Publié dans Arrêt sur une oeuvre

En souvenir du passé ou le privilège d’être parent

Sept ans plus tôt, alors qu’elle traversait une crise douloureuse, Deanna s’était liée avec Stacy, une jeune femme aussi perturbée qu’elle l’était à cette époque. Puis elle l’avait perdue de vue.
Ambitieuse et déterminée, Deanna a fait son chemin, en dépit des obstacles que peut rencontrer une jeune Noire. Documentaliste en chef d’une station de télévision new-yorkaise, elle entretient une liaison agréable avec Richard, sans se soucier des reproches de sa mère qui voit d’un mauvais œil les couples mixtes. Peu importe ! Cette situation convient parfaitement à Deanna, qui n’a jamais voulu avoir d’enfants.
C’est alors que Stacy réapparaît inopinément dans sa vie, lorsqu’un policier lui téléphone pour lui demander d’aller identifier le corps de son amie à la morgue. Effarée, Deanna apprend que Stacy l’a nommée tutrice de Jade, sa fille, une petite métisse de six ans…

 

l'Afrique écrit

Deanna m’a fait penser à Kenya dans Something New. C’est une Buppie : femme noire trentenaire, diplômée, urbaine et carriériste, toujours élégante et soucieuse de son apparence.

Deanna ne veut pas d’enfant, elle a d’ailleurs refusé d’être mère il y a sept ans mais Stacy en a décidé autrement. Elle lui offre l’occasion de découvrir à quoi cela ressemble d’être mère. Deanna accepte de relever le défi, découvre les joies et les peines d’être parent.

Grâce à elle, Deanna avait compris qu’être parent n’était pas seulement une responsabilité mais un privilège.

 

Jade est métisse et à travers elle, l’auteure pose les challenges des métis, ceux qui possèdent une double culture, à qui l’on demande toujours de choisir un camp

 

Le roman est axé sur les relations parent-enfant, la responsabilité parentale, les interrogations mêlées de doute et de peur des personnages. Le lecteur se sent concerné par ces interrogations.

Avoir des enfants ne fait plus partie de mes projets mais j’aime leur compagnie. Je suis une tata gaga et être entouré d’enfants c’est le meilleur cadeau qu’un humain puisse avoir. Ils sont éreintants mais le bonheur qu’ils donnent est inquantifiable ! 

 

 

Deanna est en couple avec un homme blanc et on se rend bien compte à travers les avis de sa mère que la mixité des couples n’est pas si évidente que ça. 

La relation qu’entretient Deanna avec Richard est confortable mais elle n’est pas amoureuse. Ce sentiment qui fait chavirer, elle va le connaître avec un autre homme. S’ils ont la même couleur de peau, leurs statuts sociaux sont différents. Il se sent inférieur à elle et cela se ressent dans les prémices de leur relation.

 

– Tu as raison. Je suis un peu snob. Je suis sélective quant au choix de mes partenaires. Mais j’en vaux la peine. Et je t’ai choisi parce que tu en vaux la peine. Nous nous sommes choisis, Patterson. Nos histoires respectives n’ont rien à voir là-dedans. Tu n’as pas pris plus de risques que je n’en ai pris. Je continue à penser, que ça en vaut la peine. 

 

Leur histoire d’amour est  ordinaire (mis à part le lieu de rencontre qui était très original pour le coup), finit comme on s’y attend mais ce qui est intéressant dans cette rencontre c’est le passé des deux protagonistes, la manière dont petit à petit ils commencent à compter l’un sur l’autre. 

 

L’auteure a réussi à nous faire voir au-delà de la romance. Deanna n’a pas qu’un enfant à gérer ou un amant, elle a des challenges au bureau auxquels elle doit faire face. 

J’ai apprécié ma lecture tant sur le fond que sur la forme. Les descriptions sont abouties, la traduction est réussie.  

 

Tapons un peu la causette. Avez-vous déjà été en couple avec une personne d’une autre race ? Quels ont été vos défis ?

 

signature coeur graceminlibe

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Entre Chiens et Loups – Tome I ou la suprématie du Noir

Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s’affrontent à coups de lois racistes et de bombes. C’est un monde où Callum et Sephy n’ont pas le droit de s’aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d’un rebelle clandestin.

l'Afrique écrit

J’ai terminé deux romans avant Entre chiens et Loups et je me sentais lasse d’écrire les chroniques. Malade, j’ai décidé de les remettre à plus tard et de stopper mon activité sur le blog.

J’ai lu Entre Chiens et Loups durant ma convalescence et aussitôt terminé, j’ai eu envie d’écrire les émotions ressenties lors de ma lecture.

Cette lecture restera longtemps dans ma mémoire et je vous dis pourquoi.

Et si le monde tournait à l’envers ? Et si le monde n’était pas dominé par les Etats-Unis, l’Europe mais par l’Afrique, les Noirs ? Et si les dominants devenaient les dominés ?

Et si les immigrants devenaient ceux qui refusaient l’asile ? Je me suis posée ces questions à chaque fois que l’Afrique tendait la main pour une quelconque aide humanitaire, à chaque fois que la belle France s’ingérait dans notre politique oubliant que l’Afrique n’est plus une colonie, à chaque fois que le hashtag #Blacklivesmatter apparaît sur Twitter.

J’ai rêvé d’un monde où les blancs subiraient tout ce que les noirs ont subi pendant des siècles et expérimenteraient ce qu’on appelle le racisme vu qu’ils pensent souvent qu’on exagère. J’ai rêvé d’un monde où ils pourraient enfin marcher dans nos chaussures. Malorie Blackman m’a dessiné ce monde dans cette dystopie.

Dans cet univers, les Primas (les noirs) sont les chefs, la race élue, les Nihils (blancs) sont le néant, la race inférieure.

Les blancs sont méprisés. Leur sont réservés les jobs de bas niveau (femmes de ménage, chauffeurs) Ils n’ont aucun droit, sont suspectés d’être des voleurs à chaque fois qu’ils passent dans les magasins. J’avoue, j’ai souri. Les Noirs ont un instant de répit, dans ce livre, le mal ne les poursuit pas….

Etant noire, j’aime que le mauvais rôle soit enfin attribué à une autre race mais face à tant d’injustices subies par les Nihils, je m’arrête. Je dépasse le stade de race, je redeviens humaine et je me dis qu’aucun Homme peu importe sa race ne doit subir autant d’humiliation, être privé des choses élémentaires comme l’accès à une bonne éducation, la dignité, la confiance. Tous les hommes doivent être égaux peu importe leur couleur de peau.

J’ai éprouvé beaucoup de peine pour Callum, ce Nihil qui ne demandait qu’une meilleure vie et le respect de ses droits humains, j’ai eu de la peine pour sa mère privée de sa famille, j’ai eu de la peine pour Jude, le fils rebelle qui en avait assez de tous les mauvais traitements des Primas et qui à sa manière a tenté de renverser l’ordre établi par la société. 

J’ai éprouvé de la haine pour le père de Sephy, cet homme qui abuse de son pouvoir.

J’ai été attendrie par l’amitié entre Sephy et Callum, émue par leur amour interdit par leur société.

Ce roman est bouleversant, j’ai eu la larme à l’œil à la fin. J’ai eu tellement de mal pour Callum. L’auteure a traduit fidèlement sa détresse comme tous les sentiments présents dans le roman.

De plus, la lecture est très rapide. Je vous la recommande avec une vive énergie.

des-details-sur-loeuvre

Version originale : anglaise
Titre : Noughts & Crosses
Éditeur : Doubleday
Date de parution : 2001

Version française
Éditeur : Milan
Existe en format numérique et papier

L’origine de l’histoire racontée par Malorie Blackman

J’avais eu l’idée d’écrire une histoire sur l’esclavage pendant un certain temps, mais la réaction de mes amis était pour le moins tiède.
« L’esclavage est dans le passé », « Pourquoi voulez-vous ressasser quelque chose de si douloureux? », « Pourquoi les noirs parlent-ils toujours de l’esclavage? »

Presque tout le monde à qui j’ai parlé à ce sujet était du point de vue «Passons à autre chose.» Mais je voulais écrire une histoire sur l’héritage de l’esclavage. Je crois vraiment que le sujet de l’esclavage est terriblement important – surtout de nos jours. Je pense que cela donne un contexte à la pensée et aux attitudes occidentales modernes concernant d’autres races et cultures.

Mais les commentaires que j’ai reçus ont semé la graine de l’idée de morpion dans mon esprit. Il m’est venu à l’esprit que l’histoire que j’avais en tête serait plus difficile à écrire et, je l’espère, à lire si je jouais avec les perceptions que les gens avaient de la société présentée dans l’histoire. Je voulais transformer la société telle que nous la connaissons en tête dans mon histoire, avec de nouveaux noms pour les grandes divisions de la société, c’est-à-dire Noughts (la sous-classe) et Crosses (la majorité, la société dominante). La race et le racisme sont des problèmes émotionnels que la plupart des gens détestent aborder mais je pense qu’ils devraient, aussi douloureux soient-ils. Je voulais que la société de mon livre soit vue de deux points de vue différents (Callum et Sephy) pour montrer comment nos perspectives colorent notre pensée. L’adage, «vous ne pouvez pas vraiment connaître quelqu’un jusqu’à ce que vous ayez marché dans leurs chaussures», est comme tous les clichés la plupart du temps vrai. Je pense que c’était l’idée que j’avais en tête quand je me suis mis à écrire Noughts and Crosses. Je pense que c’est Nietzsche qui a dit: « Il n’y a pas de vérité, seulement des perspectives. » Et plus vous avez de perspectives, plus vous vous rapprochez de la vérité.

Pour en savoir plus sur cette interview de l’auteure en anglais, cliquez ICI

 

GM signature

 

 

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Throwback Thursday Livresque #7 – Années 90, année rebelle

Print

Le Throwback Thursday Livresque est un rendez-vous livresque initié par BettieRose Books.

Le but est de parler d’une « ancienne » lecture (pas la toute dernière ou l’actuelle) autour d’un thème qu’elle aura au préalable défini.

Le thème de cette semaine est : années 80 ou années 90 (date d’écriture ou date de l’action)

backto8090

Très contente que Betty ait validé mon thème !!!

 

J’ai décidé de vous présenter un roman écrit en 1998 dont je suis fière d’avoir un exemplaire

 

Résultat de recherche d'images pour "rebelle fatou keita"

 

Résumé 

Enlevée par les frères du vieux Sando à qui on l’avait mariée de force il y a vingt ans, Malimouna avait fui son mari. Aujourd’hui, bien qu’adulte et mariée par amour à Karim, la tradition l’oblige à rejoindre son véritable époux de gré ou de force dans son village de Boritouni. Cet événement permet à Malimouna de regarder dans le rétroviseur pour faire la rétrospective de sa vie. Une existence de femme rebelle. Rebelle contre l’excision, le mariage forcé, la polygamie, l’infidélité conjugale, le racisme qui minent les mariages interraciaux, la violence sur les femmes. Tous ces maux qui entravent l’épanouissement des femmes.

Le pays d’où vient Malimouna est imaginaire. C’est quelque part en Afrique. 

Rebelle est un livre courageux, un roman féministe qui porte haut la voix des femmes. Là où les femmes se taisent, Fatou Keita à travers Malimouna crie à gorge déployée pour dénoncer les maux de femmes. Ceux qu’on excuse…  Rebelle est un roman qui dénonce les traditions qui font du mal à la femme.

Le parcours initiatique de Malimouna rappelle tous les combats de la femme : la lutte contre les discriminations, les idées reçues et les violences perpétrées contre des millions de femmes corvéables ; la lutte pour l’égalité, la liberté, l’indépendance, la justice, l’accès à l’instruction.

J’ai admiré la force de Malimouna qui n’hésite pas à dire non. Elle prend des coups, les rend autant que possible avec diplomatie. J’ai beaucoup aimé sa relation avec Philippe, à l’époque, j’étais une grande fan des couples mixtes 😀

Les nombreuses thématiques développées font de Rebelle, un roman complet. Ce roman est révoltant, touchant, plein de sensibilité. On n’en sort pas indemne de cette histoire. 

Et vous, quel livre proposeriez-vous pour ce thème ? 

signature coeur graceminlibe

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Coup de cœur pour la saison de l’ombre ?

« Si leurs fils ne sont jamais retrouvés, si le ngambi ne révèle pas ce qui leur est arrivé, on ne racontera pas le chagrin de ces mères. La communauté oubliera les dix jeunes initiés, les deux hommes d’âge mûr, évaporés dans l’air au cours du grand incendie. Du feu lui-même, on ne dira plus rien. Qui goûte le souvenir des défaites ? »

Nous sommes en Afrique sub-saharienne, quelque part à l’intérieur des terres, dans le clan Mulungo. Les fils aînés ont disparu, leurs mères sont regroupées à l’écart. Quel malheur vient de s’abattre sur le village ? Où sont les garçons ? Au cours d’une quête initiatique et périlleuse, les émissaires du clan, le chef Mukano, et trois mères courageuses, vont comprendre que leurs voisins, les Bwele, les ont capturés et vendus aux étrangers venus du Nord par les eaux.

Dans ce roman puissant, Léonora Miano revient sur la traite négrière pour faire entendre la voix de celles et ceux à qui elle a volé un être cher. L’histoire de l’Afrique sub-saharienne s’y drape dans une prose magnifique et mystérieuse, imprégnée du mysticisme, de croyances, et de « l’obligation d’inventer pour survivre. »

Résultat de recherche d'images pour "la saison de l'ombre terres solidaires"

Certains romans nous imposent le silence, forcent notre respect, nous ordonnent la concentration. La saison de l’ombre fait partie de ceux-là. 

Ce roman historique impose le silence et la concentration tant par sa forme que par son fond. Sa beauté saisissante fige les esprits, les conduit là où elle veut bien les mener.

Cette oeuvre complexe, puissante et émouvante nous porte au seuil d’un village de l’Afrique noire, au cœur du clan Mulungo, au crépuscule de la traite négrière.

Dans ce décor planté aux confins d’une brousse, on vit la disparition de fils, la douleur des mères, l’incompréhension des chefs de famille, la confusion des responsables de la communauté.

Qui a causé cet incendie ? Qui a enlevé les 10 jeunes et les hommes d’âge mur ? Pourquoi ? Où les ont-ils menés ? Reviendront-ils ? Sont-ils en vie ?

Les interrogations sont lourdes, les peurs s’amplifient, l’écho silencieux des réponses est affreux. 

On vit l’histoire via le lien mère-fils. Quel amour terrestre est plus grand que celui d’une mère ? Quelle douleur est plus grande que celle de se voir arracher un fils ? Quel lien est plus fort que celui d’une mère et son enfant ?  Ce lien fort, rompu porte la tristesse à son paroxysme, donne du souffle à l’histoire. 

On est frappé par sa détermination d’Eyabe dans sa quête de retrouver les fils qui manquent à la communauté. 

Eyabe ne se pose pas la question de la direction à suivre. Quelque chose la pousse, la conduit. L’amour des mères pour leurs fils n’a que faire des astres pour trouver son chemin. Il est lui-même l’étoile. 

Depuis qu’elle s’est mise en route pour trouver le pays de l’eau, elle considère cette dernière comme une puissance hostile, une force néfaste qui lui a ravi son premier-né. L’enfant dont la venue au monde a consacré sa féminité aux yeux du clan. Celui grâce auquel il lui a été donné de se découvrir, de se connaître elle-même telle qu’elle ne s’était jamais envisagée. Inventive : combien de mélodies lui sont venues lorsqu’il fallait le bercer ? Savante : elle avait la réponse à ses questions, pas toujours, mais souvent. Douce : oui, elle dont l’adolescence s’était passée à rivaliser au tir à la fronde avec ses frères. 

On est ému par la douleur des mères qui jamais ne reverront leurs enfants, choqué par l’esprit de clan égoïste qui règne chez les Bwele et la cruauté des Isedu. « La vie humaine ne leur est pas une chose sacrée. » 

Des écrits ont raconté l’expérience douloureuse de ceux qui ont été esclaves, forcés à quitter leur terre, oublier leur identité, être d’autres hommes. 

La saison de l’ombre a le mérite de raconter l’expérience douloureuse de ceux qui sont restés, ceux qui ont été forcés à vivre avec l’absence, devenir des êtres amputés de leur mémoire.

En 287 pages, l’auteur nous décrit le déclin du peuple Mulungo, le péril d’une communauté: la disparition de ses us et coutumes, ses traditions, son mystère, sa philosophie, sa langue, ses richesses, ses croyances.

L’auteur évoque également un peuple neuf, la cendre de plusieurs peuples éteints :

Ses pas l’ont conduite en ce lieu appelé Bebayedi, un espace abritant un peuple neuf, un lieu dont le nom évoque à la fois la déchirure et le commencement. Ceux qui sont ici ont des ancêtres multiples, des langues différentes. Pourtant, ils ne font qu’un. Ils ont fui la fureur, le fracas. Ils ont jailli du chaos, refusé de se laisser entraîner dans une existence dont ils ne maîtrisaient pas le sens, happer par une mort dont ils ne connaissaient ni les modalités, ni la finalité. Ce faisant, et sans en avoir précisément conçu le dessein, ils ont fait advenir un monde. Prenant le statut d’ancêtres, ils légueront une langue faite de plusieurs autres, des cultes forgés dans la fusion des croyances. 

 

Elle raconte avec une plume sophistiquée ce qui a été et ne sera plus, ce qu’on a définitivement perdu ; le pan d’un passé qu’on tait parce qu’on l’ignore et auquel on ne prête guère attention. Elle raconte ce qu’on fait perdre aux autres en cherchant à posséder sans mesure. 

J’ai été saisie par la lecture de cette oeuvre qui porte l’Afrique et ses mystères,  j’ai adoré la plume de l’auteur. Elle me donne l’envie de me surpasser pour améliorer mon style d’écriture. 

La nuit tombe d’un coup, comme un fruit trop mûr. Elle s’écrase sur le marais, la rivière, les cases sur pilotis? La nuit a une texture : celle de la pulpe du kasimangolo, dont on ne peut savourer toute la douceur sucrée qu’en suçant prudemment les piquants du noyau. La nuit a une odeur : elle sent la peau de ceux qui sont ensemble par la force des choses. La nuit sent les souvenirs que le jour éloigne… La nuit charrie les réminiscences du dernier jour de la vie d’avant…

Il m’a manqué quelques éléments pour ne pas l’inscrire à la liste de mes coups de cœur notamment les noms qui ne sont pas évidents à retenir car certains se ressemblent tant que l’on finit à ne plus savoir qui est qui et les longueurs. La lectrice impatiente que je suis aurait aimé que le chemin qui mène à la découverte des fils perdus soit moins long. 

Léonora Miano est un auteur que je vais maintenant suivre de très près. Avez-vous lu l’une de ses œuvres ? Laquelle me conseillez-vous ?

Des phrases à ne pas oublier

Tout ce qui vit abrite un esprit. Tout ce qui vit manifeste la divinité. 

Ce qui existe naturellement ne devient bon ou mauvais qu’au contact d’une volonté. 

C’est d’être nommé qui fait exister ce qui vit. 

L’auteur 

Née à Douala (Cameroun)  en 1973, Léonora Miano vit en France depuis 1991. L’intérieur de la Nuit, son premier roman, est paru en 2005. Une dizaine d’autres ont suivi depuis lors, recevant de nombreuses distinctions littéraires. Son écriture s’attache aux expériences subsahariennes et afrodescendantes, les inscrivant dans la conscience du monde. La Saison de l’Ombre a reçu le prix Femina 2013. 

La publication de l’oeuvre 

Editée par Grasset en 2013

Intégrée à La Collection « Terres solidaires » au 4e trimestre 2015. La Saison de l’Ombre, 10e titre de la collection « Terres solidaires » a été choisi par un comité de lecture panafricain composé de professionnels du livre, d’auteurs et de journalistes, à partir d’une sélection réalisée par Nathalie Carré. La collection « Terres solidaires » créée en 2007, repose sur un principe de « restitution » au Sud de textes littéraires écrits par des auteurs africains, publiés initialement au Nord. Par le biais de la coédition solidaire et avec la collaboration d’éditeurs français , des éditeurs en Afrique publient à des prix les plus accessibles possible pour le lectorat, des textes majeurs d’auteurs africains. 

Mon défi PKJ

La lecture de la saison de l’Ombre m’a permis de valider 7 challenges du défi Pocket Jeunesse:

1_ Lire un auteur qui a une double nationalité : Léonora Miano est camerounaise et française

10_ Lire un livre qui a un nombre de chapitres impair : La saison de l’ombre en a 5

16 _ Lire un roman avec un méchant vraiment très méchant : la princesse Njole

18 _ Penser très rapidement dans sa lecture qu’il va s’agir d’un coup de cœur

21_ Lire un livre qui vous a émue

23_ Lire un livre avec de l’herbe représentée sur la couverture 

25_Lire un livre qui met en scène des meilleures amies.

 

fleur v1

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Symphonies de l’enfer

En observateur attentif et avisé du spectacle du monde, Camara Nangala, dans les quatre nouvelles, met en exergue son art consommé de la narration, son sens de l’humour et son goût pour la beauté du langage. Chaque nouvelle est construite de façon méthodique et maîtrisée. L’auteur entraîne le lecteur dans des méandres dont lui seul a le secret. Il fait subtilement de lui un complice, voire un acteur de l’intrigue. Puis vient le point de chute de la manière la plus inattendue, soulevant inévitablement une foule de questions chez le lecteur.

symphonies de l'enfer

Camara Nangala est un auteur ivoirien que j’ai découvert à l’école primaire. Son roman « le cahier noir », une histoire bien triste qui relate la maltraitance de deux enfants par leur belle-mère m’avait énormément touchée.

Au secondaire, j’ai lu d’autres œuvres de l’auteur. Je ne me rappelle malheureusement plus de leurs titres et contenus mais je garde en mémoire de bons moments de lecture.

Ces bons moments, j’ai voulu les revivre en lisant «Symphonies de l’enfer», un recueil de 4 nouvelles. Y suis-je parvenue ?

Oui mais… Je n’ai pas intégralement trouvé dans ma lecture ce que la quatrième de couverture promettait. J’ai trouvé l’art de la narration, la beauté du langage, l’humour dans la 4ème nouvelle  mais pas l’inattendu du point de chute, la surprise.

Ne restons pas à la surface du livre. Découvrons le contenu des nouvelles par ordre de préférence croissant (du moins apprécié au plus apprécié) :

Instinct atavique écrit en 1983

Le Syndicat des Mineurs Noirs en Afrique du Sud tiendra son ultime meeting, en vue du mot d’ordre de grève générale. La police et l’armée seront immanquablement au rendez-vous. Oswald aussi.

Sa fille Gladys, jeune étudiante, est sous le choc, ne comprend pas pourquoi son père fait partie de la soldatesque des tenants de l’apartheid, accepte de matraquer et de tirer sur des êtres humains, ses semblables, ses frères de race, dont le seul crime est de réclamer leur droit imprescriptible à la liberté. Elle ne comprend pas pourquoi des Noirs massacrent d’autres Noirs pour le compte des Blancs.

Elle use de stratagèmes pour empêcher son père de se rendre à l’esplanade de la mine sans succès. Il s’y rend et comme ses collègues ouvre le feu sur la foule. Le père de Wilfried, un ami de classe de Gladys se trouvait dans la foule et a été assassiné…

J’ai apprécié le contexte historique de cette nouvelle, je pense que l’apartheid comme toutes les autres luttes du peuple Noir pour accéder à la liberté ne devraient pas être oubliées.

 J’ai apprécié le courage dont a usé Gladys pour défier son père mais je n’ai pas approuvé ce qu’elle a fait de leur relation (je le dis en ces termes pour qu’il vous reste une part de mystère dans l’histoire 🙂 )

La maxime «Œil pour œil, dent pour dent » a été observée et c’est ce qui m’a dérangée dans cette histoire.

L’histoire d’amour entre Gladys et Wilfried m’a également dérangée parce qu’elle n’a pas conduit à quelque chose de constructif.

En lisant la fin de l’histoire, on est tenté de dire que le sang n’arrêtera jamais de couler. On n’arrêtera jamais de tuer …

 

Rififi sur la bande F.M, écrit en 1999

Bientôt, l’entrée dans le 3ème millénaire. Kobenan surfe sur le fluide des fréquences modulées, découvre une station de radiodiffusion : Radio Trouble-Fête. L’animateur de ladite radio fait l’éloge du zouglou (style musical ivoirien), le présente comme un instrument de prise de conscience.

Le Zouglou est la parole des sans-grades, la parole des sans-voix. Le Zouglou est la pâte qui gonfle, gonfle, gonfle encore sous l’effet de la levure que constituent injustices sociales et frustrations.

Il incite ses auditeurs à laisser fleurir la conscience morale, l’éthique, à se révolter contre les brigands semi-cultivés qui président aux destinées de leur pays.

Kobenan est sous le charme de cet éveilleur de conscience qui n’est autre que Romuald  dont la mère se servait de sa grande beauté pour être à l’abri du manque financier jusqu’au jour terrible de son accident qui la condamna à être en chaise roulante. Son nouvel état fit fuir tous ses prétendants, le père de Romuald, Ministre de l’Agriculture à l’époque, y compris.

Les propos de Romuald dérangent fortement le gouvernement en place. Son activisme est brutalement mis à terme. L’annonce est faite au journal télévisé par le Ministre de l’Intérieur qui n’est que …. (à vous de le découvrir dans votre lecture)

J’ai apprécié la poésie qui émanait de cette nouvelle et l’évolution humaine de Romuald mais j’aurais préféré une chute plus époustouflante.

Au fil du flot de sang de Soweto, écrit en 1979

N’kosinati raconte l’apocalypse de son village, le village noir de Rietfontein orchestré par la soldatesque des tenants de l’apartheid.

J’ai redécouvert à travers cette nouvelle le monstrueux système de l’apartheid. Cette nouvelle est pleine d’émotion et de proverbes africains. J’ai apprécié la tristesse qui se lit et se vit dans cette histoire. J’ai également apprécié ses notes poétiques.

La voix de N’kosinati devient plus puissante, plus poignante, plus bouleversante. Et s’élèvent de la gargote de tante Maggy les voix enflées de l’assistance ; les voix grosses du bonheur en devenir. Et scintillent sur les visages les larmes, intempérie qui précède le beau temps ; les larmes qui dissolvent la peur, l’angoisse et la tétanisation ; les larmes qui donnent l’élan vital à la révolte.

Va l’esprit foudroyant de Chaka

Puis il revient

Comme bulle d’air soufflée

Par la mer écumeuse

Va la voix de Biko

Puis elle revient

Amplifier le sac et le ressac

Du tourbillon des jours d’émeute

Va le regard de Moloïse

Puis il revient

Eclairer le flux et le reflux

De la vague des agitations.

Symphonies de l’enfer, écrit en 1999

Un homme  vient tout juste de sortir de prison dans laquelle il a passé 10 ans. Si c’était à refaire, il referait exactement ce pourquoi il a été injustement jeté au trou pour 10 ans.

Sur une note pleine d’humour, il nous raconte ce qu’il a fait depuis sa sortie de prison et ce qui l’y a conduit.

On découvre un homme qui s’est laissé conduire par le destin auquel il croit, un homme dont la quiétude a été brisée par de terribles symphonies : des vendeurs de CD aux églises de réveil en passant par la gérante de maquis.

Ces symphonies créent un vacarme aussi bien extérieur qu’intérieur, un vacarme qui va le pousser à commettre l’irréparable.

J’ai beaucoup ri grâce à cette nouvelle. J’ai aimé son côté vivant, le style détaché du narrateur. J’ai d’ailleurs bien aimé sa personnalité, son côté responsable, bon père de famille qui pense toujours au bien-être de sa famille.

Ces quatre nouvelles ont bien un thème en commun : l’égocentrisme.

 

 

Quelle histoire lue sur l’Apartheid vous a le plus touché ?

A quelle nouvelle lue donneriez-vous le titre de meilleure histoire comique ?

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Americanah

Elle prenait les deux partis, pour plaire à tout le monde ; elle choisissait toujours l’apaisement plutôt que la vérité, soucieuse d’être en harmonie avec tous.

Chimamanda Ngozi Adichie est le contraire de «Elle». L’écrivain refuse d’être subtile, la vérité ne l’est pas.

Oh ! Je m’enflamme, romps avec mes habitudes. C’est l’effet Chimamanda !

Revenons donc à nos vieilles habitudes : je vous laisse découvrir la quatrième de couverture avant d’exposer en détail mon avis sur l’œuvre.

Ifemelu quitte le Nigéria pour aller faire ses études à Philadelphie. Jeune et inexpérimentée, elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l’Amérique, qui compte bien la rejoindre.

Mais comment rester soi lorsqu’on change de continent, lorsque soudainement la couleur de votre peau  prend un sens et une importance que vous ne lui aviez jamais donnés ?

Pendant 15 ans, Ifemelu tentera de trouver sa place aux Etats-Unis, un pays profondément marqué par le racisme et la discrimination. De défaites en réussites, elle trace son chemin, pour finir par revenir sur ses pas, jusque chez elle, au Nigéria.

Chimamanda Ngozi Adichie

Ouvrir un livre et se voir, ouvrir un livre et retrouver le connu…

J’ai adoré Americanah pour la description des parcours d’étudiants africains qui partent étudier en Occident ou en Amérique parce que c’est leur rêve ou tout simplement parce que le système universitaire de leur pays est défaillant. Des étudiants qui débarquent dans une civilisation différente de la leur et qui doivent s’adapter, s’intégrer.

Tu es dans un pays qui n’est pas le tien. Agis comme il faut si tu veux réussir.

Americanah montre comment il peut être tentant de vouloir être une autre personne quand notre singularité dérange, combien rester soi est une lutte, comment notre terre d’intégration peut changer notre mode de vie, notre mentalité et même changer notre regard sur notre terre d’origine quand nous rentrons au bercail.

J’ai apprécié Americanah pour les récits d’immigrants qui se voient obligés de prendre l’identité d’un autre pour pouvoir  travailler légalement, contracter des mariages blancs pour avoir des papiers. Americanah montre comment les contraintes de l’immigration peuvent nous pousser à faire n’importe quoi.

Americanah montre la détermination d’immigrants expulsés qui projettent de revenir et de tout recommencer parce qu’ils n’ont rien à perdre.

J’ai apprécié ce livre pour ces rappels d’ineptie que les gens débitent souvent par bêtise ou par ignorance.

Vous avez chaud ? Pourtant, vous venez d’Afrique !

Vous n’avez pas de sourcils frisés ? Eh ben, je pensais que c’était le cas vu que vous avez des cheveux frisés.

 

J’ai aimé Americanah pour sa critique et sa réflexion profonde et puissante sur des clichés portant sur la race.

Mais pourquoi faut-il que je transcende la race ? Vous voyez, comme si la race était un breuvage qu’il vaut mieux servir tiède, adouci par d’autres liquides, sinon les Blancs sont incapables de l’avaler.

L’homme dit aussi au professeur Hunk : « Pourquoi faut-il que nous parlions toujours de race ? Ne pouvons-nous pas être simplement des êtres humains ? »

Et le professeur Hunk répond : «C’est exactement le privilège des Blancs, que vous puissiez faire ce genre de réflexion.» La race n’existe pas véritablement pour vous parce qu’elle n’a jamais été une barrière. Les Noirs n’ont pas ce choix.

Si la vieille rengaine «l’esclavage est un truc du passé » refait surface, demandez à votre ami de mentionner qu’une quantité de Blancs continuent à hériter de l’argent que leurs familles ont gagné il y a un siècle. Si cet héritage perdure, pourquoi pas l’héritage de l’esclavage ?

J’ai aimé Americanah pour sa critique de certaines églises évangéliques en Afrique appelées également églises de réveil qui tirent profit de la foi aveugle et du désespoir des hommes.

Chimamanda Ngozi Adichie a un humour fin, délicat, à l’aspect d’un frisson qui vous parcoure délicatement la peau et vous laisse une sensation agréable.

La mère d’Ifeoma : « Prions et répandons sur les routes le sang de Jésus.

Le père  réplique : « les routes seront plus sûres, moins glissantes, si elles ne sont pas recouvertes de sang. »

Sa mère demanda : «  Il est chrétien ?

-Non. C’est un adorateur du diable.

– Jésus tout-puissant ! s’écria sa mère.

Tu aurais pu simplement dire que Ngozi est ton nom tribal, Ifemelu ton nom de jungle et en proposer un de plus comme nom spirituel. Ils avalent n’importe quoi dès qu’il s’agit de l’Afrique.

Il se plaint toujours que ses livres n’ont pas de succès. Je lui ai dit qu’il faut qu’il écrive des choses terribles sur son peuple s’il veut réussir. Il doit expliquer que les Africains sont les seuls responsables des problèmes de l’Afrique, et que les Européens ont davantage aidé l’Afrique qu’ils ne lui ont nui. Il deviendra célèbre, les gens diront qu’il est tellement honnête !

J’ai aimé Americanah parce qu’il m’invite à m’aimer entièrement, sans artifice, et pas qu’un peu. M’aimer de la tête aux pieds, de face comme de profil, intérieurement et extérieurement.

Amoureuse de l’amour, j’ai aimé assister aux retrouvailles d’Ifemelu avec son grand amour.

Que dire de ces multiples personnages qui en mêlant leurs vécus forment une belle charpente ?

J’ai beaucoup admiré Obinze pour sa candeur, sa droiture de cœur ; il m’a attendrie, m’a fait rêver.

J’ai beaucoup aimé Curt pour son caractère idéaliste et lisse : j’entre dans ta vie et je la transforme, je la peins d’un blanc pur.

J’ai apprécié Ifemelu pour sa franchise, sa fraîcheur d’esprit, son côté pragmatique.

Cette 3ème œuvre de Chimamanda que j’ai lue est une belle fresque sur les sociétés nigérianes, américaines, occidentales et je peux dire que c’est ma préférée.

J’ai trouvé ce livre plus vivant, plus drôle, plus romantique que les deux autres que j’ai lus. Par contre, je l’ai trouvé trop long, il y avait trop de péripéties à mon goût mais ça se justifie. Les nombreux sujets évoqués sont vastes et l’auteur avait visiblement beaucoup de choses à dire.

En parlant de longueur, une question me vient à l’esprit : faut-il qu’un roman ait plus de 400 pages pour qu’il soit réussi, jugé bon ?