre qu’elle adresse à sa fille, la mère interroge son passé et son présent, et, ce faisant, fait remonter à la surface des tresses de récits, des éclats de paroles étouffées, des questionnements intimes, autour notamment d’une figure trouble, celle du « dorlis », équivalent créole de l’incube du Moyen-âge, ce démon mâle qui prend corps pour abuser d’une femme qui dort. En l’île répudiée, c’est lui qui règne en maître absolu ; c’est l’Homme, blanc, noir, mulâtre, indien, qu’importe ; riche ou pauvre, croyant ou mécréant. Lui, pour qui le ventre des femmes est à labourer sans répit, à triturer, à torturer parfois même.
À travers ce chassé-croisé, l’auteur explore la peur intestine qui habite tous ceux qui naviguent entre plusieurs appartenances, peur qui les conduit à l’invention de figures magiques pour recouvrir une réalité trop douloureuse. Si ce roman s’enracine dans une réalité socio-historique indéniablement caribéenne, et fait écho à une actualité brûlante, il témoigne tout autant d’une quête universelle : celle des femmes résistantes, qui osent affronter à plume découverte l’obscur éclat des généalogies marquées par une oppression masculine masquée ; celle des « déracinés » qui, dans le silence obstiné des autres, portent leur couleur de peau et leur histoire comme un fardeau.

 

l'Afrique écrit

 

Une mère, une fille. La première regarde la seconde boucler ses valises.

La mère admire la maturité de sa fille. Elle, elle est restée enfermée dans le jardin de son enfance.

C’est qu’il y a eu un grand trou, un vertige dans ma vie quand j’ai eu douze ans : pour me protéger, pour survivre, j’ai décidé que mes souvenirs n’iraient pas au-delà.

Une mère aimerait confier son histoire faite de silences. Elle écrit donc une lettre à la fille. Une lettre qui se lit comme un roman.

Le lecteur curieux, avide de révélations de secrets embarque dans ce récit à la 1ère personne où Céline Clairon épouse Pernat raconte son passé à Anita sa fille. Anita répond également à sa mère et leur échange épistolaire pose des réflexions intéressantes.

Peut-on vivre détaché de l’histoire de ses ancêtres ?

Nos choix sont-ils dictés par l’inconscient collectif ?

Ce roman évoque la hiérarchisation de la couleur de peau que la narratrice appelle couleur de corps, les injustices subies par ceux qui ont la couleur de corps plus foncée, les stigmates d’infériorité transmis de génération en génération, la liberté individuelle entravée par la liberté collective,  le racisme ordinaire, les violences basées sur le genre.

Ce roman décrit ce monde où :

  • le racisme est ordinaire, ancré dans les habitudes de vie,
  • l’assimilation est préférée à l’intégration.

 

extrait d'autres vies sous la tienne

 

Ce roman m’a fait découvrir la psycho-généalogie dont je n’avais pas entendu parler jusque-là.

Albert m’expliqua qu’il était psycho-généalogiste. Qu’il travaillait sur les analyses transgénérationnelles, les mémoires toxiques, les secrets de famille, les transmissions inconscientes de traumatismes et de fautes lourdes, des ancêtres vers leurs descendants.

 

Le récit est fluide, contient des idées intéressantes mais je ne me suis pas attachée aux personnages. Par ailleurs, la structure narrative n’est pas très fine. Les péripéties s’enchaînent souvent sans transition.

 

Christmas

 

Roman présélectionné pour le Prix les Afriques 2020

Éditeur : Ecriture

Collection : Littérature française

Date de publication: Février 2019

Nombre de pages: 235

 

Disponible aux formats papier et numérique

 

 

 

 

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Un soleil en exil – Jean-François Samlong

«On ne nous aimait pas, enfermés dans un milieu clos, sans marques d’affection ni la possibilité de fixer des repères. Nous étions dans le même guêpier, égarés dans un tunnel ou une voie sans issue, et à mesure que nous avancions, la neige effaçait les empreintes de nos bottes pour prouver que nous n’existions pas.»
Dans chacun de ses romans, Jean-François Samlong ne cesse d’interroger la violence qui secoue La Réunion. Cette fois-ci, dans un style percutant et concis, il nous convie à découvrir l’histoire des enfants de la Creuse. En fait, une véritable tragédie s’est déroulée entre 1962 et 1984, avec l’exil forcé en métropole de plus de deux mille mineurs réunionnais. Mensonges. Fausses promesses. Trahisons. Harcèlement sexuel. Viols. Tentatives de suicide, et suicides. Séjours en hôpital psychiatrique. Une catastrophe invisible. Enfin, le 18 février 2014, l’Assemblée nationale a reconnu la responsabilité morale de l’État français dans la terrifiante transplantation des enfants. Ici, deux jeunes garçons, Tony et Manuel, et leur sœur courage, Héva, qui témoigne des vies séparées, suspendues, piégées au cœur du froid et du racisme.

 

l'Afrique écrit

La 4e de couverture ne nous cache rien. On sait à quoi s’attendre avant d’ouvrir ce roman. Je n’avais pas envie de voir face à face la douleur, l’injustice alors j’ai repoussé ma lecture jusqu’à ce que j’ai besoin de ce livre pour valider une case de mon challenge Westeros.

Le roman comporte 3 parties, chacune composée de 4 chapitres. 

L’auteur énonce d’abord des faits historiques de 1945 à 1962 puis s’efface pour que la voix d’Héva s’impose. 

Héva débute son récit en 2014, elle vit à Guéret et nous partage ses souvenirs

Après des années à noircir des pages, puis à relire le récit de ma vie dans la Creuse,
j’aimerais partager mes souvenirs. Et surtout qu’on n’oublie rien de moi, ni de mes frères, ni des mineurs qui ont eu à pâtir de l’injustice sociale, comme si une chose aussi scandaleuse que la déportation d’enfants pouvait s’oublier avec un détachement à l’égard de ce qui a été, page 19

C’est vraiment quand on s’écrit que le livre est essentiel à soi, voilà pourquoi j’ai voulu raconter mon histoire. À l’époque, j’étais jeune et la loi archaïque. J’étais désarmée et la loi armée. Suffisamment armée pour encourager les politiciens à propager la légende d’une France aimable et aimante.
J’avais seize ans. Mes frères étaient plus jeunes que moi : Tony, quatorze ans ; Manuel, onze ans. D’autres des bébés. D’autres encore, des fantômes. Des gosses sans visage ni
âge, sans voix ni parole, comme absents d’eux-mêmes. Eux, des orphelins, des pupilles de la Nation, des analphabètes, des brouillons de vie dans l’ordre inique des choses, page 20

 

 

Elle nous raconte la vie dure qu’elle menait avec sa mère et ses deux frères, une vie de misère mais imprégnée d’amour jusqu’à ce que le député de l’île qui, souhaitait repeupler le Limousin déporte les enfants de l’île vers les départements de la région du Limousin. 

Des parents analphabètes signaient des actes dont ils ignoraient le contenu. 

Sous la pression des politiciens, on alignait les gosses deux par deux, puis on les empilait dans un même avion, un même train, une même tragédie. page 69

Dans le limousin, ces enfants sont placés soit dans des familles d’accueil, soit dans des fermes où ils sont surexploités, logés dans des conditions précaires, victimes d’abus. Dans ce pays étranger, ces enfants subissent le racisme. 

 

Comme j’avais beaucoup écouté le vieil homme, je savais que, dans la France policée de l’après-guerre, il existait une protection sociale de l’enfance, oui, mais elle ne s’appliquait pas à tous.

 

Avec un langage maîtrisé et soutenu, un ton loin du pathos, Un soleil en exil est un livre mémoire, un livre témoignage qui dénonce la déportation des enfants de l’île de la réunion et le mensonge d’Etat. Un livre qui rappelle l’injustice, la souffrance ignorée, oubliée de ces enfants.

Je méconnaissais cette partie de l’histoire française. Je remercie l’auteur qui refuse que ce drame tombe dans l’oubli. 

Christmas

 

Éditeur : Gallimard

Collection : Continents noirs

Date de publication : Janvier 2019

Nombre de pages : 256

Disponible aux formats papier et numérique 

 

Roman présélectionné pour le Prix les Afriques 2020

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Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Je me suis tue de Mathieu Menegaux

Depuis un moment, je n’arrive pas à dire grand chose sur les romans que je lis ou j’ai la flemme de rédiger les chroniques. Des chroniques entamées mais non publiées se prélassent dans mes brouillons.

Mais certains livres arrivent à imposer leur délai de publication. Leur intensité et pertinence rend volubile.  Je me suis tue de Mathieu Menegaux fait partie de cette classe de livres.

Couverture Je me suis tue

Livre découvert dans le groupe de lecture « Accro aux livres » sur Facebook. Les nombreux avis élogieux m’ont convaincue.

La 4e de couverture de « Je me suis tue » est réussie. Elle nous dit l’essentiel sans révéler l’intrigue. En écrivant cette chronique, je me suis demandé s’il fallait rester dans la logique du résumé ou en dire plus.

J’ai choisi la 2e option mais rassurez-vous je n’irai pas dans les moindres détails.

 

Claire, notre narratrice est une férue de musique. 

Encore une chanson. Toutes les situations de la vie, des plus gaies aux plus noires, des plus courantes aux plus improbables, ont été décrites en chansons. 

Elle glisse dans le flot de ses paroles des extraits de chanson. Parfois, on ne s’en rend pas compte parce que les extraits collent au texte parfois ils apparaissent comme un cheveu sur la soupe. 

 

Claire est en prison depuis deux ans. Du fond de sa cellule de la maison d’arrêt des femmes à Fresnes, elle nous livre l’enchaînement des faits qui l’ont conduite en prison. Elle nous livre son témoignage, ce qu’elle a refusé de révéler aux instances judiciaires, à son mari.

Elle nous joue une partition de musique aux notes silencieuses et noires, rythme saccadé, tempo crescendo.

Victime d’une expérience traumatisante crainte par toutes les femmes, elle va s’emmurer dans le silence. Faire comme si cela ne s’était jamais passé. Ce choix du silence va lui porter préjudice. La victime deviendra bourreau, pire son propre bourreau…

J’ai apprécié ce récit qui s’étale sur moins de 200 pages. Je l’ai terminée en moins de 3 heures et j’en profite pour dire merci à tous ces auteurs qui savent qu’on n’a que 24 heures dans la journée et répondent de façon optimale à mon envie de lecture quotidienne et rapide. 😀

La plume de Menegaux a été une belle découverte. Travaillée, fluide, mélancolique et vive, elle est.

Ce récit a été une claque, une leçon de vie pour moi. Les choix que nous faisons conditionnent nos vies mais aussi celles de nos proches. Croire qu’on peut s’en sortir toute seule est carrément faux. Non, on ne peut pas tout garder en soi surtout lorsqu’on a vécu une expérience traumatisante. Il est nécessaire d’en parler ne serait-ce qu’à un psychologue.

J’ai eu de l’empathie pour cette femme désorientée après cette expérience traumatisante même si j’ai eu envie de la secouer voire de la gifler à chacune de ses mauvaises décisions. Non, tous les secrets ne sont pas bons à taire. Le poids du silence est parfois trop lourd à porter et son prix trop élevé. Claire aurait eu une autre vie si elle n’avait pas fait ses mauvais choix, si elle n’avait pas tant tenu à son image. 

Arrogante, je n’ai pas eu l’humilité de te faire confiance. Suffisante, j’ai voulu m’en sortir toute seule. J’ai été orgueilleuse, stupide et indigne.

 

Lorsqu’on arrive au twist final qui peut être abracadabrant à première vue, on ne peut qu’affirmer que Claire et son mari auraient dû aller jusqu’au bout pour confirmer leur hypothèse, effacer leurs doutes. On arrive au point final de cette histoire et on ne peut s’empêcher de dire : quel gâchis !

 

Je vous invite à découvrir ce livre percutant qui offre une belle réflexion sur la communication dans le couple, la culpabilité, le poids du silence, la gestion de cette expérience traumatisante qu’est la contrainte à un acte sexuel. 

 

En fouinant sur le net, j’ai découvert qu’un autre roman traitait du sujet et avait beaucoup de similitudes avec « Je me suis tue« . Il s’agit du roman le malheur du bas d’Inès Bayard. Coïncidence, influence ou plagiat ? Je referme la parenthèse.

 

signature coeur graceminlibe