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Un monstre est là, derrière la porte – Gaëlle Bélem

Couverture Un monstre est là, derrière la porte

Tout commença un soir de 1981 lorsque dans la ville de Sainte Marie, au Nord de l’île, deux jeunes gens eurent le malheur de se rencontrer. Tandis qu’au-dehors la fête battait son plein, à l’arrière d’un restaurant un cuisinier retirait sa veste et la toque blanche qu’il portait depuis le matin.

Les Dessaintes forment l’une des familles les plus célèbres de La Réunion. Ils sont ambitieux, courageux et un brin fantaisistes. Mais, de l’avis du voisinage, des psychiatres et de la police, ils sont juste cinglés. Tout aussi barjos qu’ils soient, ils mettent au monde une fille. Une petite teigne qui compte bien devenir quelqu’un. C’est cette histoire familiale poignante au cœur de La Réunion des années 1980 qui est ici racontée.

La lectrice, le lecteur y trouveront du rythme, un ton vif, décalé, et, surtout, un humour décapant. Ils sont priés d’ouvrir la porte pour voir bondir le monstre. Des surprises, sans nul regret !

— C’est comme ça, un point c’est tout !
Alors que les parents se perdent d’ordinaire en circonlocutions pour expliquer à leur progéniture les grands mystères de la vie et le pourquoi du comment, les Dessaintes ont toujours fait preuve d’une incomparable avarice en matière d’explication et d’argumentation rationnelle.
Bien sûr, ils attachaient une certaine importance au fait de nourrir, habiller et coiffer l’unique enfant qu’ils avaient mis au monde, mais jamais, absolument jamais, ils ne forcèrent le zèle jusqu’à l’instruire, pire, l’éduquer.

Cet unique enfant est la narratrice. Elle dresse le portrait de parents aux comportements très étranges, à la limite de la folie.

Bref, mes parents à qui le hasard donna de surcroît ce nom de Dessaintes étaient, sans le savoir, d’horribles versions créoles d’un laconique Bartleby accouplé à ce cinglé de Lovecraft ! Et ils étaient animés d’une seule et abjecte conviction : que la meilleure façon d’élever des enfants était de leur clouer le bec en les terrorisant ! Ils n’expliquaient donc pas, ils épouvantaient.

La narratrice se réfugie dans ses lectures et trouve sa vocation à sept ans: elle veut devenir écrivain.

Dorénavant, j’exige qu’on m’appelle Ratus, au grand dam des Dessaintes ! Et je commets un crime qu’aucun d’entre eux n’aurait imaginé : je lis. Pire ! Cela me plaît.
Absolument. À un point tel que je trouve comment faire vraiment mieux que ces canailles : je vais lire et inventer des histoires pour les mettre dans des livres. Je vais outrepasser mon rang, ma condition, et être là où l’on ne m’attend plus. Alta alatis patent ! a hurlé dame Bélina. Mais, je n’ai pas compris son baragouin de maîtresse d’école. Dans ma tête à moi, résonna un vigoureux « à l’attaque » et je me mis effectivement à attaquer.
Voilà comment j’ai décidé à sept ans de devenir écrivain, sans savoir qu’ils étaient tous suicidaires, névrosés, mégalomanes et alcooliques.

Elle s’accroche à la lecture, au savoir, à l’école. On lui prédit un échec retentissant car les Dessaintes n’ont jamais réussi, ils vivent dans la misère, meurent incultes lui dit-on mais elle s’accroche.

Les désastres familiaux s’enchaînent, s’accumulent : chômage, alcoolisme, bagarres, disparition du père, vols, viols. Les Dessaintes semblent voués au malheur, aux vies déchirées par la violence.

A travers ses personnages, Gaelle Bélem évoque les problèmes socio-économiques de l’île dans les années 80. Un monstre est là, derrière la porte est une longue prose, aux dialogues rares et avec de jolies tournures de phrase. Mais les tableaux sombres décrits de l’île m’ont perturbée. Plusieurs fois au cours de ma lecture, j’ai perdu le fil. L’humour intervient par moment pour apporter un peu plus de légèreté au récit mais je suis ressortie de ce roman comme on quitte un film plein de noirceur.

Ce roman est un peu trop condensé à mon goût. Il aurait été judicieux à mon sens d’en faire une fresque familiale où on aurait une vue à 360° des Dessaintes. Aborder le « dedans » de cette famille sous l’angle unique de la narratrice ne m’a pas convaincue…

 

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Sous le pouvoir des blakoros – Traites

Sous le pouvoir des blakoros – Traites d’Amadou Koné décrit la vie des paysans confrontés à toutes sortes d’entraves semées par les blakoros.

Mais qui sont les blakoros ? Les riches et puissants. Les petits bourgeois africains. Les fonctionnaires (policiers, infirmiers), les riches commerçants des villes, les usuriers des villages et les faux marabouts.

Ces hommes ont succédé au pouvoir colonial et ne pensent qu’à profiter au maximum de leurs fonctions, foulant aux pieds les valeurs traditionnelles de l’Afrique profonde telles que le respect de l’âge, l’entraide, la générosité, l’honnêteté.

Les riches s’entendent. Et ils sont puissants. […] Les riches sont puissants et ont raison.

Contre ce pouvoir despotique, Lassinan, jeune lycéen et fils du vieux Mamadou, s’insurge. Il veut lutter contre la traite perpétuelle du peuple qui attend des mois durant, d’encaisser ses traites du café destinées à « effacer quelques soucis matériels ».

Il veut changer la mentalité de ses pères qui ont accepté misère et humiliations. Résignés, ils ont accepté la fatalité. Affirmant que leur condition de pauvre est la volonté de Dieu, attendant le Grand Jour, le paradis pour vivre une vie meilleure.

Lassinan veut qu’ils aient un autre regard sur leur condition.

La misère est une trop grande torture pour qu’on se permette d’accepter de la subir éternellement. L’humiliation est une trop cuisante blessure pour qu’on se permette de l’accepter passivement…

Ce n’est pas que je ne crois pas en Dieu. Je conteste seulement ce qu’on fait de Dieu. Je conteste le Dieu sur lequel s’appuient les riches pour exploiter les pauvres, les puissants pour maintenir les faibles sous leur joug

De toutes les façons, dire non à la misère ne peut pas être un sacrilège.

Baba, Dieu, c’est peut-être l’honnêteté. Et l’honnêteté, ce n’est pas seulement de ne pas voler autrui, c’est aussi de refuser qu’autrui vous vole.

Le pauvre est né pour échouer, avait dit le vieux Mamadou.

Non, avait répondu Lassinan, le pauvre est né pour sortir de sa condition, sortir aussi tous les pauvres de la pauvreté. Tuer la pauvreté. Cela, il doit le vouloir, ardemment.

Il faut aussi qu’Allah le veuille.

Allah le veut. Il ne peut avoir créé l’homme pour en faire un maudit. Et puis, si l’homme a besoin de croire en quelque chose, pourquoi ne pas croire au bonheur par l’effort plutôt qu’à sa propre damnation ?

J’ai beaucoup apprécié l’état d’esprit de Lassinan, sa volonté à refuser le statu quo et faire bouger les lignes. Sous le pouvoir des blakoros – Traites offre une rapide et sympathique lecture.

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Les transparents – Ondjaki

Les Transparents (Points) (French Edition): Ondjaki, Danielle ...

Je remplis lentement mais sûrement ma carte d’auteurs africains. A la recherche d’auteurs angolais, je suis tombée sur ce roman d’Ondjaki. Convaincue par la 4e de couverture, je l’ai inséré dans ma wishlist et obtenu dans le swap sur les merveilles.

 

Le récit s’ouvre sur un incendie. Un aveugle demande à son compagnon qui est un marchand de coquillages la couleur de ce feu qui monte du sol vers le ciel de Luanda.

Trois autres personnages sont également confrontés à cette gigantesque danse de jaunes qui se propage dans le ciel. L’homme s’appelle Odonato, sa femme Xilisbaba, son amie MariaComForça. 

 

Sans aucune indication temporelle, on se retrouve dans l’Immeuble qui avait sept étages et respirait comme un être vivant. Au 1er étage, une source d’eau douce, causée sans doute par une fuite intarissable, coule en abondance.

Au 4e étage, il y a Edù qui marche avec difficulté à cause d’une hernie gigantesque

Au 5e, vit le CamaradeMuet, complaisant et silencieux

Au 6e vivent Odonato et sa famille. Il a la nostalgie du Luanda d’autrefois, il a cessé de manger pour laisser la nourriture à ses enfants et est en train de devenir transparent. Son fils aîné survit grâce à des vols.

Il y a MariaComForça, qui vend du  poisson grillé, et son mari, Joaodevagar, le débrouillard, qui cherche à gagner de l’argent par tous les moyens possibles.

Et Paizinho, le jeune garçon qui cherche à la télévision sa mère dont il a été séparé à cause de la guerre.

L’Immeuble abrite aussi des journalistes, des chercheurs. Tout ce beau monde se croise, échange sur son quotidien, ses peines, ses espoirs, les cicatrices sociales laissées par la guerre. 

Des hommes, des femmes qui se réfugient dans l’Etre invisible parce qu’ils n’ont aucun recours dans le monde visible. 

–  Comment est-ce que vous tuez les microbes ?

–  en priant

– comment ?

– je prie, je demande à dieu qu’il les tue. ça ne sert à rien de faire bouillir l’eau, j’ai vu ça à la télé, nos microbes d’ici, ils aiment l’eau bouillante, l’eau de javel aussi, qui tue plus d’enfants que de microbes alors je prie

 

Une foi dont se servent les rapaces pour alimenter leurs poches…

A ne pas oublier, ce Facteur qui distribue ses lettres de protestation et réclame une mobylette à tous les représentants d’une autorité quelconque. 

Ces derniers semblent être issus d’un prototype unique : tous intéressés par les richesses naturelles du pays, ils se servent de leur autorité pour en tirer profit. Ils sont obnubilés par leur cupidité, l’auteur en usant de figures de style comme l’ironie décrit l’absurdité de leurs préoccupations. 

 

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On ressent la satisfaction des puissants, la saudade des pauvres, ceux dont on ne tient pas compte et qui finissent par devenir transparents. 

L’écriture d’Ondjaki est exquise. J’ai mis deux semaines à lire cette oeuvre de 400 pages. L’imagination poétique et l’habileté narrative de l’auteur demandent un haut niveau d’attention. Ce roman a été un vrai exercice d’écriture pour la jeune écrivaine que je suis. 

 

Ce fut une lecture intéressante, une agréable découverte mais je suis restée sur ma faim. Certains faits ont manqué de développement selon moi notamment l’exploitation des eaux par l’un des puissants. 

 

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Pauvre et fière – Owali Antsia

Owali Antsia est une écrivaine d’origine gabonaise. Sur sa page Facebook à laquelle je suis abonnée, elle partage ses avis de lecture. Des avis bien construits, de qualité. A travers eux, j’ai perçu une lectrice exigeante.

En parcourant sa bibliographie, j’ai découvert Pauvre & Fière, un roman qui surfe entre le roman social, la romance et le polar.

PAUVRE ET FIERE d'Owali ANTSIA - Cousines de lectures.......

 

Désirant découvrir le polar made in Gabon après le chasseur de lucioles et homicides 241, il a immédiatement été ajouté à ma wishlist. 

Résumé de l'oeuvre

 

Ceux qui ont l’habitude de croiser Kini dans les rues d’Owendo diront d’elle que c’est une jeune fille hors du commun. Déterminée à honorer la mémoire de sa mère dont elle a hérité la dignité et une foi inébranlable face à toutes épreuves, elle porte sur ses frêles épaules la responsabilité de l’éducation de son frère cadet dont elle a l’entière charge depuis que son père, alcoolique notoire et sa sœur aînée, reine de la nuit, ont déserté le domicile familial. A ce quotidien âpre, s’ajoute deux crimes crapuleux commis dans la ville. Ils n’ont de prime abord aucun lien entre eux, sauf peut-être Kini. Mais ça, elle ne le sait pas encore…

 

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Moutsiga-Moussirou Shine Kini est une jeune fille de 21 ans orpheline de mère. Obligée d’arrêter son cursus scolaire pour laisser la chance à son jeune frère d’accéder à l’éducation, elle se débrouille pour subvenir à leurs besoins.

Mais où se trouve le père de famille ? 

Où est ton papa ?
Dis-moi où est ton papa ?
Ah sacré papa
Dis-moi où es-tu caché ?

Dixit Stromae

 

Le père est devenu un chiffon humain. Alcoolique, il déserte la maison, abandonne ses enfants à leur propre sort, revient de temps en temps pour jouer un semblant de rôle de père. 

Kini est une jeune fille courageuse, attachée à sa foi chrétienne et ses valeurs. Elle refuse de gagner l’argent à la sueur de ses fesses. Son pain, elle veut l’obtenir avec dignité contrairement à sa sœur aînée Chanel. J’ai éprouvé beaucoup d’admiration pour cette jeune fille. Son histoire est touchante et est un modèle pour la génération actuelle. 

 

La pauvreté s’attache aux pas de Kini et il semble qu’elle ne soit pas la seule à y être attachée. Les déboires amoureux sont également son lot.

 

A la page 68, je commence à m’impatienter. Le polar s’immisce à quel moment dans le récit ?

Je prends mon mal en patience jusqu’à la page 103 où la courbe de mon intérêt pour le roman remonte. 

Enfin un crime !

Celui d’un homme d’affaires béninois retrouvé sans vie dans une chambre d’hôtel. Kevin Ebang, soupirant de Kini et lieutenant de la police judiciaire prend en charge l’enquête. 

A peine le temps de réfléchir au mobile et aux suspects, qu’un 2e crime se produit ! Je ne boude pas mon plaisir.

Je m’installe confortablement pensant vivre une enquête policière de folie avec des révélations, des fausses pistes. Je m’attends à un casse-tête, à tomber des nues et là…. Déception. L’ombre policière ne plane sur ce roman que sur une trentaine de pages. Potentiel sous-exploité. L’enquête vite résolue comme si on devait se concentrer sur autre chose. Quoi ? La romance ?

 

La romance apporte son lot de rebondissements. Certaines péripéties m’ont arraché un sourire, un rire mais mon cœur n’a pas frémi. Je n’ai pas eu envie de me retrouver à la place de l’héroïne. Les histoires d’amour de Kini ne se distinguent pas de toutes celles que j’ai lues jusqu’ici. Il m’a manqué de l’originalité. Je me rends compte que j’ai développé de grosses attentes concernant le roman. 

De Pauvre & fière, je ne retiens que le volet social. L’histoire est d’ailleurs teintée de l’argot local, les descriptions de Libreville et de ses quartiers sont réussies et nous permettent de nous les représenter sans trop d’efforts. Le style est limpide, apporte de la fraîcheur au récit. 

Ce roman évoque les conditions des orphelins sous nos cieux, le combat d’une jeune fille pour vivre une vie décente. 

Pauvre & Fière est un roman intéressant mais je suis restée sur ma faim. J’en attendais plus de l’auteure.

 

fleur v1

 

 

 

 

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La folie était venue avec la pluie

Cette année, je n’ai fait que quelques heures au Salon International du Livre d’Abidjan et j’ai mis ce temps à profit pour acheter les livres d’ailleurs à l’instar de La folie était venue avec la pluie de Yanick Lahens.

La folie était venue avec la pluie

 

Les nouvelles de Yanick Lahens racontent la vie quotidienne haïtienne sans la ménager –avec toute la violence, la misogynie et la misère dont ses récits attestent. Mais, il y a aussi chez elle ce refus qui fait l’espoir. Même s’il ne s’agit que de l’échappée belle de la jeune protagoniste dans la nouvelle éponyme du présent recueil, lorsqu’elle proteste : « la première fois, je ne voudrais pas que ce soit Obner ». Et moi non plus, je ne le voudrais pas. De tout mon cœur. Pour une fois que ce ne soit pas une histoire de viol. Pour une fois. « J’ai douze ans et je me sens forte et belle ». Carolyn Shread

 

l'Afrique écrit

Huit nouvelles, d’environ une quinzaine de pages chacune, montrent une population désœuvrée, vaincue, marquée par la pauvreté et la violence.

L’auteure ne nous cache rien. Transparente, elle expose la nudité de ce pays. On n’a pas idée de la violence qui y règne en maître. Les relations homme-femme sont celles que l’on retrouve un peu partout dans le monde. Les femmes vues comme un objet sexuel, considérées comme des êtres inférieurs à l’homme.

J’ai beaucoup apprécié la nouvelle trois morts naturelles pour sa narration à la deuxième personne. J’ai un gros faible pour ce type de narration.

J’ai été charmée par la belle écriture de Yanick Lahens mais la lectrice exigeante que je suis attendais plus des nouvelles. Je m’attendais à des nouvelles plus poignantes, à des chutes plus saisissantes.

 


 

En cherchant des informations sur l’éditeur, j’ai appris que Yanick Lahens a été invitée à occuper la Chaire Mondes francophones du Collège de France pour l’année 2018-2019. Elle est la première personnalité à animer cette chaire qui entend mettre en avant toute la pluralité, la diversité et la richesse de l’espace francophone.

La leçon inaugurale a pour thème : « Urgence(s) d’écrire, rêve(s) d’habiter ». J’ai écouté et ai été bluffée par le bagage littéraire de cette auteure fière de son pays et sa littérature.

Les cours intitulés « Haïti autrement » sont au nombre de sept. J’ai écouté trois cours qui m’ont permis de mieux comprendre l’évolution et les contours de la littérature haïtienne.

Entre l’ancrage et la fuite

Haïti dans l’imaginaire des autres

La littérature de la diaspora : j’ai découvert des noms d’auteurs, les lieux vers lesquels ils ont immigré : Afrique, Amérique, Europe. J’ai découvert notamment Roger Dorsinville qui situe l’Afrique au centre de l’éthique et de l’esthétique de ces textes.

Son exposé sur René Depestre m’a donné l’envie de découvrir deux de ses recueils de nouvelles.

extrait cours yanick lahens college de france

 

Le 20 Juin prochain, il y aura le colloque. N’hésitez pas à y aller si vous pouvez ou à écouter les rediffusions.

 

GM signature

 

 

 

 

 

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Throwback Thursday Livresque #11 Océan, montagnes ou grand air

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Voici le Throwback Thursday Livresque ! Conçu sur le même principe que le Throwback Thursday d’Instagram mais vraiment concentré sur les livres !

Ce que permet ce rdv ? De ressortir des placards des livres qu’on aime mais dont nous n’avons plus l’occasion de parler, de faire découvrir des livres à vos lecteurs, de se faire plaisir à parler de livres !

Le thème de cette semaine est : Océan, montagnes ou grand air

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J’ai failli passer mon tour mais je me suis souvenue d’un beau livre qui évoquait l’océan Atlantique : Celles qui attendent 

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Résumé 

Arame et Bougna, mères de Lamine et Issa, clandestins partis pour l’Europe, ne comptaient plus leurs printemps ; chacune était la sentinelle vouée et dévouée à la sauvegarde des siens, le pilier qui tenait la demeure sur les galeries creusées par l’absence.

Coumba et Daba, jeunes épouses des deux émigrés, humaient leurs premières roses : assoiffées d’amour, d’avenir et de modernité, elles s’étaient lancées, sans réserve, sur une piste du bonheur devenue peu à peu leur chemin de croix.

La vie n’attend pas les absents : les amours varient, les secrets de famille affleurent, les petites et grandes trahisons alimentent la chronique sociale et déterminent la nature des retrouvailles. Le visage qu’on retrouve n’est pas forcément celui qu’on attendait…

 

Dans ce roman qui a pour thème central l’émigration, les voix de celles qui attendent quelque part en Afrique un homme, un mari, un fils parti à l’aventure pour l’Europe s’expriment. De jeunes sénégalais qui bravent l’Atlantique pour rejoindre l’Espagne, pour sombrer ensuite dans la clandestinité.

 

Le livre est plein d’émotions fortes. Fatou Diome nous décrit avec délicatesse l’attente cruelle, l’attente qui blesse, l’attente qui dévore. Elle décrit le fonctionnement de la communauté sénégalaise, l’illusion de l’eldorado européen, la vanité du paraître, l’amour, les sacrifices perpétuels des femmes. Son écriture est lumineuse, limpide. Les personnages sont vivants, difficiles de les effacer de la mémoire après la lecture. 
 

Issa savoura son effet. Il n’avait pas bien préparé son discours, mais le mot Europe fut son meilleur talisman. La fiancée, subjuguée, acquiesça de tout son coeur. Amoureuse et pleine d’espoir, Coumba ne sentit pas les mains calleuses du pêcheur fauché lui gratter les joues en essuyant ses larmes de joie. Elle se voyait déjà, princesse rayonnante, un soir de couronnement, parée de ses plus beaux atours, accueillant son amoureux, de retour d’Europe et riche à millions.

Les coups de fil s’étaient largement espacés. Les femmes accusèrent le coup. Mais on finit toujours par s’inventer une manière de faire face à l’absence. Au début, on compte les jours puis les semaines, enfin les mois. Advient inévitablement le moment où l’on se résout à admettre que le décompte se fera en années; alors on commence à ne plus compter du tout. Si l’oubli ne guérit pas la plaie, il permet au moins de ne pas la gratter en permanence. N’en déplaise aux voyageurs, ceux qui restent sont obligés de les tuer, symboliquement, pour survivre à l’abandon. Partir c’est mourir au présent de ceux qui demeurent.

 

 

On relate, on discourt, on commente avec tant d’emphase la pénibilité de l’accouchement, qui n’est jamais qu’une douleur éphémère. Mais nul ne songe à prévenir les futures mères de leur carrière de veilleuses de nuit, qui démarre avec les premières tétées nocturnes et dure toute la vie. Enfanter, c’est ajouter une fibre de vigile à notre instinct naturel de survie.

 

Outre leur rôle d’épouse et de mère, elles devaient souvent combler les défaillances du père de famille, remplacer le fils prodigue et incarner toute l’espérance des leurs. De toute façon, c’est toujours à la maman que les enfants réclament à manger. Féminisme ou pas, nourrir reste une astreinte réservée aux femmes. Ainsi, dans certains endroits du globe, là où les hommes ont renoncé à la chasse et gagnent à peine leur vie, la gamelle des petits est souvent remplie de sacrifices maternels.

 

Il n’est pas vrai que les enfants ont besoin de leurs père et mère pour grandir. Ils ont seulement besoin de celui qui est là, de son amour plein et entier.

Ceux qui nous oublient nous assassinent

Et vous, quel livre proposeriez-vous pour ce thème ? 

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La course des ombres, visage au charme fugace

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Les inégalités forgées par les hommes ravagent le monde. Pour cela, tout patauge dans un profond infini. La barbarie, la violence, la souffrance qui minent le monde sont de véritables plaies. Les âmes sont dans une éternelle course. Les maux sont décrits par les mots raffinés. Pour estomper ces ombres qui obscurcissent le monde, les poèmes d’amour viennent pour faire survivre l’espoir dans tous les cœurs abattus. La Course des ombres est donc la succession des péripéties dans nos vies.

Amis lecteurs, laissez-vous plonger dans cet univers où le poète se livre corps et âme à sa passion avec sa plume, son stylo et son charisme hors du commun. L’auteur nous fait entrer dans son univers, avec une élégance raffinée, tout en poésie et de toute beauté !

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Claude Jonel Zingoula m’a gentiment proposé de lire et de donner un avis objectif sur ses 99 poèmes regroupés dans la course des ombres. Je tiens à le remercier pour la confiance et la considération. 

Le poète nous propose un voyage en 4 temps. Il décline l’ombre en 4 moments : l’ombre de l’Homme, l’ombre du monde,  l’ombre de la vie et l’ombre de l’amour. 

A l’ombre de l’homme, le poète chante à nos oreilles la mélodie amère de l’ingratitude, de l’esclavage et de la politique africaine, le refrain de la femme qui trahit. Il rappelle les meurtres du tribalisme, le sacrifice de l’intégration, le doulouerux souvenir d’attentats. Il dénonce le racisme absurde.

 

Le 4 mars 2012, le sang a coulé,
L’horreur a, dans les coeurs, parlé,
Les familles se sont déchirées,
Des cadavres on s’est vu entourer,
Cela ne vous affecte en aucun cas,
Nous payons le prix de chacun de vos pas.
Combien de fois allons-nous pleurer ?
Vous êtes là à vous leurrer,
Nos pleurs semblent à vos oreilles
De tendres cris qui adoucissent vos sommeils.

Dans la rue quand je passe,
Nombreux regardent ma face,
Ma peau, disent : « tu es fort,
Bien portant, tes efforts
Pourront servir pour ta patrie,
Pourquoi, tu préfères rester ici
En France ? Songe à rentrer chez toi,
Car on est mieux chez soi ».
Oui, j’aimerais bien rentrer,
Auprès des miens respirer,
Mais les circonstances
M’obligent de rester en France.
Dans mon pays, on ne vit point,
Mais plutôt, on survit, sans foin,
Une personne qui travaille dur,
Qui à chaque pas est si sûr,
Se retrouve, à la fin du mois,
Avec un salaire qui tue son émoi.

Si tout congolais veut voyager,
C’est parce qu’il vit avec le danger.
Non parce qu’il veut faire du tourisme,
Mais il veut échapper au barbarisme.
Comprenez donc que pour ma part,
Je ne suis pas parmi vous par hasard.

O vent, vent funeste et rude,
Vent rempli de désespoir,
Pourquoi tu t’es sur nous abattu ?
Nous étions assis, heureux, chez nous,
Gais comme la tortue dans sa carapace,
Quand soudain, le vent a soufflé,
Ce vent, telle une vague qui efface
Les moindres empruntes de pas sur le sable,
A effacé en nous le droit de vivre indépendant.
O vent, vent ravageur,
A soufflé dans notre continent
Et a emmené l’Autre.
Il est venu, a découvert les richesses,
S’abreuve à la source et nous laisse
Mourir de soif.
O tristesse, ô bonheur perdu,
O rire qui par le vent a été emporté !
O malheur éternel,
O pauvreté qui s’approfondit
Par l’enrichissement de l’Autre

 

L’ombre de l’homme n’est pas que tristesse, le poète chante également l’ode aux femmes courageuses, aux femmes qu’il aime.

A l’ombre du monde, le Poète réveille notre sensibilité à la nature. Il chante la nature, s’émerveille des édifices. J’ai apprécié ces histoires en vers à l’allure de fable. J’ai pris plaisir à lire la sympathique histoire de l’amitié entre la chenille et la fourmi.

A l’ombre de la vie, le Poète se livre. Il dresse le portrait de son enfance. Nostalgique, il court après son ombre et celle de sa tendre mère…

A l’ombre de l’amour, le Poète accompagné d’une lyre chante la mélodie de l’amour. La poétesse romantique que je suis a apprécié ces vers 

 

C’est quoi l’amour ?
Ce vent qui nous fait vivre,
Cette chandelle dans la nuit,
Cette goutte d’eau qui nous enivre,
Cet abri quand gronde la pluie…
Quelle forme, quelle image,
Quelle définition adéquate
Pouvant conformer tout usage
Peut être à l’amour écarlate ?
L’amour, c’est le chant du coq
Qui retentit pour éveiller l’âme,
Il solidifie comme un roc
Le cœur par une douce flamme.
L’amour, c’est la petite rose
Qui éclot au petit matin
Dans une allée des lys moroses
Et suscite des regards anodins.
L’amour, c’est le couronnement d’un roi,
Le renouvellement d’un empire
Qui réinvente l’espoir et la foi
Et sèche un avenir qui transpire.

J’ai aimé certains poèmes, d’autres m’ont laissée indifférente.

J’aime les poèmes qui s’énoncent clairement et se comprennent aisément mais dans ce recueil, certains poèmes étaient trop simples. Le poème Belles lettres (page 73) en est la parfaite illustration.

Certaines rimes étaient également grossières, d’autres forcées.

Sur ma joue, les larmes,

Alertées par des cris d’alarme,

Ont tracé leur chemin, ô rage !

Afin de passer sans embouteillage.

J’ai été légèrement charmée par ce recueil. Il m’a manqué de l’originalité, de l’émerveillement, de la splendeur.

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Né à Brazzaville, Claude Jonel Zingoula est poète, dramaturge et comédien. Il a fait des études de langues et littérature. L’auteur a toujours été proche de la culture et de l’art.

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La délicatesse du prisonnier – Paul Jalabert

Une accusation trop prompte. Un jugement biaisé. L’enfermement qui gâte autant le corps que l’esprit. Puis, l’évasion.

En une nuit, Gérard s’échappe de sa prison parisienne pour se retrouver dans une contrée d’Amérique Latine qu’il a l’impression d’avoir toujours connue.

Mais bientôt il se retrouve dans une ville immense qui impose son rythme, ses mœurs, ses lois, et notre homme se heurte à la drogue, la pauvreté, la détresse… Pourtant, son instinct du bonheur le guide vers l’innocence, la beauté, la poésie…

Dans une véritable ode à l’évasion, Gérard nous montre la transformation possible des êtres humains, et découvre finalement sa propre métamorphose.

 

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Quand Anaelle  des éditions Publishroom m’a envoyé la liste des livres qui venaient de paraître, la délicatesse du prisonnier a attisé ma curiosité. J’ai eu envie d’en savoir un peu plus sur Gérard et d’assister à sa métamorphose. 

Gérard, l' »Homme-Perroquet » nommé ainsi à cause d’une large tache de naissance cernée de bleu cobalt au niveau de chaque tempe est jugé coupable de l’assassinat du directeur d’une entreprise qui dévaste à grande échelle les territoires aldraves. Dans sa cellule, il écrit. Une manière de tuer le temps. Si l’évasion est d’abord dans l’esprit, elle devient réelle.  
Il débarque à Porto Americo. Il est d’abord impressionné par les épouvantables immeubles puis surpris par les premières habitations de l’immense agglomération.

 

Mais je ne retrouve pa sla cité dressée que j’ai aperçue tout à l’heure : ce sont des enchevêtrements de tôles rouillées, de madriers rongés, de bâches goudronnées peuplés de vieilles édentées et d’enfants remuants et braillards. 

Dans ce quartier de misère, il est accueilli par Maria Sopa, Pedro et Fillette. Gérard, l’amérindien devient le spectateur impuissant de la déforestation, la misère des bidonvilles, des rêves de liberté des ouvriers, des complots et assassinats politiques. 

 

–Tu les crois futiles tous ceux que je fréquente ? C’est donc ça ? Écoute ce qu’il a ensuite déclaré mon orateur favori : “Tant que dans un seul mot pourront contenir la prospérité et son contraire, on ne manquera pas de se chamailler les uns et les autres.” Voyez le mot “compétition” comme il est impitoyable et tranchant. En observant vos visages je lis aussitôt l’inquiétude qu’il suscite, quand ce n’est pas la détresse. Alors qu’ailleurs, dans une autre assemblée, ce mot provoquerait les vivats. C’est un faiseur de discordes entre les hommes, vous dis-je ! Pour les uns, suprêmement armés dès le départ, précisons-le, la compétition procure un réjouissant émoi ! Ah ! bien sûr ceux-là comprennent la concurrence comme un moyen de progresser, se dépasser et vaincre. Mais les autres, moins habiles, moins outillés, moins héritiers en somme, la trouvent déprimante la compétition !
« A-t-on expérimenté sérieusement d’autres voies dans le passé, des voies bien intentionnées pour les individus et les peuples ? Quand on lit entre les lignes de l’histoire, on comprend que quelques tentatives généreuses ont été balbutiées, mais on comprend surtout que les nouveaux meneurs de luttes ont vite lorgné vers la prise de pouvoir, et avec violence si possible ! Et place à une nouvelle caste dirigeante ! Et que les peuples marchent à leur service du même pas obéissant ! Chacun connaît la morne existence qui découla de ces événements de triste mémoire, dont on se méfie encore de nos jours, au point de ne rien tenter de nouveau. Aussi, nous annonçons que le but de notre entreprise consistera à ne plus entendre parler de vainqueur, de chanceux, de résigné ou de honteux. »

 

L’auteur de par son écriture soignée reécrit l’histoire du monde, où l’humanité suspend sa course folle et meurtrière. 

J’ai été séduite par le jet d’écriture de l’auteur. Ses mots sont gracieux, poétiques.

Enfin, mes sentiments se jettent dans une mêlée générale, dans laquelle les tracassés, les maussades prennent le dessus.

Il a concocté de belles surprises pour le lecteur, il lui a réservé une fiction dans la fiction. Le récit n’est pas poignant, la lecture n’est ni bouleversante ni transcendante mais elle offre un délicat moment d’évasion. 

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Editions : Publishroom

Format : numérique et papier 

Nombre de pages : 165

Date de publication : 17 novembre 2016

Achetez le livre à 17,00 € surPublishroom ou la version numérique à 4,99 € surAmazon

 

 

lauteur

Paul Jalabert est né en 1949 à La Palme, petit village de bord de mer dans l’Aude. Adolescent, il rêvait de devenir écrivain, parce que ce qu’il écrivait le faisait vibrer…

Plus tard, il découvre l’univers des sciences physiques qui le passionnent. Après des études à l’université de Toulouse, il enseigne la physique en lycée. Pour autant, l’enchantement que lui donne l’écriture ne l’a pas quitté…

 

GM signature

Publié dans Anémone

Fêtes de fin d’année – BYNF Challenge

Mes copines bloggeuses/youtubeuses noires francophones ont décidé de faire un calendrier de l’Avent pour les fêtes de fin d’année !

Chaque jour, vous aurez droit à un article sur la beauté, la mode, le lifestyle …

https://www.myadvent.net/calendars/?id=c4de064e65c3b435beec3eb7f772e298

J’ai d’abord voulu vous présenter une histoire romantique mais ma Muse a décidé de travailler sur le chapitre 4 d’Anémone. (c’est elle la boss) Vous pourrez lire les chapitres précédents ici

anemone

Anémone – Chapitre 4 

Je suis l’illustration du jour et de la nuit depuis quatre mois, quatre longs mois. Souriante, à l’école maternelle et sombre quand je rentre chez moi.

« La femme sera toujours la matrice et le berceau, mais jamais le tombeau »[1] L’auteur de cette phrase ne m’a pas connue sinon il n’aurait jamais écrit ça.

Pourquoi mon ventre ne veut pas conserver la vie ? Pourquoi de mes entrailles, il ne sort que le néant ? Qu’ai-je fait de mal pour ne pas mériter d’être une mère ?

Ce soir, je ne cuisine que pour lui. Sa table apprêtée, je pars m’étendre sur mon lit, les yeux fixés sur le plafond.

Il est entré et m’a rejoint sur le lit. Il m’oblige à le regarder, je ne peux m’empêcher de penser à ses yeux, ses lèvres dont nos petits auraient hérité. Il est tellement beau mon Lary, sa progéniture doit être assurée. Si je ne suis pas en mesure de le faire, une autre doit le faire.

  • Je comprendrai si tu envisages d’avoir un enfant d’une autre
  • Je t’arrête tout de suite…
  • Ton nom ne doit pas s’éteindre. continué-je. Ta famille ne doit pas remettre en cause ta virilité. Tu ne dois pas te priver du bonheur d’être père parce que ta femme ne peut pas remplir son devoir.
  • Mais ce n’est pas ça qui me rend heureux, Jany ! Ce qui me rend heureux c’est de t’avoir  à mes côtés, savoir que tu m’aimes.
  • Ce n’est pas ce qui te rend heureux ? Arrête  de raconter des mensonges, Lary. Ne me fais pas croire que tu es trop romantique, trop amoureux au point de ne pas vouloir d’enfant. répliqué-je le regard incrédule
  • Ce n’est pas ce que j’ai dit.
  • Oui et ce que tu dis n’est point la réalité. Bref ! Je ne pourrai pas assurer ta descendance, Lary. J’espère que…

Il se dirige vers la salle d’eau, claque la porte. Je fonds en larmes. Il n’y a personne pour porter ma peine.

****

Le temps s’écoule sans la moindre considération à mon égard. Il continue son chemin sans prendre la peine de cicatriser ma blessure de femme, d’effacer mon insatisfaction, ma frustration. Avec Lary, la communication est quasi inexistante, j’ai tellement honte de lui parler après avoir perdu ses enfants. Il souffre de me voir si triste, moi je souffre de ne pas lui donner d’enfant.

A l’école, nous préparons la fête de Noel. J’apprends à mes bouts de chou à faire des décorations pour le sapin de l’école. Ils attendent impatiemment leur cadeau. Je me surprends à attendre moi aussi un cadeau du Père Noel…

****

Le marché d’Adjamé grouille de monde, difficile de se déplacer parmi les étals. Les Abidjanaises préparent ardemment leurs fêtes de fin d’année, le sourire vissé aux lèvres. Victuailles, tissus, chaussures, sacs à main, cadeaux pour enfants, elles tentent de négocier puis capitulent. A Noël, le client n’est plus roi.

Des enfants portent leurs courses en échange de pièces de monnaie. Des enfants qui n’auront pas de cadeau de Noël pour la plupart. Deux d’entre eux m’abordent, ils doivent être frère et sœur. Ils veulent porter mes sacs. Il n’y a presque rien à l’intérieur : une nappe à motifs boule de Noël, des mètres de lin blanc mais je n’ose pas leur dire non. Un marchand de poki passe à côté de moi. Je l’arrête, lui demande de servir l’équivalent de 200 francs à chacun. Je leur offre, ils hésitent. Je leur dis que le père Noel m’a demandé de leur offrir des glaces et de les couvrir de cadeaux aujourd’hui. Ils ne me croient pas. « Le Père Noël n’existe pas » affirme la fille qui semble être l’aînée. « Il ne nous a jamais donné de cadeaux » renchérit le garçon. Je me retiens pour ne pas verser des larmes. Je leur demande leurs prénoms.

  • Naty et Fofié, c’est parce qu’il ne vous a pas oubliés qu’il m’a demandé de venir cette année. Il va vous donner plein de cadeaux. déclaré-je avec un immense sourire

Comme ils ne me croient pas, je leur demande d’entrer dans un magasin de jouets.  Fofié se précipite pour y entrer, est stoppé dans son élan par sa sœur. Ce qu’elle exprime me fend le cœur.

  • Nous, on a plus besoin de manger que d’avoir des cadeaux. Pourquoi, tu pleures, tantie ?
  • Vous êtes les seuls êtres au monde qui ne doivent manquer de rien. réponds-je la voix étranglée Que voulez-vous manger ?
  • Du lait, du riz, du sucre. Maman nous fera la bouillie. répond spontanément Fofié. Et du poulet ! On n’en mange plus depuis la mort de papa. 

Depuis quand ? Ai-je envie de demander mais les yeux embués de larmes de Naty me défendent de parler. Nous entrons dans une supérette. J’y achète les vivres ainsi que quelques biscuits. Nous partons également au Forum acheter un poulet. Ils me racontent leurs journées au marché durant le trajet. Ils me disent qu’ils vont prier pour que Dieu me bénisse. Dans mon cœur, je Lui demande de veiller sur eux ainsi que sur tous ces enfants qui vivent comme eux…

*C’est Noël, n’oublions pas les démunis, les orphelins, les veuves. Nul n’a le droit d’être heureux tout seul….

[1] Citation de Khalil Gibran

signature coeur graceminlibe

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Throwback Thursday Livresque #4 : Livre doudou ou Feel good

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C’est l’heure du Throwback Thursday Livresque !

J’aime bien ce rendez-vous parce qu’il me permet de vous parler des livres que j’ai lus avant la création du blog.

Le thème de cette semaine est : Candy Cane (Sucre d’orge) – Livre doudou ou Feel good 

 

candycane

 

J’ai pensé aux livres qui ont été un délice pour moi, j’ai fait un voyage dans mon passé livresque et regardez ce que je vous ai ramené

 

ONZE MINUTES de PAULO COELHO !

Toute jeune Brésilienne du Nordeste, Maria n’aspire qu’à l’Aventure, au grand amour. Elle travaille comme vendeuse dans un magasin de tissus et s’offre une semaine de vacances à Rio de Janeiro. Sur la plage de Copacabana, un Suisse lui propose de devenir danseuse de cabaret à Genève. Elle voit là le début d’un conte de fées, mais la réalité sera tout autre. Maria en vient à se prostituer – sans honte, puisqu’elle apprend à son âme à ne pas se plaindre de ce que fait son corps, et qu’elle s’interdit de tomber amoureuse. Après tout, la prostitution est un métier comme un autre, avec ses règles, ses horaires et ses jours de repos. Mais le sexe – tout comme l’amour – reste pour elle une énigme. Pour découvrir le sens sacré de la sexualité, Maria devra trouver le chemin de la réconciliation avec elle-même. Paulo Coelho décrit pas à pas l’initiation d’une jeune femme, un parcours qui montre les limites de la prétendue libération sexuelle et s’achève par un retour romantique aux valeurs de cœur et de l’esprit.

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Ma 1ère rencontre avec Paulo Coelho a eu lieu en 2013 via ce livre et ça a été une belle rencontre. 
La vie de Maria, l’héroïne, nous est contée. On découvre une jeune adolescente qui s’interroge sur le sexe, le plaisir ; elle se sert de tous les moyens en sa possession pour le découvrir.

Bien que mon objectif soit de comprendre l’amour, et bien que j’aie souffert par ceux auxquels j’avais livré mon cœur, je constate que ceux qui ont touché mon âme n’ont pas réussi à éveiller mon corps, et que ceux qui ont touché mon corps n’ont pas réussi à atteindre mon âme.

Dans sa quête de l’amour, dans toute son innocence, elle emprunte un  chemin qu’elle n’a pas souhaité, un chemin qu’elle accepte et dont elle veut en tirer le meilleur.

Décision étrange mais on n’ose pas la juger. J’ai été touchée par son parcours, j’ai beaucoup aimé son duo avec Ralf, cet homme désintéressé par le sexe. Leur initiation à l’amour est pure, trop attendrissante ! 

« Tu sais, Maria. Apprends-moi. Peut-être que cela me sauvera, te sauvera, nous fera retrouver la vie. Tu as raison, je n’ai que six ans de plus que toi, et cependant j’ai déjà vécu l’équivalent de plusieurs vies. Nous avons eu des expériences complètement différentes, mais nous sommes tous les deux désespérés. La seule chose qui puisse nous apporter la paix, c’est être ensemble. »

Ralf voulut savoir qui était Maria. « Il y a trois personnes en moi, cela dépend de qui vient me voir. La Petite Fille ingénue, qui regarde l’homme avec admiration et feint d’être impressionnée par ses histoires de pouvoir et de gloire. La Femme fatale, qui attaque d’emblée ceux qui se sentent le moins sûrs d’eux et, agissant ainsi, prend le contrôle de la situation et les met à l’aise puisqu’ils n’ont plus besoin de s’inquiéter de rien. Et enfin, la Mère affectueuse, qui dorlote les hommes avides de conseils et écoute d’un air compréhensif des histoires qui entrent par une oreille et ressortent par l’autre. Laquelle des trois veux-tu connaître ? — Toi. » Maria raconta tout, elle en avait besoin. C’était la première fois qu’elle le faisait depuis qu’elle avait quitté le Brésil. A la fin de son récit, elle se rendit compte que, en dépit de son métier peu conventionnel, elle n’avait pas éprouvé de grandes émotions après la semaine passée à Rio et son premier mois en Suisse. C’était seulement maison, travail, maison, travail.

Le récit est « érotico-philosophique », il tente de répondre au pourquoi et comment de la sexualité. Certaines scènes peuvent déranger la pudeur mais il ne faut pas s’y arrêter. Dans ce roman, Paulo Coelho décrit avec délicatesse la désacralisation du sexe dans notre société et notre impatience, notre incapacité à attendre, il  peint la tristesse et la beauté de la sexualité, nos égarements et nos retrouvailles. 

Elle se rendit dans une librairie qu’elle avait remarquée lors de sa promenade avec Ralf sur le chemin de Saint-Jacques, et elle demanda à consulter des titres sur ce thème. « Il y en a énormément, répondit la libraire. En vérité, on dirait que les gens ne s’intéressent qu’à ça. En plus du rayon spécialisé, dans tous les romans que vous voyez là il existe au moins une scène de sexe. Même si c’est dissimulé derrière de touchantes histoires d’amour ou des traités arides sur le comportement humain, le fait est que les gens ne pensent qu’à ça. »

A force de fréquenter les gens qui viennent ici, j’en arrive à la conclusion que l’on se sert du sexe comme de n’importe quelle autre drogue : pour fuir la réalité, oublier ses difficultés, se détendre. Comme toutes les drogues, c’est une pratique nocive et destructrice. Si quelqu’un veut se droguer, que ce soit au sexe ou à toute autre substance, libre à lui ; les conséquences de ses actes seront plus ou moins heureuses selon les choix qu’il aura faits. Mais, quand il est question d’avancer dans la vie, il y a un fossé entre ce qui est « assez bon » et ce qui est franchement « meilleur ». Contrairement à ce que pensent mes clients, le sexe ne se pratique pas n’importe quand. Il existe en chacun de nous une horloge intérieure et, pour que deux personnes fassent l’amour, il est nécessaire que leurs aiguilles marquent la même heure au même moment. Ça n’arrive pas tous les jours.

Onze Minutes est un livre écrit avec de jolis mots plein d’émotions que vous prendrez plaisir à lire. 

Quelle lecture proposeriez-vous en rapport avec ce thème ?

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