Publié dans Arrêt sur une oeuvre

La seconde chance : lu et approuvé ?

« La seconde chance, troisième œuvre de Marie Ella Kouakou, est tout ceci à la fois : un roman de l’amour passionné, un récit de la haine virulente, une tribune de la satire sociale, une parole de la soutane défroquée et donc, finalement ; un excellent compagnon de route, sachant tirer de la scène de ménage la plus commune, la question morale ou ontologique la plus profonde. Avec une régularité qui force l’admiration, Marie Ella Kouakou nous revient au bras d’une narration à rebondissements portée sur les ailes du rêve. Mais si l’auteur puise abondamment à la source onirique, c’est moins pour contourner la réalité, que pour rendre compte de ce que le réel est parfois un sommeil éveillé. » Extrait de la préface de Josué Guébo

La lecture de la préface de la seconde chance nous fait sauter à pieds joints dans le rêve éveillé de Ange-Marie Ossouba, prêtre qui semble ne plus partager la philosophie de l’église et préfère celle des plaisirs de la chair.

« Projeté dans un univers inconnu à la suite d’une chute, en un endroit sombre, lugubre, qui s’apparente à l’enfer, il va vivre une expérience extraordinaire : plus de trente ans de sa vie, comme à travers un diaporama, vont défiler devant lui et l’inviter à regretter sa vie d’égarement et saisir sa seconde chance. »

J’ai apprécié le ton humoristique avec lequel l’auteur a conté l’enfer. Son style vivant, concis et pittoresque rendent l’oeuvre agréable à lire. 

Aucun verbe, aucun mot ne filtra de la joute de leurs prunelles. Seuls Ange-Marie et Caramel entendirent les paroles que jetèrent leurs yeux.

– Tu sais, Caramel, je ne peux me permettre une telle infamie. Je ne peux t’embrasser.

Surtout en ce lieu. Je suis prêtre de Jésus-Christ, lâcha un bout de paupière du prêtre.

D’un cil résolu, se fit la réponse de la femme :

– Justement tu le peux. Ton rôle n’est-il pas de rendre l’espoir aux âmes en désespoir ?

Tu n’as eu envers moi aucune démarche de prédation. Cette étreinte que je te demande de tout mon être, ne serait que le gage de l’amour que devrait donner tout ministre de l’amour divin, l’amour infini.

– Ne blasphème pas mon enfant. Ce que disent tes yeux, ce dont vibre ton corps, je ne l’entends que trop. Tes yeux s’embuent d’amour sensuel. Mon rôle est de faire fleurir l’Amour dans toute sa pureté. Loin de toute allégeance au corps et à ses sombres passions.

Le regard cerné de Caramel répliqua aussitôt :

– Je partage entièrement ton avis. Je n’ai jamais souhaité te mettre en porte-à-faux avec ta dignité de prêtre. Mais avant de quitter ces lieux, vois dans chacune des larmes ruisselant de mes yeux, la profonde humiliation de la femme blessée, encore ce soir, par un énième refus d’amour. Qu’ai-je donc fait à Dieu, pour que tous bras se referment sur mon approche ? Qu’ai-je donc fait pour n’avoir en ce bas-monde nul nid où ranger mon âme chagrinée. Je ne mendiais qu’un peu de charité, mon père.

« Charité », le mot, comme un projectile, avait été lancé par un terrible battement de cil.

Les descriptions de l’atmosphère, des personnages sont suffisamment claires pour qu’on puisse se les représenter. 

Marie-Ella Kouakou aborde des problématiques sociales d’actualité comme l’infidélité conjugale, le matérialisme, l’hypocrisie religieuse… On se rend bien compte des sacrifices attachés au sacerdoce du prêtre.

Elle soulève des questions existentielles comme la vie après la mort, communique l’espérance. Il nous est toujours donné la possibilité de sortir des mauvais rêves, de se relever lorsqu’on est tombé. J’ai apprécié la trame spirituelle du récit. 

L’histoire est intéressante, bien construite. J’ai pris plaisir à la lire mais je n’ai pas été enchantée, la faute à quelques bémols. Il m’a manqué un certain attachement aux personnages. Est-ce dû à la focalisation externe ? Peut-être.

Autre bémol : on ne vit pas la passion entre Ossouba et Caramel, on la lit. Elle est racontée brièvement et c’est dommage. 

La fin du récit m’a laissée un peu perplexe. Elle est brusque, fragmentaire, a le reflet d’une toile inachevée.

Je ne vous en dis pas plus et vous souhaite un bon voyage dans la vie de Ange-Marie Ossouba. 

Pour avoir votre exemplaire, cliquez ici.

Extrait 

Près de sa case, vivait un mendiant dans une maison un peu plus spacieuse. Il avait arnaqué les passants dans la rue sur terre. Il se retrouvait donc dans le purgatoire, avec les autres membres de sa famille qui n’avaient pas fait preuve de foi en Dieu. Devant leur maison, une multitude de bouilloires et des chaussures. « Ah, ceux-là ! Toujours aussi fidèles à leurs prières », murmura Ossouba. La maison du mendiant paraissait plus grande que celle de la bourgeoise Mamie Adjoua. Quel terrible contraste !

Ossouba s’attendait à se voir accorder un peu de répit comme le lui avait promis son guide.

Hélas ! La conception du repos, en ces lieux, était aux antipodes des réalités humaines. Le repos consistait en réalité en une balade en enfer puis au paradis. C’était une manière de leur montrer les débouchés de leur séjour au purgatoire. Soit ils finissent leur pénitence pour vivre au paradis, soit ils deviennent « les souffleurs » du feu de l’enfer.

Il s’en alla donc avec son guide parcourir l’enfer. Tous les habitants munis de leur éventail soufflaient le feu du foyer de l’enfer, augmentant la chaleur dans leur circonscription mais apportant de l’air au paradis. Cette situation ne leur plaisait pas le moins du monde mais ils n’avaient pas le choix. Ils y étaient contraints !

N’ayant pu saisir cette deuxième chance qui leur avait été offerte dans le purgatoire, l’enfer serait leur ultime demeure. Ossouba remarqua que les damnés se disputaient quant aux positions à occuper. Certains refusaient de façon véhémente que les homosexuels les collent au train. Savait-on jamais !

Ils étaient tous nus et avaient la peau très sombre. Ossouba les regardait de loin et eut peur de les rejoindre. Soudain, il aperçut son père dans cette foule des damnés. Malheureusement, il n’eut même pas le droit de lui adresser la parole. Comme il aurait bien voulu le consoler.

Mais hélas ! La présence de son père en ce lieu n’était guère fortuite. Jamais Papa Ossouba n’avait voué de culte sincère au Seigneur. Baptisé le jour de sa naissance, cette entrée dans la famille de Dieu n’avait été pour lui qu’une formalité, un prétexte pour porter un prénom français : Emmanuel. De toute sa vie, il n’était allé à l’Église qu’aux occasions festives. Il trouvait les messes trop longues. Pour lui, un signe de croix suffisait comme acte d’adoration. Il priait rarement avant les repas. La prière qu’il rabâchait à volonté était : « Seigneur vois ces plats, bénis les poches qui les ont financés, les mains qui les ont cuisinés, les bouches qui vont les déguster, l’organisme qui va les digérer  et l’anus qui va les expulser ». Chaque instant de prière était pour lui, des lucarnes pour tourner la religion en dérision.

 

Ps : l’auteure célèbre sa 3ème année en tant qu’écrivain. Laissez-lui un gentil message ici.

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Publié dans Panaché

Auteurs et péchés capitaux en lecture

sept péchés capitaux

Nous revoilà pour une dernière découverte des sept péchés capitaux en littérature.

Deux jeunes auteurs ivoiriennes Marie-Ella Kouakou (auteur de « la guerre des clans ») et Essie Kelly (auteur du triptyque « Odwira ou les écueils d’une vie de bonne ») ont bien voulu se prêter au jeu.

L’avarice

Quel est le livre le moins cher dans ta bibliothèque ?

Marie-Ella Kouakou : « Le fils de la lumière » de Cédric Marshall Kissy  qui m’a coûté 1800 francs CFA.

Essie Kelly : J’adore les livres, je suis incapable d’entrer dans une librairie sans en ressortir les bras chargés de bouquins. Aussi, j’en achète souvent d’occasion en ligne, ce qui me permet de ne pas consacrer un trop gros budget à la lecture. Les livres les moins chers de ma bibliothèque, je les trouve dans le hall de mon immeuble. Quand je finis de lire un livre qui ne m’a pas conquise je le dépose dans un coin à côté des boîtes aux lettres, système adopté par un de mes voisins qui y déposent aussi les siens. Du coup, je bénéficie gratuitement d’ouvrages qui sont souvent passionnants.  

La gourmandise 

Quel livre as-tu dévoré ?

Marie-Ella Kouakou : « La bête noire » de Isaïe Biton Koulibaly.

Essie Kelly :  « La clé de l’abime », écrit par José Carlos Somoza. Un pavé de plus de 500 pages que j’ai dévoré en un temps record. Il ne me quittait plus, dès que j’avais un moment de livre je me plongeais dans sa lecture. Je n’ai pourtant pas l’habitude de lire des romans de science-fiction mais j’ai adoré ce livre car le genre du roman n’est qu’un prétexte pour aborder un sujet bien plus sérieux : l’homme, sa conscience et ses croyances.

La paresse 

Quel livre as-tu négligé par paresse ?

Marie-Ella Kouakou : « Christine » de Isaïe Biton Koulibaly.

Essie Kelly : « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzche, j’ai commencé à le lire avec un intérêt qui ensuite n’a cessé de décroitre. Je crois que c’est à une période où j’étais très occupée, il faudrait que je m’y remette.

La luxure 

Quel livre érotique t’a le plus marquée ?

Marie-Ella Kouakou : « Coup d’État » de Regina Yaou.

Essie Kelly : Il s’agit assurément d’un livre du Marquis de Sade « les 120 journées de Sodome ». C’est le premier livre érotique que j’ai lu et j’ai été choquée par les détails explicites et crus presque exagérés. 

L’orgueil

Quel personnage as-tu trouvé trop orgueilleux ?

Marie-Ella Kouakou : Blandine de « et pourtant elle pleurait » de Biton.

Essie Kelly :  Le personnage le plus orgueilleux que j’ai récemment croisé au cours de mes lectures est sans aucun doute Mour N’diaye un des personnages du roman « la grève des battus » d’Aminata Sow Fall. Il a beaucoup de mépris envers les indigents dont il orchestre l’exclusion de la ville. Mais fort heureusement le destin lui rappelle qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi.

L’envie

Quel livre te fait envie en ce moment ?

Marie-Ella Kouakou : « Debout payé » de Armand Gauz

Essie Kelly :  J’ai dans mon agenda une liste de livres qui me font envie que je mets régulièrement à jour. Elle est très longue ! Le livre qui est actuellement en tête de la liste est « la femme cannibale » de Maryse Condé. C’est une histoire qui m’intéresse car elle traite par l’entremise d’un personnage féminin de la question des relations « interraciales » dans une Afrique du Sud post-appartheid. 

La colère

 Quelle lecture t’a mise en colère ?

Marie-Ella Kouakou : Néant. Je tire le meilleur de toutes mes lectures. Quand le livre ne m’accroche pas je ne termine pas.

Essie Kelly : Il y a des textes qui m’ont beaucoup agacée, parce que certains paragraphes suscitent la révolte du lecteur. Cela se produit souvent quand je suis très impliquée dans le roman. Beaucoup de personnes me regardent avec étonnement quand je leur dis qu’il existe des livres encore plus captivants qu’un thriller cinématographique au point où on est comme hypnotisé et qu’on ne veut s’en détacher. Il y a donc des livres où j’étais tellement captivée par l’histoire que j’ai été écœurée par certains faits mais je ne me souviens pas avoir déjà été en colère. Je me mets d’ailleurs rarement en colère. Un livre qui a suscité beaucoup de révolte en moi est « une saison blanche et sèche » d’André Brink car il raconte une histoire certes imaginée, mais qui s’inspire de faits qui ont réellement existé. Et l’apartheid est un pan très douloureux de l’histoire de l’humanité.

Quand la lecture d’un livre m’est vraiment désagréable je n’en poursuis pas la lecture. Par contre il y a bien un type de lecture que je n’apprécie aucunement. J’ai en horreur les livres qui sont incapables d’éveiller le moindre rêve en moi, pas même une once d’émotion. Je déteste les livres plats dont on ne tire aucun plaisir. Incapables d’arracher la moindre réaction au lecteur.

 

Grand merci  chers écrivains et plein succès dans votre carrière.

 

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Notre série de péchés capitaux se termine ainsi. Et vous, quels sont vos sept péchés capitaux en lecture ?