
Poèmes chantés,
Slam
Art oratoire…
Ma première rencontre avec le Collectif « Au Nom du Slam » a eu lieu lors de la journée de l’Ecrivain Africain à l’INSAAC qui rendait hommage au premier auteur ivoirien Bernard B. Dadié.
Quelques-uns des membres du collectif étaient présents, ont déclamé des poèmes et j’ai été percutée de plein fouet par leurs prestations. Ils ont une manière singulière de donner vie aux mots immatériels, de nous communiquer leur envie, leur passion.
Quand ils ont annoncé leur soirée slam en honneur à Bernard Dadié, j’y ai couru. Dans la salle, dansaient allègrement des notes de slam accompagnées d’une douce musique. Ces notes, faisant partie du 1er album du collectif « Au nom du Slam », m’ont donné la chair de poule. Transportée par la musique et les textes, je n’ai pu m’empêcher de sortir 3000 francs CFA de mon portefeuille et d’acheter ledit album.
En quelques lignes, je vous dévoile son contenu.
Piste 1 : «Mon choix » par Philo
Djo*, J’ai fait mon choix
J’aime le slam et je veux vivre
Quoi ! A l’heure-là ?
Djo, slam là demain
Demain ? C’est bien mais demain c’est loin.
….
Vivre de coups de main
Vivre à forcer des mains
Je dois choisir aujourd’hui pour de bon le bon chemin
Un chemin qui me permette de détenir mille comptes
Un chemin qui me permette de vivre une vraie liberté…
Connaître une vie sans acomptes
Mais par-dessus tout vivre à mon propre compte
Philo veut être slameur et en vivre aujourd’hui. «Mon choix» est une gracieuse introduction à l’album.
Piste 2 : «Pasteur Billy Kobra» par Destou Popou
Ah ! Quand un homme utilise la foi des autres pour se remplir les poches, ça donne le prototype de Billy Kobra. J’ai bien aimé le refrain de ce slam. J’ignore en quelle langue il est écrit alors je ne peux vous le transcrire. 🙂
Piste 3 : «Le Bon Dieu n’est pas une femme» par Sergeph
J’écris des livres et pour elle ce n’est rien
Comment pourrait-elle voir un trésor dans ma plume
Si pour elle la vie n’est que marteau et enclume
J’ai rejoué cette piste plusieurs fois parce que je n’arrivais pas à capter l’essence du texte chanté. J’ai fini par comprendre et je vous dis que :
Le Bon Dieu n’est pas une femme
Le Bon Dieu est un poète
Qu’on le veuille ou pas, la poésie nous accompagne, elle porte nos pas…
Piste 4 : «Pensées» par Roi Fort Malick
Pour marier une personne, il faut la connaître
Pour connaître une personne, il faut la marier
Quand les larmes coulent c’est que l’amour est vrai
Mais si l’amour est vrai pourquoi les larmes coulent ?
Chacun veut être meilleur sans faire d’erreur
Pourtant c’est en corrigeant ses erreurs qu’on devient meilleur
Roi Fort Malick questionne son environnement. Il fait tout au long du texte ce jeu des duos de phrase où l’une remet en question la véracité de l’autre.
Piste 5 : «Victoire» par Noucyboss
Songer à être l’acheveur et non l’achevé….
Noucyboss veut la liberté, dénoncer les coups louches. Il veut la victoire de la lumière sur les ténèbres.
Piste 6 : « Mon vié Môgô » par Kapegik
Sa vie est une aventure
Chaque jour est un épisode
Ses deux mains et sa sueur
Voici ses seuls diplômes
Sa vie n’est pas douce comme une mélodie de rumba
Donc comme il se gère comme il peut
En nouchi (argot ivoirien), Kapegik parle d’un homme déterminé et brave qui fait ce qu’il peut avec ce qu’il a pour assurer son quotidien.
Piste 7 : «Il est comme ça» par Lyne
La voix de Lyne séduit, renverse ; c’est un vrai délice. Sur un smooth jazz, Lyne raconte l’histoire de ce mec dont toute femme rêverait seulement si elle est allergique au bonheur.
Piste 8 : «Seul tu resteras» Bee Joe
Quand les temps seront roses
Tu connaîtras beaucoup d’amis
Mais quand les temps deviendront moroses
Pause… Observe et tu verras
Au moindre coup de pétard
Seul tu resteras
Pire comme ce sans-abri que nos regards tuent sur un boulevard
Tu ne crois pas, tu verras
Un très beau texte qui évoque l’ingratitude. Les notes jouées au piano ont été bien choisies. Elles accompagnent parfaitement le texte.
Piste 9 : «Adam & Eve » par Amee
La femme n’est pas le sexe faible, Amee le proclame haut et fort. Ce texte est riche. Je vous donne l’info du siècle si je vous dis que j’ai aimé ce texte pour l’élévation de la femme qu’il chante ?
Adam, si tu étais le plus fort
Le tout-puissant n’aurait pas jugé opportun de t’envoyer du renfort.
Adam, si la force n’appartenait qu’aux hommes
Tu n’aurais certainement pas eu la faiblesse de manger cette pomme
Piste 10 : «Gbangban** est trop» par L’Etudiant
On a confié notre sort à DIEU
Parce que nos dirigeants ont mal aux yeux
On est fatigué de crier, personne ne nous entend
Nos dirigeants ont plastifié leurs tympans
Le chômage continue de grimper dans les sondages
Est-ce que vous pouvez contre sa popularité ?
En nouchi (argot ivoirien), l’Etudiant dénonce la piètre condition dans laquelle les étudiants vivent. Ils sont riches de leurs soucis…
Piste 11 : «Au nom du Slam » – Le collectif
Parce qu’on vit encore dans l’anonymat
Certains esprits nous prennent de haut
Parce que eux, ils veulent ce qui marche
Nous, on a décidé de faire marcher ce qu’on veut
L’apothéose de l’album, chaque artiste chante son amour du slam. Un véritable coup de cœur pour moi, l’amoureuse de la poésie, ce genre oublié, délaissé…
Ces talentueux slameurs m’ont enchantée. Ils ont fait chanter mon cœur, ils ont fait danser mon cerveau. J’espère que vous ne passerez pas à côté de ce joli coffret d’esprits qui ont souscrit à l’espérance.
Quand l’écouter ? Lors des embouteillages, dans une file d’attente interminable, au réveil, avant la sieste, au coucher.
Ah oui, j’ai failli oublier de souligner un petit bémol à l’album :
Il
Est
Trop
Court 🙂
*Djo : mec en nouchi (argot ivoirien)
**Gbangban : problème, conflit en nouchi (argot ivoirien)
Voulez-vous écouter un extrait de l’album ?