Merde à ce monde qui sélectionne les morts qu’il doit pleurer.
Tel est le message que j’ai écrit sur Twitter après l’attentat qui a fait 276 morts et 300 blessés à Mogadiscio. Attentat passé sous silence. Non, le monde a autre chose à faire que de s’appesantir sur l’horreur en Somalie. Mogadiscio n’a pas l’allure de Paris, Londres, Barcelone. Mogadiscio c’est où déjà ?
Mon cœur saigne à chaque fois qu’il y a un attentat dans le monde, j’ai mal au cœur quand mon continent est frappé mais le 15 octobre, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
276 morts dans un coin du monde mais c’est comme si rien ne s’était passé. Mogadiscio n’a pas l’éclat de Paris, Londres, Barcelone. Elle n’a pas fière allure. Mogadiscio c’est où déjà ?
Les « stars » que je suis sur les réseaux sociaux n’ont pas pris la peine de poster une image #PrayforSomalia. J’ai laissé passer quelques jours avant de publier cet article, je me suis dit : laisse leur le temps d’apprendre cette terrible nouvelle, ils sont très occupés. Le temps a passé, je n’ai rien vu.
Ce monde manque terriblement d’humanité.
Ce monde manque cruellement d’amour.
Ce monde sélectionne les morts qu’il faut pleurer.
Ce monde choisit le deuil légitime à porter.
J’ai été choquée par cette indignation sélective, ce lourd silence. J’ai compris que la compassion est géographique, qu’il y a des victimes qui comptent plus que d’autres. J’ai compris que les morts en Afrique n’ont aucune valeur.
Depuis 2015, la Tour Eiffel s’est éteinte en hommage à des victimes d’attentats plus de 6 fois. Va t-elle s’éteindre pour Mogadiscio ? Pardonnez-moi, j’ai oublié. Mogadiscio n’a pas l’allure de Paris, Manchester, Barcelone, Bruxelles, Saint-Pétersbourg.
J’ai écrit l’année dernière un texte après les attentats de Boko Haram au Cameroun. J’étais indignée parce que certains présidents africains avaient pleuré Charlie Hebdo et oublié leurs morts à Kolofata ou Maroua.
Je l’ai ressorti parce qu’il est malheureusement d’actualité.
Hâtez-vous !
Venez pleurer nos morts !
Laissez les vôtres
Vos morts ne sont pas morts…
Venez pleurer nos morts, ces vies exceptionnelles qui ont pris le chemin du non-retour,
Ces vies riches qui ont impacté le monde
Venez pleurer nos morts, laissez les vôtres. Leur absence ne changera pas le monde…
Exposez notre chagrin à coups de hashtag, partagez notre deuil, négligez le vôtre
Geignez sur nos morts et leurs sensibilités qu’ils nous ravissent
Pleurez les brillants érudits,
Les preneurs de risque, les épicuriens émérites
Fixez vos regards sur nos vies raffinées qui se sont envolées.
Venez, ignorez vos pertes humaines régulières, vos morts que vous comptez quotidiennement par milliers
Pleurez pour Paris, Barcelone, Manchester pendant des mois. Pleurez pour Maroua, Kolofata, Ouaga, Bamako pendant quelques instants.
Les morts violentes et cruelles, vous en avez l’habitude. Pourquoi vous appesantir sur une énième mort ?
Oui, nous partageons la même brutalité de l’état islamique,
Oui, nous subissons la même folie meurtrière mais nos morts n’ont pas la même valeur, la même signification. L’intensité de la douleur ne peut pas être la même…
N’oublions pas qu’une perte en vie humaine est une perte en vie humaine peu importe que la victime soit blanche, jaune, noire. N’oublions pas que devant la mort, nous sommes tous égaux.
Pleurons avec la même intensité tous les êtres humains que la folie de l’état islamique et ses dérivés arrachent au monde.
Aimons nous pour de vrai. Soyons profondément humains.