Publié dans Arrêt sur une oeuvre

J’ai lu Beloved de Toni Morrison

Vers 1870, aux États-Unis, près de Cincinnati dans l’Ohio, le petit bourg de Bluestone Road, dresse ses fébriles demeures. L’histoire des lieux se lie au fleuve qui marquait jadis pour les esclaves en fuite la frontière où commençait la liberté. Dans l’une des maisons, quelques phénomènes étranges bouleversent la tranquillité locale : les meublent volent et les miroirs se brisent, tandis que des biscuits secs écrasés s’alignent contre une porte, des gâteaux sortent du four avec l’empreinte inquiétante d’une petite main de bébé. Sethe, la maîtresse de maison est une ancienne esclave. Dix-huit ans auparavant, dans un acte de violence et d’amour maternel, elle a égorgé son enfant pour lui épargner d’être asservi. Depuis, Sethe et ses autres enfants n’ont jamais cessé d’être hantés par la petite fille. L’arrivée d’une inconnue, Beloved, va donner à cette mère hors-la-loi, rongée par le spectre d’un infanticide tragique, l’occasion d’exorciser son passé.

 

l'Afrique écrit

Le récit narré d’un point de vue interne semble débuter en 1873. On découvre le 124_ la maison de Baby Suggs et ce qu’il reste de sa descendance_ hanté par le bébé que Sethe a tué pour lui éviter l’horreur de la vie d’esclave.

L’histoire est inspirée de celle de Margaret Garner.

Le passé de Baby Suggs, Sethe et Paul D. se mêle à leur présent et m’a parfois déroutée ne sachant pas à quelle époque situer les événements.

Ce que représente Beloved m’a également déroutée. Elle ne dit pas ouvertement d’où elle vient. Elle ne donne que son nom, celui qui a été gravé sur la stèle du bébé assassiné. Est-elle réellement une incarnation de la petite fille morte ? J’ai cherché une réponse tout au long de ma lecture. L’exercice étant complexe, je me suis concentrée sur sa relation avec Sethe et Denver mêlée de joie et de souffrance.

Denver a toujours recherché une présence, quelqu’un à aimer. Elle le trouve en Beloved. Je ne l’appréciais pas au début en raison des réticences qu’elle avait à l’égard de Paul D. mais au fur et à mesure de ma lecture, j’ai découvert une jeune fille raisonnable,  courageuse, attachée à sa mère.

A travers les bribes de souvenirs de Baby Suggs, Sethe et Paul D, Toni Morrison évoque avec puissance et maestria l’horreur de l’esclavage.

Des hommes qu’on élève comme des bêtes, des hommes à qui on retire toute identité, tout lien parental, filial, affectif.

Si triste que cela soit de ne pas savoir où ses enfants étaient enterrés, ni de quoi ils avaient l’air s’ils étaient vivants,

Via un langage imagé, Toni Morrison nous fait vivre la grande douleur des mères privées de leurs enfants. Elle nous fait entendre le cri de souffrance des familles séparées à jamais. On ressent les marques de fouet qui forment des arbres sur le dos. On constate le traumatisme, la méfiance dérivés de l’esclavage.

Peut-on espérer quelque chose de bon venant de l’homme blanc ?

 

Je n’ai lu que 3 œuvres de notre regrettée Toni (Délivrances et Tar Baby). Beloved est celle qui restera dans ma mémoire. Cette oeuvre mérite son prix et tout le bien qu’on en dit. C’est un roman à lire et à faire lire. 

Avant et depuis, tous ses efforts avaient été consacrés non pas à éviter la souffrance, mais à la traverser le plus vite possible.

La population de couleur de Cincinnati avait deux cimetières et six églises, mais comme aucune école ou hôpital n’était obligé de les accueillir, ils apprenaient et mouraient à la maison.

 

Quoi que Sethe ait fait, Ella n’aimait pas l’idée que les erreurs passées puissent prendre possession du présent.

 

C’est bon, tu sais, d’avoir une femme qui est l’amie de ton esprit

 

Avez-vous déjà lu l’une des œuvres de Toni Morrison ? Laquelle avez-vous préféré ?

 

GM signature

 

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Lecture commune de Underground Railroad – Prix Pulitzer 2017

J’ai repéré ce livre grâce à l’émission la Grande librairie. Je l’avais inscrit dans ma liste de livres à lire cette année et Ève, une fidèle abonnée sur Facebook et à ma box littéraire, m’a proposé une lecture commune.

Nous avons débuté la lecture le 5 Mai, Eve l’a lu en moins de 3 jours. Il m’a fallu une semaine pour le lire, faute de temps.

 

DE QUOI PARLE LE TEXTE ?

 

Underground Railroad est une fiction historique. Récit très utile pour moi puisque j’ignorais l’existence du chemin de fer clandestin.

Cora est le personnage principal. Jeune esclave de 16 ans, née dans une plantation de coton de Géorgie. Un jour, Caesar, esclave arrivé à la plantation il y a un an et demi lui dit qu’il va s’échapper via l’Underground Railroad et qu’il aimerait qu’elle vienne avec lui. 

C’était la grand-mère de Cora qui parlait à travers elle, ce dimanche soir où Caesar mentionna le chemin de fer clandestin, l’Underground Railroad, et où elle dit non. 

« J’ai pas l’intention de me faire tuer par Connelly, ni par la patrouille, ni par les serpents. » Cora plissait encore les yeux d’incrédulité face à la bêtise de Caesar quand elle reçut son premier bol de soupe. Le Blanc passe ses journées à essayer de vous tuer lentement, et parfois de vous tuer plus vite. Pourquoi lui faciliter la tâche ? Voilà au moins une chose à laquelle on pouvait dire non.

 

Trois semaines plus tard, elle dit oui. C’était la voix de sa mère, Mabel, qui parlait à travers elle. Mabel s’était échappée, il y a environ 6 ans de la plantation, laissant sa fille toute seule. On ne l’avait jamais retrouvée. 

Cora va quitter la Géorgie à bord du chemin de fer clandestin, mis en place par des blancs. On découvre alors toute la terminologie de ce chemin de fer :

  • les gens qui aidaient les esclaves à trouver le chemin de fer étaient les « agents » 
  • les guides étaient les « chefs de train »
  • les lieux secrets étaient les « stations » 
  • les « chefs de gare » cachaient les esclaves chez eux

 

Arrivée en Caroline du Sud, elle découvre une ville où des noirs et des blancs cohabitent. Elle s’y sent bien, n’a pas envie de continuer son chemin vers la liberté mais la désillusion va frapper à sa porte. 

S’ils avaient été raisonnables et avaient poursuivi leur voyage, Caesar et elle seraient déjà dans les États libres. Comment avaient-ils pu croire que deux misérables esclaves étaient dignes de la générosité de la Caroline du Sud ? Qu’une nouvelle vie existait si près, juste derrière les limites de la Géorgie ? Ça restait le Sud, et le diable avait de longs doigts agiles. Et puis, après tout ce que le monde leur avait enseigné, comment ne pas reconnaître des chaînes quand on les leur fixait aux poignets et aux chevilles… Celles de Caroline du Sud étaient de facture nouvelle – avec des clefs et des cadenas typiques de la région – mais elles n’en remplissaient pas moins leur fonction de chaînes. Ils n’étaient pas allés bien loin.

 

Elle dormit très mal. Sur les quatre-vingts couchettes, les femmes ronflaient et s’agitaient sous les draps. Elles s’étaient mises au lit en se croyant libres, hors d’atteinte des Blancs, de leur contrôle et de leurs injonctions concernant ce qu’elles devaient faire et être. Convaincues qu’elles maîtrisaient le cours de leur vie. Mais ces femmes demeuraient un troupeau domestiqué. Non plus une pure marchandise comme naguère, mais du bétail : élevé et stérilisé. Parqué à l’intérieur de dortoirs comme dans un clapier ou des cages à poules.

 

C’est comme ça qu’agissent les tribus européennes, disait-elle. Ce qu’elles ne peuvent pas contrôler, elles le détruisent.

 

Son maître Randall a donné l’alerte. Cora est une fugitive et est activement recherchée par le chasseur d’esclaves Ridgeway. Ce dernier n’ayant pu retrouver la mère, retrouver la fille devient son ultime but.

La peur s’installe. Les prières commencent, on a peur qu’il la retrouve. Quand cela arrive, la peur devient effroi. Quel sort son propriétaire va-t-il lui réserver ?

On suit attentivement chacune des péripéties. On gémit de douleur en lisant les avis de recherche des fugitifs, le sort qui leur est réservé ainsi qu’aux blancs qui les cachent.

J’ai eu une immense peine pour Homer, ce jeune garçon attaché à Ridgeway. C’est son homme de main. Il l’accompagne partout dans ses sales besognes. Il est admiratif de son maître, comme s’il était son créateur. A travers lui, on se se rend bien compte de l’impact psychologique de l’esclavage.

A plusieurs reprises dans le récit, les blancs qualifient de bêtes les Noirs oubliant que ce sont eux qui les ont abrutis pour pouvoir mieux  les manipuler.

 

Colson Whitehead nous montre le visage de l’Amérique d’autrefois, un visage qui n’a pas perdu ses marques…

 

Sur la forme, le livre se lit plutôt aisément, il y a quelques longueurs mais elles ne sont pas gênantes.

Underground Railroad est un roman nécessaire. Pour l’acheter, cliquez ICI

 

Ève a adoré. C’est un coup de cœur et le roman lui a donné envie de lire d’autres livres sur l’esclavage. J’ai également d’autres livres dans ma PAL sur l’esclavage mais je lirai d’autres livres avant eux. J’ai besoin de souffler. 

 

Connaissiez-vous le chemin de fer clandestin ? Avez-vous lu d’autres œuvres de Colson Whitehead ? 

 

GM signature