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TTL 134: Un autre tambour

C’est l’heure du Throwback Thursday Livresque ! Cette semaine, le thème est : W comme…

William,

Le prénom de l’auteur d’Un autre tambour.

Du jour au lendemain, les résidents noirs d’une petite ville imaginaire d’un État du Sud désertent, à la suite de l’acte de protestation d’un jeune fermier, descendant d’esclave.
Juin 1957. Sutton, petite ville tranquille d’un état imaginaire entre le Mississippi et l’Alabama. Un après-midi, Tucker Caliban, un jeune fermier noir, recouvre de sel son champ, abat sa vache et son cheval, met le feu à sa maison, et quitte la ville. Le jour suivant, toute la population noire de Sutton déserte la ville à son tour.
Quel sens donner à cet exode spontané ? Quelles conséquences pour la ville, soudain vidée d’un tiers de ses habitants ?
L’histoire est racontée par ceux qui restent : les Blancs. Des enfants, hommes et femmes, libéraux ou conservateurs, bigots ou sympathisants.
En multipliant et décalant les points de vue, Kelley pose de façon inédite (et incroyablement gonflée pour l’époque) la « question raciale ».
Un roman choc, tant par sa qualité littéraire que sa vision politique.

11 chapitres où l’auteur Noir ose penser à la place des Blancs.

11 chapitres où des Blancs évoquent l’exode massif des Noirs. Entre ségrégation et liberté, des Noirs ont fait leurs choix.

Ils écoutent et suivent la musique de leur tambour intérieur même si elle est différente de celle des autres.

Les Blancs assistent à ce départ massif, spontané et silencieux, et se perdent en conjectures.

La raison de leur départ n’étant pas explicite, j’ai commencé à perdre de l’intérêt pour l’histoire. Heureusement, l’intervention de David Willson, membre de la famille qui a autrefois acheté l’Africain, ancêtre de Tucker, à un négrier a sauvé la mise.

Le dernier chapitre de ce roman est violent, les hommes de la véranda désemparés face à leur ville dépossédée de Noirs, vont penser à ce qu’il leur manque, à ce sentiment de supériorité qui fait sa malle en même temps que tous ces Noirs et vont s’adonner à ce que le raciste prend plaisir à faire. J’ai trouvé la fin assez poignante.

Un autre tambour a été une intéressante découverte dans l’ensemble mais j’ai un petit bémol: j’aurais voulu que l’auteur décrive la vie des blancs après cet exode.

Quel livre auriez-vous choisi pour ce thème ?

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TTL 106 : Un soupçon de liberté-Margaret Wilkerson Sexton

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Addictions

J’ai directement pensé à ce livre

Couverture Un soupçon de liberté

Certains personnages sont accro à la drogue.

Sur près de soixante-dix ans et trois générations, Margaret Wilkerson Sexton relate la saga d’une famille noire et déroule l’histoire de la Nouvelle-Orléans, ville symbole de la fracture sociale et raciale américaine, dans un premier roman puissant et lumineux.
Entremêlant les destins d’Evelyn, Jackie et T.C. à des moments charnières de leur existence, elle nous montre que si les temps changent, les problèmes des Afro-Américains restent les mêmes dans un pays toujours malade de ses discriminations.

66 ans au sein d’une famille. C’est l’engagement que vous prenez comme lecteur en ouvrant Un soupçon de liberté.

Si la 1ère génération semble prometteuse malgré les ségrégations sociales de l’époque, les générations suivantes partent un peu en vrille à cause de la drogue.

comme si Dieu l’avait mis ici avec lui pour s’excuser, et Il était pardonné : pour la mère à moitié folle,
le père défaillant, les difficultés d’apprentissage, les rêves de basket avortés. Parfois, quand il émergeait
au petit matin, il croyait que Dieu approuvait son trafic de hasch. Sinon, d’où lui seraient venus cette inspiration si pure, ces plans si minutieusement préparés ? Et lorsqu’on l’avait arrêté, il s’était mis en colère contre son Créateur, comme s’il avait été trahi par le véritable auteur du crime, mais à présent tout était pardonné.

Ce roman de 300 pages évoque la ségrégation raciale, les difficultés pour les jeunes afro-américains de s’assurer une vie confortable et sereine et l’addiction à la drogue. On admire ces femmes qui se battent pour maintenir l’équilibre familial quand les hommes déraillent.
Mon intérêt pour l’histoire a décru quand une fois présenté T.C on repart à Evelyn en 1944. Cet aller-retour passé-présent a desservi mon intérêt. Il est vrai que l’évolution de ce qu’est être un Noir Américain apparaît de manière encore plus flagrante mais l’histoire perd en intensité.

Un soupçon de liberté a été une lecture plaisante _surtout qu’il a été lu après une lecture presqu’ennuyante_ mais il ne figurera pas parmi mes lectures mémorables.

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TTL 80: Born A Crime – Trevor Noah

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est : J comme…

J’ai pensé à J comme Johannesburg, J comme jeunesse et donc au récit autobiographique de Trevor Noah.

Couverture Born a Crime: Stories from a South African Childhood

Le best-seller du New York Times, fascinant, inspirant et comiquement sublime, sur le passage à l’âge adulte d’un homme, se déroule au crépuscule de l’apartheid et des jours tumultueux de liberté qui ont suivi. Le parcours improbable de Trevor Noah, de l’Afrique du Sud de l’apartheid au bureau du Daily Show, a commencé par un acte criminel : sa naissance. Trevor est né d’un père suisse blanc et d’une mère noire Xhosa à une époque où une telle union était punie de cinq ans de prison. Preuve vivante de l’indiscrétion de ses parents, Trevor a été maintenu la plupart du temps à l’intérieur pendant les premières années de sa vie, lié par les mesures extrêmes et souvent absurdes que sa mère a prises pour le cacher à un gouvernement qui pouvait, à tout moment, le voler.

Born a Crime est l’histoire d’un jeune garçon malicieux qui devient un jeune homme agité alors qu’il lutte pour se retrouver dans un monde où il n’était pas censé exister. C’est aussi l’histoire de la relation de ce jeune homme avec sa mère, intrépide, rebelle et fervente de religion, sa coéquipière, une femme déterminée à sauver son fils du cycle de la pauvreté, de la violence et des abus qui menaceraient finalement sa propre vie. Les dix-huit essais personnels rassemblés ici sont tour à tour hilarants, dramatiques et profondément touchants. Qu’il s’agisse d’être jeté d’une voiture en marche lors d’une tentative d’enlèvement, ou simplement d’essayer de survivre aux pièges de la vie et de la mort que représentent les fréquentations au lycée, Trevor éclaire son monde curieux avec un esprit incisif et une honnêteté sans faille. Ses histoires s’entremêlent pour former un portrait émouvant et terriblement drôle d’un garçon se frayant un chemin dans un monde endommagé à une époque dangereuse, armé seulement d’un sens de l’humour aigu et de l’amour inconditionnel d’une mère.

Des extraits percutants de cette autobiographie ont été partagés par des amis sur les réseaux sociaux et m’ont donné l’envie de la lire. Trevor Noah nous partage une tranche importante de sa vie. A cœur ouvert, avec beaucoup d’humour, il nous décrit son enfance, son adolescence, les moments passés avec les amis, les incartades, etc…

Il nous dévoile son monde: la société sud-africaine pendant et après l’apartheid. J’avoue qu’il y a certains passages que je n’ai pas trouvés intéressants mais j’ai beaucoup aimé la vision approfondie de l’apartheid que Trevor nous livre ainsi que ses réflexions sur l’héritage culturel des métis.

Tout au long de son récit, Trevor Noah énonce des vérités percutantes qui m’ont beaucoup fait réfléchir sur les histoires personnelles et communes.

« In Germany, no child finishes high school without learning about the Holocaust. Not just the facts of it but the how and the why and the gravity of it—what it means. As a result, Germans grow up appropriately aware and apologetic. British schools treat colonialism the same way, to an extent. Their children are taught the history of the Empire with a kind of disclaimer hanging over the whole thing. “Well, that was shameful, now wasn’t it?”
In South Africa, the atrocities of apartheid have never been taught that way. We weren’t taught judgment or shame. We were taught history the way it’s taught in America. In America, the history of racism is taught like this: “There was slavery and then there was Jim Crow and then there was Martin Luther King Jr. and now it’s done.” It was the same for us. “Apartheid was bad. Nelson Mandela was freed. Let’s move on.” Facts, but not many, and never the emotional or moral dimension. It was as if the teachers, many of whom were white, had been given a mandate. “Whatever you do, don’t make the kids angry.”

There is also this to consider: The name Hitler does not offend a black South African because Hitler is not the worst thing a black South African can imagine.
Every country thinks their history is the most important, and that’s especially true in the West. But if black South Africans could go back in time and kill one person, Cecil Rhodes would come up before Hitler. If people in the Congo could go back in time and kill one person, Belgium’s King Leopold would come way before Hitler. If Native Americans could go back in time and kill one person, it would probably be Christopher Columbus or Andrew Jackson.

J’ai lu le récit en VO et j’ai trouvé le niveau de langue accessible. J’ignore d’ailleurs s’il a été traduit en français.

Et vous, qu’auriez-vous proposé pour ce thème ?

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TTL 55: Le sel et le miel de Candi Miller

Salut les amis ! J’espère que vous avez passé un joyeux Noël !

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est : Un livre reçu en cadeau

J’aurais pu vous parler des livres reçus en cadeau de mes Pères Noël secret au travail et sur Livraddict mais je ne les ai pas encore lus. 😀

Je vous présente donc un livre reçu lors d’un swap cette année. 

 

Couverture Le sel et le miel

1958. Alors que l’apartheid règne en Afrique du Sud, la jeune Koba, onze ans, membre d’une tribu nomade du Kalahari, assiste au meurtre de ses parents par deux chasseurs blancs. Recueillie par Marta et Deon, un couple d’Afrikaners, Koba s’adapte peu à peu à sa nouvelle vie, tout en ayant conscience qu’elle est source de conflit entre les époux, dont les opinions divergent sur l’éducation à lui donner. Mannie, leur fils, éprouve d’abord un sentiment de culpabilité à l’égard de Koba, qui n’empêche pourtant pas une amitié de naître entre eux, jetant un pont fragile par-delà les différences raciales. Mais la réalité les rattrapera lorsque cette amitié – qui s’est au début forgée grâce au troc :  » Je te donne du sel ; tu me donnes du miel  » – se transformera en amour…

Pour rédiger ce roman, comparé outre-Manche à ceux de Karen Blixen et de Nadine Gordimer, Candi Miller a passé de longues semaines dans le désert du Kalahari, à la rencontre de ses habitants, afin de s’imprégner de leur culture. Un texte dont l’écriture sensible et poétique fait ressentir le charme envoûtant de l’Afrique.

 

Si mes souvenirs sont bons, j’ai découvert ce livre via Babelio. J’y cherchais en effet des livres sur la ségrégation raciale. C’est un thème dur mais j’aime quand il est évoqué en littérature. 

 

J’ai apprécié la relation d’amitié puis d’amour entre Koba, jeune fille issue d’une tribu nomade et Mannie, jeune afrikaner. Ces adolescents de culture différente vont être amenés à cohabiter suite au meurtre des parents de Koba. 

Marta, la mère de Mannie, va prendre la jeune fille sous son aile en dépit du qu’en dira-t-on. J’ai apprécié sa force de caractère, sa facilité à accepter l’autre peu importe sa couleur. 

Koba déteste le miel, elle préfère le sel contrairement à Mannie. Les deux adolescents vont donc se les échanger régulièrement. Ils vont s’apprivoiser, voir au-delà des leurs différences culturelles. J’aurais voulu une autre fin à leur histoire mais celle proposée par l’auteure reste logique.

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Koba en vivant avec la famille de Mannie va faire son possible pour garder son identité de Bochimane. Elle met un point d’honneur à ne pas oublier qui elle est, d’où elle vient et à perpétuer la tradition et les coutumes de sa tribu. J’ai été touchée par son authenticité. 

 

Le sel et le miel est une histoire très captivante, je n’ai pas voulu lâcher le livre jusqu’à la fin. On voit comment la race donne des avantages et des privilèges, on découvre les préjugés et lois ségrégationnistes de l’époque.

Je suis avocat, mais pour eux, ajouta-t-il en montrant du pouce le contrôleur, je ne suis qu’un babouin en costume.

 

Avant la lecture de ce roman, j’ignorais l’existence de la loi de 1957 (Act No. 23 of 1957; devenu ensuite Sexual Offences Act) et sa clause interdisant les rapports sexuels et les « actes indécents ou immoraux » entre les blancs et toute personne non-blanche. 

 

Ce roman est également dépaysant. On découvre de beaux paysages et la culture des Ju/’hoansi.

 

Le seul bémol trouvé à ce récit est la traduction des mots en langue étrangère à la fin du livre qui oblige le lecteur à jongler entre le récit et le glossaire en fin de livre. Mettre les significations de ces mots en bas de page aurait été plus pratique à mon sens. 

 

Quels livres avez-vous reçu à Noël ? Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

 

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Les couleurs de l’espoir de Julie KIBLER

Couverture Les couleurs de l'espoir

Au Texas, Dorrie, coiffeuse noire, a noué une relation tendre et complice avec l’une de ses clientes, Isabelle, vieille dame blanche de quatre-vingt-neuf ans. C’est donc tout naturellement qu’elle accepte de la conduire jusqu’à Cincinnati pour de mystérieuses funérailles. Au fil des kilomètres, Isabelle va lui dévoiler les secrets de son histoire : à seize ans, dans une ville régie par la ségrégation, elle est tombée amoureuse de Robert, le fils de sa gouvernante noire…

 

l'Afrique écrit

 

L’amitié de Dorrie et Isabelle m’a attendrie. J’ai pensé avec regret à toutes mes amitiés avec des filles de race différente de la mienne qui n’ont pas perduré. 

Dorrie et Isabelle sont les deux narratrices de ce roman. Dorrie nous raconte principalement sa vie de maman et de femme qui espère tomber sur un gentleman tandis qu’Isabelle nous raconte son passé.

Isabelle est tombée amoureuse de Robert et va vouloir vivre cet amour. A cette époque, une race est considérée supérieure à l’autre. A cette époque, un mariage entre blancs et noirs est illégal. Une relation sexuelle entre une blanche et un noir est une lourde faute pour le noir mais pas quand c’est l’inverse.

Cela m’a fait penser à l’attitude des libanais en Côte d’Ivoire. Je dis ça, je dis rien…

 

Robert est plus craintif mais il se laisse porter par les sentiments d’Isabelle. Leur volonté de s’aimer va engendrer les ennuis…

Ce livre est bouleversant. Que d’émotions ! Larmes et désespoir, sourire et amour, colère et déchirement.

Instants de bonheur non abouti, écourtés à cause du qu’en dira-t-on.

On sait en avançant dans la lecture que cet amour impossible finira mal mais on ne peut s’empêcher d’espérer le meilleur. Quand ce que l’on craint finit par arriver on ne peut que maudire cette société oppressante qui a considéré une race supérieure à l’autre pendant de nombreuses années.

Je n’imagine pas combien ça a été difficile pour les blancs et noirs amoureux à cette époque. 

J’ai eu beaucoup d’admiration pour Isabelle. C’est une femme courageuse. Elle n’a pas laissé les terribles malheurs qui ont succédé dans sa vie l’empêcher d’avancer. Elle fait des choix et les assume.

L’histoire d’Isabelle et Robert restera longtemps dans ma boîte à souvenirs de lecture. Je recommande vivement la lecture de ce roman plein de sensibilité. Une lecture fluide, captivante.

 

Connaissez-vous des livres qui abordent ce thème ?

 

Un amour interdit Alyssa Cole

 

J’ignorais encore que, quand on est amoureux, les raisonnements les plus sensés s’envolent par cette nouvelle fenêtre ouverte dans le cœur. 

 

Un homme bien, a répété Mlle Isabelle. Pour commencer, il doit vous traiter avec égards. Comme il doit aussi traiter les autres. — Que voulez-vous dire par les autres ? Ses enfants ? Sa mère ? — Bien sûr, mais pas seulement. Quand vous allez au cinéma, par exemple, est-ce qu’il remercie l’ouvreuse ? Quand vous êtes en voiture, est-ce qu’il se croit tout permis ? Au bout de quinze jours ou de deux mois, est-ce que vous remarquez s’il respecte son prochain, quelle que soit sa position vis-à-vis de cette personne ?

 

 

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Il est à toi ce beau pays, une oeuvre magistrale

« Il est à toi ce beau pays » présente l’Afrique appétissante, gâteau de l’un, débouché économique de l’autre ;  l’Afrique, ce continent dévisagé, remodelé, privé de sa substance. Mère à qui l’on n’a pas laissé le temps de faire le deuil. Après avoir perdu ses fils, on la prive de ses terres.

« Il est à toi ce beau pays » expose le passé douloureux de l’Afrique, glorieux de l’Europe…

On entend d’abord la voix dépressive d’Ota Benga, Pygmée congolais du peuple des Mbuti qui a été notamment exposé au zoo du Bronx de New York en 1906.

La voix puissante et dominatrice des colons se fait aussi entendre, notamment celle de Léopold, roi des Belges. On découvre (ou redécouvre) toute la stratégie politique de l’Occident pour s’approprier ces terres africaines entre 1873 et 1896.

Entre-temps, pour échapper à la soumission irréversible, il fallait mettre en oeuvre un ensemble de principes : civilisation, christianisation et commerce.

« Et surtout, il faut du temps, pour coloniser, continua-t-il pour lui même. Car il ne suffit pas de préparer les expéditions. Il faut préparer l’opinion ! Il faut persuader le peuple du bien-fondé de nos actions outre-mer. Il faut le pétrir de bons sentiments, lui faire miroiter des actions humanitaires à la pelle ! La civilisation, l’aide au développement, le partage des valeurs de la vieille Europe et autres balivernes…

Le partage de nos valeurs ! s’emballa le petit homme. Comme c’est malin ! Qui pourrait refuser une idée si généreuse ?

« Très bien, cet article, très bien, se félicitait Jules Ferry, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, les favoris traînant sur Le Figaro du jour. Il tombe à point pour l’ouverture de la conférence de Berlin. La chance de l’Afrique, c’est la France ! Pas l’Angleterre, pas la Belgique, mais la France ! Il faut que tout le monde le sache !

“Pour mes cinquante ans, je veux devenir roi du Congo.” Dixit Léopold, roi des Belges

Léopold est un homme abject, Jules Ferry également. Je suis désolée mais je n’ai aucune estime pour ceux qui ont favorisé la suprématie blanche.

Mon cœur s’est serré en lisant toute la violence de la colonisation, toute la naïveté des indigènes qui signent des papiers sans lire. Ils avaient confiance, peau noire, cœur blanc…

Jennifer Richard révèle une vérité essentielle :

Peu à peu, il avait compris qu’il n’existait pas de conscience africaine à l’échelle du continent. La solidarité ne fonctionnait qu’à hauteur de tribu. Nombreux étaient les chefs de clan qui effectuaient des rapts dans les villages voisins, en échange de quelques pièces d’étoffe.

 

J’ai constaté une fois de plus avec dégoût que la politique internationale n’a pas changé de 1800 à 2018. 

« Ce que je veux vous dire, c’est que les Européens ont une fâcheuse tendance à dénoncer les atrocités des chefs africains pour donner un vernis de légitimité à leurs invasions. Mais leur immixtion a pour effet de déstabiliser le continent. »

N’est-ce pas ce qui s’est passé avec Kadhafi ?

Ce roman décrit parfaitement la philosophie occidentale :

« Ah, l’Europe ! Bien sûr. Cette entité prométhéenne s’est proclamée juge universel. Et pendant qu’elle accuse, on ne voit pas que ses pieds trempent dans le sang.

– Tu vois l’Europe plus cynique qu’elle n’est.

– Vraiment ? Tu penses que vous avez renoncé à l’esclavage pour le bien-être des Africains ? Vous n’avez fait que supprimer un système qui profitait à certaines nations plus qu’à d’autres. D’ailleurs, vous n’avez pas supprimé l’esclavage. Vous n’avez fait qu’effacer le mot. L’Europe aime les concepts. Enrobe tes meurtres des mots civilisation et liberté, et tu verras, on te pardonnera tout.

“Voyez ? C’est tout le problème avec vous, les Européens. Vous êtes choqués dès qu’on touche un cheveu de vos congénères. Alors, vous vous délectez des supplices qu’ils ont subis, vous vous en repaissez comme des porcs, en faisant semblant d’être traumatisés. Il ne s’agissait pourtant que de sept marchands sans vergogne. Mais les autres ? À l’instant, je vous ai parlé de mille huit cents morts dans notre camp et ça ne vous a fait aucun effet. Pas de réaction, pas le moindre battement de cils. Pourtant, ils ne sont pas morts dans leur sommeil, eux non plus.”

Constat déplorable que j’ai fait ouvertement sur mon blog en parlant de la Somalie.

« Il faisait partie de cette caste de rebuts qui n’avaient pas trouvé leur place en Europe et qui partaient en quête d’aventure, d’argent et de respect. »

N’est-ce pas ce que les migrants font ? Un acte qui a été applaudi hier et qui est désapprouvé aujourd’hui. Comme le dit Emmelie Prophète dans son livre, la libre circulation devrait se faire dans les deux sens !

La communauté occidentale actuelle doit-elle se sentir coupable ? L’un des narrateurs a une réponse : la culpabilité est personnelle, elle n’appartient pas à la communauté.

Chacun devrait donc se poser les questions sur les conditions de vie des personnes qui cultivent les matières premières et nous permettent d’avoir vélo, vêtement, téléphone portable.

 

Jennifer Richard raconte la vie des explorateurs qui ont favorisé cette pénétration en Afrique Centrale : Stanley, Brazza et bien d’autres figures historiques comme David Livingstone, Joseph Conrad.  Elle dévoile leurs obsessions, ambitions, quêtes de gloire, de reconnaissance, de fortune.

J’ai beaucoup appris sur Brazza et Stanley. J’ignorais que le premier était d’origine italienne et que Stanley n’était pas le vrai nom du second.

J’ai perçu une différence d’idéologie entre ces deux hommes. Brazza apparaît plus humain dans ses rapports avec les indigènes.

Jennifer Richard ne parle pas que de l’Afrique, ses enfants partis contre leur gré, ceux qui ont vécu l’esclavage, la ségrégation font entendre leurs voix. Des femmes, des hommes qui doivent survivre, se trouver une place dans une société qui est devenue la leur mais qui ne veut pas d’eux.

J’ai découvert des figures importantes du peuple afro-américain comme W.E.B. Du Bois, Booker T. Washington, George Washington Williams.

L’histoire des Etats-Unis ne pouvant être contée sans la colonisation européenne des amérindiens, l’auteure l’aborde dans ce roman.

 

 

Si je le pouvais, je demanderais un standing ovation pour louer son travail colossal. J’étais bouche bée en parcourant la bibliographie utilisée pour ce roman.

J’ai apprécié sa plume sans fioritures, le vocabulaire adapté à l’époque. Les descriptions des lieux sont suffisamment élaborées pour qu’on se les représente.

Le roman comporte trois grandes parties subdivisées en plusieurs chapitres qui correspondent à des dates. Les chapitres sont très courts et permettent de tenir le rythme de ce gros pavé de 756 pages !

C’est un roman magistral, une lecture utile que Jennifer Richard offre au public, dommage qu’il n’ait pas la médiatisation qu’il mérite. 

C’est presque un coup de cœur pour moi. Je vous le recommande vivement.

 

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Entre Chiens et Loups – Tome I ou la suprématie du Noir

Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s’affrontent à coups de lois racistes et de bombes. C’est un monde où Callum et Sephy n’ont pas le droit de s’aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d’un rebelle clandestin.

l'Afrique écrit

J’ai terminé deux romans avant Entre chiens et Loups et je me sentais lasse d’écrire les chroniques. Malade, j’ai décidé de les remettre à plus tard et de stopper mon activité sur le blog.

J’ai lu Entre Chiens et Loups durant ma convalescence et aussitôt terminé, j’ai eu envie d’écrire les émotions ressenties lors de ma lecture.

Cette lecture restera longtemps dans ma mémoire et je vous dis pourquoi.

Et si le monde tournait à l’envers ? Et si le monde n’était pas dominé par les Etats-Unis, l’Europe mais par l’Afrique, les Noirs ? Et si les dominants devenaient les dominés ?

Et si les immigrants devenaient ceux qui refusaient l’asile ? Je me suis posée ces questions à chaque fois que l’Afrique tendait la main pour une quelconque aide humanitaire, à chaque fois que la belle France s’ingérait dans notre politique oubliant que l’Afrique n’est plus une colonie, à chaque fois que le hashtag #Blacklivesmatter apparaît sur Twitter.

J’ai rêvé d’un monde où les blancs subiraient tout ce que les noirs ont subi pendant des siècles et expérimenteraient ce qu’on appelle le racisme vu qu’ils pensent souvent qu’on exagère. J’ai rêvé d’un monde où ils pourraient enfin marcher dans nos chaussures. Malorie Blackman m’a dessiné ce monde dans cette dystopie.

Dans cet univers, les Primas (les noirs) sont les chefs, la race élue, les Nihils (blancs) sont le néant, la race inférieure.

Les blancs sont méprisés. Leur sont réservés les jobs de bas niveau (femmes de ménage, chauffeurs) Ils n’ont aucun droit, sont suspectés d’être des voleurs à chaque fois qu’ils passent dans les magasins. J’avoue, j’ai souri. Les Noirs ont un instant de répit, dans ce livre, le mal ne les poursuit pas….

Etant noire, j’aime que le mauvais rôle soit enfin attribué à une autre race mais face à tant d’injustices subies par les Nihils, je m’arrête. Je dépasse le stade de race, je redeviens humaine et je me dis qu’aucun Homme peu importe sa race ne doit subir autant d’humiliation, être privé des choses élémentaires comme l’accès à une bonne éducation, la dignité, la confiance. Tous les hommes doivent être égaux peu importe leur couleur de peau.

J’ai éprouvé beaucoup de peine pour Callum, ce Nihil qui ne demandait qu’une meilleure vie et le respect de ses droits humains, j’ai eu de la peine pour sa mère privée de sa famille, j’ai eu de la peine pour Jude, le fils rebelle qui en avait assez de tous les mauvais traitements des Primas et qui à sa manière a tenté de renverser l’ordre établi par la société. 

J’ai éprouvé de la haine pour le père de Sephy, cet homme qui abuse de son pouvoir.

J’ai été attendrie par l’amitié entre Sephy et Callum, émue par leur amour interdit par leur société.

Ce roman est bouleversant, j’ai eu la larme à l’œil à la fin. J’ai eu tellement de mal pour Callum. L’auteure a traduit fidèlement sa détresse comme tous les sentiments présents dans le roman.

De plus, la lecture est très rapide. Je vous la recommande avec une vive énergie.

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Version originale : anglaise
Titre : Noughts & Crosses
Éditeur : Doubleday
Date de parution : 2001

Version française
Éditeur : Milan
Existe en format numérique et papier

L’origine de l’histoire racontée par Malorie Blackman

J’avais eu l’idée d’écrire une histoire sur l’esclavage pendant un certain temps, mais la réaction de mes amis était pour le moins tiède.
« L’esclavage est dans le passé », « Pourquoi voulez-vous ressasser quelque chose de si douloureux? », « Pourquoi les noirs parlent-ils toujours de l’esclavage? »

Presque tout le monde à qui j’ai parlé à ce sujet était du point de vue «Passons à autre chose.» Mais je voulais écrire une histoire sur l’héritage de l’esclavage. Je crois vraiment que le sujet de l’esclavage est terriblement important – surtout de nos jours. Je pense que cela donne un contexte à la pensée et aux attitudes occidentales modernes concernant d’autres races et cultures.

Mais les commentaires que j’ai reçus ont semé la graine de l’idée de morpion dans mon esprit. Il m’est venu à l’esprit que l’histoire que j’avais en tête serait plus difficile à écrire et, je l’espère, à lire si je jouais avec les perceptions que les gens avaient de la société présentée dans l’histoire. Je voulais transformer la société telle que nous la connaissons en tête dans mon histoire, avec de nouveaux noms pour les grandes divisions de la société, c’est-à-dire Noughts (la sous-classe) et Crosses (la majorité, la société dominante). La race et le racisme sont des problèmes émotionnels que la plupart des gens détestent aborder mais je pense qu’ils devraient, aussi douloureux soient-ils. Je voulais que la société de mon livre soit vue de deux points de vue différents (Callum et Sephy) pour montrer comment nos perspectives colorent notre pensée. L’adage, «vous ne pouvez pas vraiment connaître quelqu’un jusqu’à ce que vous ayez marché dans leurs chaussures», est comme tous les clichés la plupart du temps vrai. Je pense que c’était l’idée que j’avais en tête quand je me suis mis à écrire Noughts and Crosses. Je pense que c’est Nietzsche qui a dit: « Il n’y a pas de vérité, seulement des perspectives. » Et plus vous avez de perspectives, plus vous vous rapprochez de la vérité.

Pour en savoir plus sur cette interview de l’auteure en anglais, cliquez ICI

 

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