Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Mes contes de Perrault de Tahar Ben Jelloun

L’auteur de L’Enfant de sable et de La Nuit sacrée est un grand familier de la tradition des contes et légendes, lui qui puise dans les rites et les mythes ancestraux une bonne partie de sa matière romanesque. Et c’est avec une évidente gourmandise qu’il a entrepris de réécrire dix contes de Perrault (Riquet à la houppe, Le Petit Poucet, Barbe-Bleue, La Belle au bois dormant, Les Fées, Le Chat botté, Peau d’Âne, Le Petit Chaperon rouge, Les Souhaits ridicules et Cendrillon) en les installant dans un contexte «arabe et musulman», en les orientalisant dans le style des Mille et Une Nuits. La réussite est totale. Surprises en tous genres, clins d’œil et savoureux rebondissements sont au rendez-vous. Sans doute le livre le plus enchanté de Tahar Ben Jelloun.

La réécriture de conte est un gros challenge pour l’auteur qui s’y aventure. Une réécriture demande un pouvoir d’imagination au-dessus de l’auteur original, de l’audace, de l’originalité selon moi. J’admire ces auteurs qui osent le faire.

J’ai déjà présenté sur le blog quelques réécritures de contes à savoir les contes des royaumes et la belle et la bête.

Les réécritures de contes que proposent Tahar Ben Jelloun ont accentué ma curiosité de par leur contexte arabo-musulman.

J’ai eu un coup de cœur pour le petit chaperon rouge qui devient la petite à la burqa rouge. Tahar Ben Jelloun ne change pas profondément le squelette de l’histoire mais ici le loup est un homme. Selon Tahar Ben Jelloun, l’homme n’est pas un loup pour l’homme, l’homme est un homme pour l’homme. J’ai apprécié le contexte de l’islam radical et de la lutte contre l’extrémisme.

J’ai apprécié redécouvrir Peau d’âne lue et vue à la télé, il y a plus de 20 ans et les routes détournées empruntées par Tahar Ben Jelloun.

Je pense que le conte de la belle au bois dormant est davantage transporté par l’exotisme oriental que les autres contes.

J’ai découvert grâce à l’auteur deux contes de Perrault : Riquet à la houppe et Les Souhaits ridicules.

Certaines réécritures sont réussies et d’autres non. Cendrillon est mon conte préféré et j’avoue avoir été déçue parce que Tahar Ben Jelloun n’a pas fourni à mon sens un travail de réécriture original, audacieux de ce conte. A part les prénoms arabes, on reste collé à la version initiale.

Mes contes de Perrault aborde des thèmes d’actualité comme le féminicide, le racisme, les droits des femmes, l’obscurantisme religieux. C’est un recueil intéressant et dépaysant les pré-ado, les ado et les adultes.

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Amours sorcières

Tahar Ben Jelloun

Ce recueil offre 4 amours sorcières, 9 amours contrariées, 5 trahisons et 2 amitiés.

Dans ces 20 nouvelles parfumées aux senteurs de l’Orient, Tahar Ben Jelloun dévoile les pans de l’identité culturelle du Maroc : ses mœurs, ses tabous, ses superstitions, ses mille et une dispositions pour faire disparaître le mauvais œil, ses M.A.T (maladies amicalement transmissibles), l’hypocrisie générale et la corruption.

5 histoires m’ont réellement marquée :

  • L’amour sorcier… Hamza, célibataire endurci tombe amoureux de Najat, n’arrive pas à se débarrasser d’elle comme toutes les autres. Son ami Abdeslam n’y voit qu’une raison : il a été envoûté par Najat.

Dans cette histoire, je n’ai pas été marquée par l’intrigue mais plutôt par le caractère excentrique de Najat. Elle donne un côté intellectuel aux positions sexuelles ! On l’imagine en train d’y réfléchir sérieusement et moi ça m’a fait beaucoup rire. J’ai aussi aimé le regard posé sur les femmes célibataires :

Dans ce pays bien-aimé, il n’y a pas de place pour une femme libre ; ici tu es une maman ou une putain !

  • Séduction… Une femme cérébrale a besoin pour être séduite d’un conteur, un fabuleux diseur d’histoire. J’ai apprécié cette histoire pour  la poésie qu’elle dégage et sa chute brutale et inattendue.
  • Tricinti… Nour Eddine, un employé de la RADE, pour arrondir ses fins de mois décide d’escroquer un village qui réclame de l’électricité. Il est escroqué à son tour et de la pire des façons. J’ai apprécié l’allure de conte et l’humour que dégage cette histoire.
  • L’enfant trahi… un enfant s’adresse à son autre, un adulte qui veut mourir en martyr. Cette nouvelle m’a ramenée à toutes ces fois où j’ai trahi l’enfant en moi, en lui faisant suivre une trajectoire qui brisait ses rêves.
  • Naïma et Habiba… Deux femmes, l’une est borgne, l’autre a la maladie de Charcot, l’une est au service de l’autre… Cette histoire est une très belle leçon sur l’amitié et le courage.

Le courage c’est surtout le fait d’accepter ce qui arrive. Accepter, ne pas nier, vivre malgré tout.

Il n’y a pas eu que des coups de cœur, j’ai eu un coup de pied pour une histoire et devinez comment elle s’appelle ?

Pantoufle !

C’est l’histoire d’un homme qui aime ses pantoufles achetées lors d’un de ses voyages en France, des pantoufles qu’il ne retrouve jamais au même endroit. Il décide donc de ne plus se séparer de ses pantoufles et se rend dans un magasin de maroquinerie demander un cartable de la taille de ces pantoufles.

Quelle est la valeur ajoutée de cette histoire ? 0 J’ai réellement perdu 5 minutes de ma vie en la lisant.

En somme, j’ai apprécié moyennement ce recueil. Certaines histoires m’ont ennuyée parce que j’avais l’impression que c’était l’histoire qui les précédait mais sous une autre forme.

Ce livre a de belles citations que j’ai pris plaisir à noter :

L’amour est si rare que lorsqu’il nous atteint, il ne faut pas s’économiser, il faut s’y donner corps et âme.

Tu as appris que le monde est compliqué, que les mots ne disent pas ce qu’ils devraient dire et signifier.

La musique n’adoucit pas toujours les mœurs comme on dit, mais elle contribue à éduquer l’oreille de l’homme.

Ce que fait l’homme à l’homme, aucun animal, aussi féroce soit-il, ne peut le faire à un autre animal.

On écrit rarement sur la fidélité, la bonté, la paix… En revanche  le mal est un allié essentiel de la littérature ; elle en a besoin ; on pourrait dire que ça stimule l’écrivain.

Cette citation m’a interpellée. Le mal ne stimule pas seulement l’écrivain mais le lecteur. Combien de fois blâme-t-on l’écrivain quand il décrit un monde radieux, paisible ?

Un recueil de nouvelles ne devrait pas comporter plus de 10 histoires, je trouve que ça l’alourdit, modifie le caractère de la nouvelle qui est censée être brève. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Grâce Minlibé

Auteur de Chimères de verre