Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Les veilleurs de Sangomar – Fatou Diome

Nul ne s’aventure sans appréhension à Sangomar, ce bout de terre inhabitée où, dans la tradition animiste sérère, se rassemblent les djinns et les âmes des défunts. Sur l’île voisine, la jeune Coumba entame un long veuvage, recluse chez sa belle-mère. Elle vient de perdre son mari dans le naufrage du Joola, en 2002, au large du Sénégal. Dès la nuit tombée, après le cortège des prières rituelles et des visites obligées, Coumba peut enfin faire face à son chagrin, consigner les souvenirs heureux, invoquer les morts. Alors, sa chambre s’ouvre grand aux veilleurs de Sangomar, esprits des ancêtres et des naufragés qui lui racontent leur destin et la mèneront à la rencontre de son « immortel aimé ».

Un grand roman de liberté et d’amour fou, porté par le souffle ensorcelant de Fatou Diome.

mon-avis-de-lecture

Fatou Diome est une auteure que j’apprécie particulièrement pour ses prises de position sur l’immigration. 

Je n’ai lu à date que 40% de sa bibliographie. A chaque fois, le souvenir de la dernière lecture me précipitait dans les bras de la suivante. 

Les veilleurs de Sangomar évoque le lévirat et les conditions de la veuve à Niodor. Le lecteur assiste aux restrictions imposées à Coumba durant sa période de veuvage. Le lecteur tend l’oreille aux épanchements de cette jeune femme qui a perdu son amour, le père de sa fille dans le naufrage du Joola, en 2002. Dès que tombe la nuit, elle invoque les Veilleurs de Sangomar, l’île voisine où se rassemble, dans la tradition animiste, les esprits des morts. Elle invoque l’esprit de son époux. 

J’ai apprécié cette mise en avant de la culture animiste sérère ainsi que le portrait de Coumba, cette jeune femme qui va de l’avant, se reconstruit après le deuil. 

Fatou Diome aborde des sujets importants comme l’importance de rester soi-même sans se fermer aux autres. Additionner les cultures, être ouvert à l’autre sans se renier, tel est le message universel qu’elle semble vouloir transmettre à travers son oeuvre.

Je m’attendais à lire un roman de la même trempe que Celles qui attendent. Malheureusement, je n’ai pas été totalement convaincue par les veilleurs de Sangomar. La narration est lyrique, imagée mais le rythme est très lent, les longueurs sont nombreuses. Des paragraphes plus aérés auraient donné une fluidité du récit. 

Bref ! Ce n’est pas le roman de Fatou Diome que je recommanderais les yeux fermés 😦

détails ouvrage

Éditeur : Albin Michel

Date de publication : Août 2019

Nombre de pages :  336

Présélectionné pour le Prix les Afriques 2020

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Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Vous mourrez dans dix jours de Henri Djombo

Ce titre m’a intriguée et hantée durant un an. J’ai imaginé mille et un scénarios. Il me fallait ce roman.

Au SILA 2018, j’ai entendu le nom de son auteur. Il était présent sur l’un des stands. Henri Djombo, écrivain et ministre devait participer à la cérémonie de clôture du SILA 2018. Il n’y avait qu’un seul exemplaire du roman. Je n’avais plus de sous mais heureusement la monnaie électronique existe. J’ai donc tapé un sprint digne de celui de Marie José Ta Lou pour avoir cet unique exemplaire.

mon-avis-de-lecture

À l’annonce, par lettre anonyme, de sa mort dans dix jours, Joseph Niamo, un brillant chef d’entreprise, se coupe du monde et se recroqueville dans sa chambre à coucher. L’enquête intérieure, censée aboutir à l’identification de ses mystérieux détracteurs, se transforme en une véritable analyse de la nature humaine et des mœurs de la société contemporaine. Du fond de son «bunker secret», tel un spectre errant, Joseph Niamo pronostique minutieusement la réaction de sa femme, de ses enfants, du personnel domestique, des membres de sa famille, de ses employés, de ses détracteurs et de la société dans laquelle il vit.

Une société  où la veuve est maltraitée

Vous mourrez dans dix jours

 

Une société où les orphelins sont spoliés de leur héritage.

Une société où celui qui prospère est jalousé, envié, escroqué.

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Joseph Niamo a de nombreux détracteurs. Ses affaires sont souvent l’objet de sabotage. Triste de voir combien l’homme est un loup pour l’homme.  

Les jours passent et on craint que la menace ne s’exécute. Le dixième jour, la mort, tant redoutée, finit par le surprendre. Mais…

 

Vous mourrez dans dix jours est une agréable lecture. Belle écriture fluide qui suscite de l’émotion. La lectrice gourmande et exigeante que je suis en attendait beaucoup plus de l’intrigue. 

Le roman s’attarde sur l’analyse de la nature humaine et des mœurs de la société contemporaine. J’ai apprécié mais espérais plus. L’émetteur de la lettre anonyme par exemple n’est pas démasqué. On a des soupçons tout au long de la lecture qui ne sont ni confirmés, ni infirmés. 

Je m’attendais à des rebondissements et quelques faits de suspense qui ne sont jamais venus. Ce livre ne s’est pas donné cette vocation…

 

GM signature

 

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IL Y AURA UN JOUR UN NOEL POUR TOI

Noël est là. Ce soir et demain, nous serons en famille autour d’une table et d’un sapin de Noël bien garnis.

Nous aurons de grands moments de réjouissance que d’autres ne connaîtront pas parce qu’il leur manque une présence, une pièce d’argent…

Deux grands poètes Joseph Kokou Koffigoh et Lazare Koffi Koffi veulent communiquer l’espoir à ces personnes démunis, affaiblis.

J’ai été touchée par ces deux poèmes lus sur Poètes à l’honneur,  j’espère qu’il en sera de même pour vous.

Pauvreté

© Image de Sacha Light

Promesse de Noël

Une pensée pour toi qui peine en ce moment,
Sans travail, ni secours, sans mari ou sans femme,
Sous menace d’hommes prédateurs et méchants,
Chassé de ta maison, tout espoir dans les flammes

Une pensée pour toi au regard vacillant,
Veuve abandonnée dans la désespérance,
Qui scrute l’horizon en ces temps de l’avent,
Avec tes orphelins en manque d’assurance.

Une pensée pour toi qui souffre tout le temps
Pour vivre au quotidien, qui tend la main au riche
Pour cueillir les restes des os et du froment
Envoyés aux pourceaux et aux chiens dans les niches.

Une pensée pour toi qu’on a sorti des rangs,
Prisonnier quelque part, saignant sous les menottes,
Toi dont la bonne foi et le cœur innocent
Obligent à lutter pour que les verrous sautent.

C’est à toi homme assoiffé de pain et de foi
De justice et de joie, de salut, de refuge,
Que s’adresse la voix qui crie sur tous les toits,
Comme le fit Noé juste avant le déluge.

C’est à toi l’assoiffé d’amour et de tendresse,
De caresse sous la croix, d’un peu de compassion,
Que l’ancêtre Isaïe avec passion s’empresse
D’annoncer la venue de Noël aux nations.

Ainsi un enfant-roi, couché dans son berceau,
Guidera les mages au fil de son étoile!
Joins-toi à eux pour voir l’incroyable cadeau
Qui t’attends toi aussi si ta foi se dévoile.

Joseph Kokou Koffigoh
(Publié en décembre 2013 sur Facebook)

IL Y AURA UN JOUR UN NOEL POUR TOI

O toi, qui as faim et qui chaque jour gémis
Le ventre avide et friand de l’amour humain
Les riches rassasiés d’égoïsme et de dédain
Repoussent ta main qui sollicite et te fuient.
Ne désespère pas : il vient l’enfant-Dieu
Né dans une étable pour assouvir ta pénurie.
Il te comblera du vrai pain, source de vie.
Un jour, il y aura pour toi, un Noël merveilleux.

O toi, qui es assoiffé et chaque jour pleure
La gorge desséchée d’aide de bon Samaritain.
Il ruisselle sur des tables aisées du bon vin
Dont le coût outrage tes déserts intérieurs.
Ne désespère pas : il vient l’Emmanuel
Dieu incarné dans ta chair pour te désaltérer
Fontaine d’eau vive pour les soifs te libérer.
Un jour, il y aura pour toi, un joyeux Noël .

O toi, qui es nu et qui chaque jour souffre
Le corps grelottant sous les serres du froid
Ta nudité est portée comme une rude croix
Attisant les risées qui te poussent au gouffre.
Ne désespère pas : il vient le Fils de Dieu
Lui qui sera dépouillé de tout, un Roi dénudé
Afin que tu sois, de forte cuirasse, protégé
Un jour, il y aura pour toi, un Noël heureux.

O toi, qui en prison, chaque jour est soumis
A l’humiliation et à l’âpre injustice du monde
Tel un gueux caché dans un trou immonde
Oublié des tiens qui te vouent aux gémonies.
Ne désespère pas : il vient le véritable Juge.
Peuples et nations seront séduits par sa justice
Tu seras justifié et lavé des lois accusatrices
Un jour, il y aura pour toi, un Noël des anges.

O toi, qui orphelin, chaque jour peine à subsister
Il n’y a pour toi, ni affection, ni amour parental
Seul à la merci des vies vicieuses et immorales
Au vent, à la nature et au danger, tu es exposé.
Mais ne désespère pas : il vient le bon Berger
L’ami sûr des affligés qui ne tarie pas en grâces
Il essuiera tes larmes et te remplira d’espérance
Un jour, il y aura pour toi, un Noël des protégés.

O toi, qui veuve, chaque jour languis de dégoût
Ta vie sans compagnon est amère et ennuyeuse
Tu vois au coin des rues des donzelles radieuses
S’arracher les baisers d’amoureux prêts à tout.
Ne désespère pas : il vient le Prince de l’Amour
Qui vivra le tourment du calvaire pour ton salut
Il remportera tous les défis ambitieux et résolus
Un jour, il y aura pour toi, un Noël de beaux tours.

O toi, qui en exil, chaque jour scrute et sonde le ciel
Séparé de tes bien-aimés, sevré de toute attention
Tu suis les présages d’un retour glorieux à la maison
En solitaire triste abonné aux cauchemars démentiels.
Ne désespère pas : il vient le vénéré Consolateur
Qui mettra un baume puissant dans ton cœur meurtri
Il manifestera sa gloire et les méchants seront bannis.
Un jour, il y aura pour toi, un Noël rempli de faveurs.

Oui, il faut y croire, il y aura un jour, un Noël pour toi
Un Noël de jubilation, un Noël de toutes les assurances
Un Noël pour toi qui en la justice divine fait confiance.
Il y aura un Noël des détenus oubliés et de tous les parias
Un Noël des enfants abandonnés et des veuves ébranlées
Un Noël des isolés par les lisières de la haine mordante.
Oui, frère, Dieu vient pour apaiser tes épreuves pesantes
Qu’il consumera par le feu de son amour pour l’éternité.

Lazare KOFFI KOFFI.
in Si la graine ne meurt

Joyeux Noël à tous ! Réjouissons nous et dans la mesure du possible n’oublions pas ceux qui n’ont pas notre chance. Partageons ce que nous avons, faisons vivre la flamme de l’amour et l’espoir. 

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Photo de groupe au bord du fleuve

Elles sont une quinzaine à casser des blocs de pierre dans une carrière au bord d’un fleuve africain, et elles ont décidé ensemble de doubler le prix de vente de leur sac de gravier .jusque-là acheté à vil prix par des entrepreneurs voraces. L’enjeu de cette lutte n’est pas seulement l’argent et sa faculté de transformer les rêves en projets – recommencer des études, ouvrir un commerce, prendre soin de sa famille …. Malgré des vies marquées par la pauvreté, la guerre, l’oppression au travail, les violences sexuelles et domestiques, les « casseuses de cailloux » découvrent la force collective et retrouvent l’espoir. Cette journée ne sera pas comme les autres, et les suivantes pourraient bien bouleverser leur existence à toutes, à défaut de changer le monde.

Photo de groupe au bord du fleuve

Ce roman de plus de 400 pages décrit la réalité de l’Afrique, ses miracles qui sont routine quotidienne ailleurs : accès à l’eau potable, l’électricité et soin médical ; ses traditions qui ne favorisent pas la condition de la veuve, expropriées de tous ses biens, à la merci d’une belle-famille cupide et hypocrite.

Triste à dire, mais en Afrique il n’ y a pas que le sida et la malaria qui tuent, le mariage aussi.

Et chaque souffrance est unique. Personne ne peut vivre ni supporter celle d’une autre.

Photo de groupe au bord du fleuve est le portrait de femmes qui se construisent une deuxième vie parce qu’on a détruit la première, ont subi le pouvoir de l’Etat, du sexe masculin.

Au fil des pages, on découvre des femmes avec un passé douloureux, un présent laborieux et un futur qu’elles espèrent radieux. Elles ne font pas que l’espérer, elles se battent pour l’avoir.

Analphabètes ou instruites, coquettes ou hommasses, elles dépassent leurs différences et s’unissent pour résister aux pressions sociales et défendre leur droit primordial : le respect et la dignité.

Photo de groupe au bord du fleuve est le portrait d’un pays, d’un continent qui donne toujours l’avantage aux hommes, portrait d’un pays, d’un continent où le peuple doit penser à l’intérêt général, le Président et ses collaborateurs à leurs intérêts personnels.

C’est triste de voir qu’au 21e siècle, l’exploitation de l’homme par l’homme existe encore …

Ce roman est plein de sentiments : rire, tendresse, larmes, peur, doute, révolte, déception … L’histoire n’est pas linéaire, attise notre envie d’aller jusqu’au bout. J’avoue que j’éprouvais de la culpabilité quand je devais lâcher le livre quelques instants pour vaquer à mes occupations quotidiennes.

J’ai adoré ce roman pour la condition de la femme africaine qu’il met en évidence et l’espoir qu’il instille ! Que dire du caractère bien trempé de ces femmes !  J’ai admiré leur force, leur solidarité, leur détermination, leur sacrifice…

Où se trouve la sincérité d’une solidarité si cela n’implique aucun sacrifice ?

J’ai adoré ce roman pour la narration à la deuxième personne que je trouve originale et vivante, pour cette porte ouverte à l’imagination du lecteur concernant  l’évolution d’un amour naissant …

Ce livre est gravé dans ma mémoire, inscrit au Top 3 de mes coups de cœur littéraires.

Grâce Minlibé

Auteur de Chimères de verre