Publié dans Arrêt sur une oeuvre

De bons voisins de Ryan David Jahn

New York, années 1960. Kat Marino, qui rentre tard chez elle, est agressée au couteau par un inconnu. L’homme s’enfuit, mais il reviendra une heure plus tard, pour la violer et l’achever de plusieurs coups de couteau. Mais que s’est-il passé pendant les soixante minutes où Kat est restée seule à agoniser dans la cour de sa résidence ? Malgré l’heure tardive, de nombreux témoins se sont penchés depuis leur fenêtre et ont vu la jeune femme et son agresseur. Pourquoi personne n’a appelé la police ? Quelles pensées occupaient ces hommes et ces femmes pour qu’aucun d’entre eux ne porte secours à leur voisine ?

13 mars 1964

Kat, gérante de nuit d’un bar dans le Queens, rentre chez elle. Elle est fatiguée, pense à prendre un bain mais une silhouette imposante a des projets macabres pour elle. Il est environ 4 heures de la nuit quand elle est violemment agressée par un inconnu dans la cour de son immeuble.

Plusieurs de ses voisins l’ont vue ainsi que son agresseur. L’un d’entre eux a même dit à ce dernier de laisser la fille tranquille mais personne n’a appelé la police, pensant qu’un autre voisin, aussi témoin de la scène le ferait. Personne n’a réagi, chacun occupé à vivre sa vie et à résoudre ses problèmes.

Patrick qui s’occupe de sa mère malade et qui se demande s’il va répondre à la convocation à la visite médicale des forces armées ; Diane Myers qui ne supporte plus sa vie de couple; Thomas Marlowe qui s’est inventé une vie parce qu’il se sent coupable ; Peter et Anne occupés à expérimenter l’échangisme ; Frank qui va vérifier si sa femme a percuté un bébé.

Et pendant deux heures de temps, Kat, elle, lutte pour survivre.

J’ai l’habitude de regarder Chroniques criminelles, j’imagine souvent la douleur des victimes mais dans ce livre je l’ai éprouvée. Appeler à l’aide et se retrouver seule au monde. S’observer mourir, quelle tragédie ! J’en veux tellement à ces voisins nombrilistes.

De bons voisins est un livre poignant! J’ai tellement eu mal pour Kat! Et dire que c’est inspiré d’une histoire vraie, celle de Kitty Genovese, qui a défrayé la chronique dans les années 60 et donné naissance à la notion d’ « effet du témoin ».

De bons voisins c’est l’histoire d’une jeune femme, d’une ville et de sa violence aveugle, c’est l’histoire de flics corrompus, de la criminelle passivité. Ce roman est à ne surtout pas lire quand on est déprimé.

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

La défaite des mères – Adrienne Yabouza & Yves Pinguilly

Après la box d’Août, j’ai mis une pause de deux mois à mon abonnement. Je n’avais pas encore lu le livre reçu en Août et j’avais d’autres livres à lire. Septembre est passé. Octobre a pointé son nez et lorsque j’ai vu les goodies de la Kube d’Octobre sur Instagram, j’ai flanché. J’ai passé commande.

Mon envie de lecture est toujours la même: je remplis ma carte des auteurs africains. Il me reste une dizaine de nationalités pour la terminer.

Sarah, ma fidèle libraire dans l’aventure Kube n’étant toujours pas disponible, une libraire Kube m’a été attribué. L’un de ses genres littéraires de prédilection étant la littérature étrangère, je n’avais pas de crainte. Le lendemain, en consultant le statut de ma commande, je me suis aperçue qu’il y avait eu changement de libraire. Un libraire Kube avec pour genres littéraires de prédilection la littérature française et le feel-good. Pour ne rien vous cacher, j’ai flippé. Connait-il assez la littérature africaine pour me proposer un excellent titre ?

Il m’a choisi la défaite des mères. Grâce à ce livre, je peux cocher la République Centrafricaine sur ma carte. Mais le contenu du livre est-il bon ?

Au lendemain des indépendances, Niwalie naît à Kinshasa, avant de grandir en République ­centrafricaine. Son père, chasseur de léopards, devient le garde du corps de la Première dame du pays… et disparaîtra bientôt de la vie de son enfant. Niwalie grandira essentiellement auprès de sa mère, puis donnera elle-même naissance à quatre filles. C’est donc une histoire de femmes que nous raconte ce livre. Sauf qu’il ne s’arrête pas là. C’est l’Afrique centrale des années 1970, son personnage principal. Un pays en proie à un empereur mégalo et ­tyrannique qui échange de grandes claques dans le dos avec « Végéheu, le roi de France ». La violence, la pauvreté, la guerre, l’exil. La peur d’être une femme dans ce monde-là, la peur d’être la mère de quelqu’un dans ce monde-là, surtout quand ce quelqu’un n’est pas un homme. Sans jamais se départir de son humour et de sa poésie, Niwalie dresse le portrait au vitriol d’une société sur le point d’à nouveau basculer.

J’ai eu un peu de mal avec la narration et ce style parlé, imagé qui m’a d’ailleurs fait penser à Ahmadou Kourouma. L’humour et la dérision sont fortement sollicités pour évoquer ces présidents dictateurs en RDC et République Centrafricaine avec la complicité de VGE, que dis-je Vegeheu, roi de France.

L’Afrique Centrale des années 70-80 est au cœur du récit. J’aurais voulu que les dates soient précisées car difficile de se retrouver pour qui ne connaît pas parfaitement l’histoire politique de ces 2 pays.

Cette Afrique Centrale est racontée par Niwalie. Une enfant qui aimait apprendre mais n’a pas eu la chance de poursuivre ses études scolaires ; une jeune fille qui va être donnée en mariage sans avoir son mot à dire et connaître des maternités précoces ; une jeune femme qui va se battre pour rester en vie et préserver ses filles quand vont éclater des affrontements en République Centrafricaine. J’ai eu de l’empathie pour cette femme.

Je n’ai pas du tout compris le sens du titre du roman. Je n’arrive pas à comprendre les défaites des mères qui sont présentes dans le roman.

Je m’attendais également à ce que les portraits des sœurs de Niwalie, de ses filles soient faits. A part l’une de ses sœurs qui est brièvement évoquée, on ignore ce que sont devenues ses autres sœurs.

La défaite des mères fait moins de 200 pages et c’est un avantage de taille pour moi qui aime les romans courts. La lecture n’a pas été déplaisante mais ce n’est pas un livre que je recommanderai d’instinct.

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Dans le ventre du Congo – Blaise Ndala

Lorsque s’ouvre l’Exposition universelle de Bruxelles le 17 avril 1958, Robert Dumont, Sous-commissaire du plus grand évènement international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a fini par rendre les armes : il y aura bel et bien un « village congolais » parmi les quatre pavillons consacrés aux colonies. Le Palais royal a coupé court aux atermoiements du supérieur direct de Dumont, son ami le baron Guido Martens de Neuberg, Commissaire général d’Expo 58.

Dumont ignore que, parmi les onze recrues congolaises mobilisées au pied de l’Atomium pour se donner en spectacle devant les visiteurs venus des quatre coins du monde, figure la jeune Tshala, fille de Kena Kwete III, l’intraitable roi des Bakuba. Le périple de cette princesse nous est alors dévoilé, entre son Kasaï natal et Bruxelles, en passant par Léopoldville où elle a côtoyé Patrice Lumumba et Wendo Kolosoy, le père de la rumba congolaise, jusqu’à son exhibition forcée à l’Expo 58, où l’on perd sa trace.

Été 2004. Fraîchement débarquée en Belgique, une nièce de la princesse disparue croise la route d’un homme hanté par le fantôme du père. Il s’agit de Francis Dumont, professeur de droit à l’Université libre de Bruxelles. Une succession d’événements fortuits finit par dévoiler à l’un comme à l’autre le secret emporté dans sa tombe par l’ancien Sous-commissaire d’Expo 58. D’un siècle à l’autre, la petite histoire embrasse la grande pour poser la question de l’équation coloniale : le passé peut-il passer ?

J’ai découvert la plume de Blaise Ndala via Sans capote ni kalachnikov. Ayant apprécié sa plume mordante, j’avais hâte de lire un autre de ses récits. Et l’opportunité s’est présentée l’an dernier, lorsque ma maison d’édition Vallesse a édité pour l’Afrique, Dans le ventre du Congo et qu’il a reçu le Prix Ivoire 2021.

Deux parties et un prélude forment la charpente de ce roman. L’Expo 58 est présentée trois mois avant, puis quarante-cinq après et six semaines après l’ouverture officielle. La 2e partie est dédiée au retour au Congo.

Le lecteur découvre les coulisses de cette exposition mais surtout la princesse Tshala qui, tombant amoureuse d’un colon belge, sera obligée de partir à Léopoldville après cet affront que constitue cette liaison interdite. Une mauvaise rencontre avec Mark de Groof, commerçant et collectionneur d’art va l’amener à se retrouver au « village de bantous congolais » de l’Exposition Universelle avec une dizaine de congolais.

Dans l’un des pavillons les plus courus où les visiteurs pouvaient s’émerveiller devant un village de Bantous congolais avec leur invité Pygmée, en pleine jungle équatoriale, comme si vous y étiez », et ainsi toucher du doigt « le long chemin que la Belgique a fait prendre à ses indigènes depuis les ténèbres de l’époque de Kurtz jusqu’à l’ère contemporaine »

Tshala va donner du fil à retordre aux responsables du pavillon. J’ai apprécié son esprit rebelle. Pendant que ses compagnons dansent au rythme du folklore de l’ethnie teke, elle chante en français ou en latin.

Elle décide avec le groupe de mettre un terme à leur participation aux activités à la suite d’un incident dans ce pavillon congolais_ un incident qui va se répéter, dans un stade de foot, 45 ans après. Mais le pygmé Zando Bara, membre du groupe, est le seul à s’opposer. Et les mots de Zando Bara m’ont fait penser à toutes ces personnes qui parce qu’ils n’ont jamais expérimenté le racisme en ont marre des revendications des autres, ces personnes qui trouvent que le racisme est moins choquant, moins humiliant que le tribalisme. La dignité humaine a-t-elle plusieurs couloirs, plusieurs échelons ?

A travers l’histoire de Tshala, ce sont des faits historiques méconnus qui sont évoqués. Je n’avais pas en effet connaissance de cette exposition universelle de 1958 ni des collections de près de 200 fœtus, crânes et autres ossements d’Africains qui sont gardés depuis la fin du XIXe siècle dans les musées royaux belges.

Le passé est sale. Doit-on l’exhumer ? Dans le ventre du Congo semble être engagé sur la voie de la conciliation, celle qui jette un coup d’œil furtif au passé mais vit pour le futur.

… depuis que la terre est notre demeure commune, des peuples se rencontrent, tantôt dans la joie, tantôt dans la douleur, tantôt sous l’étreinte de l’allégresse, tantôt sous le joug de la barbarie.
Ce ne sont pas les blessures qu’ils s’infligent les uns aux autres qui comptent le plus lorsque le temps éclaire nos vacillantes illusions de discernement. Ce qui l’emporte, fils, c’est ce que leurs enfants après eux en retiennent afin de bâtir un monde moins répugnant que celui qui les a accueillis.

Sur la question de l’immigration, l’auteur semble avoir un avis bien tranché

Les humains doivent pouvoir aller où ils veulent, quand ils veulent, parce que c’est tout ce qu’ils ont fait depuis que l’Australopithèque, l’homme de Cro-Magnon ou que sais-je, a quitté sa grotte en Afrique, professeur Funcken. C’est aussi simple que ça, il me semble, non ? Regardez donc à quel point tout ça est finalement très banal : les Allemands, par centaines, vont en Chine et y trouvent leur bonheur ; les Chinois, par milliers, vont en Ethiopie et s’y enrichissent. Alors, dites-moi, au nom de quoi les Ethiopiens n’iraient-ils pas vivre en Australie ou au pôle Nord ?

Ce roman de près de 400 pages est dense, complexe dans sa structure narrative. Impossible de le lire d’une traite pour moi. Il m’a fallu des pauses pour assimiler l’histoire de la lignée royale des Kuba notamment.

Si j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre les parties où Tshala est la narratrice, celles de sa nièce Nyota m’ont laissée indifférente car je n’y ai pas trouvé le même degré d’émotions. J’attendais beaucoup de ce dernier roman de Blaise Ndala et j’ai eu l’impression à la fin de ma lecture de rester sur ma faim.

Comme dans sans capote ni kalachnikov, l’un des personnages est un footballeur. Est-ce du pur hasard ou l’auteur aime dresser le portrait des stars du ballon rond ? 😀

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

TTL 102: Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Vilains & Méchants

J’ai pensé à ce titre

Couverture        Et d'un seul bras, la soeur balaie sa maison

Lala vit chichement dans un cabanon de plage de la Barbade avec Adan, un mari abusif. Quand un de ses cambriolages dans une villa luxueuse dérape, deux vies de femmes s’effondrent. Celle de la veuve du propriétaire blanc qu’il tue, une insulaire partie de rien. Et celle de Lala, victime collatérale de la violence croissante d’Adan qui craint de finir en prison.
Comment ces deux femmes que tout oppose, mais que le drame relie, vont-elles pouvoir se reconstruire ?

J’ai choisi ce roman de Cherie Jones parce que la majorité des hommes dans ce roman sont vilains: moralement laids. Ce sont des hommes violents, particulièrement méchants envers des femmes, leurs femmes, leurs filles.

Il y a le vilain Carson qui abuse de sa fille,

Rainford, le vilain et jaloux fiancé, qui n’arrive pas à aimer la fille de sa fiancée et va tuer celle qu’il prétend aimer,

Il y a Adan, le géant, qui bat continuellement sa femme,

Il y a le vilain lieutenant Beckles qui va abuser d’une femme.

Elles s’appellent Esmé, Lala, Saba, Mira et elles subissent la violence du mâle.

A travers ce récit de plus de 300 pages, le lecteur fait face à la fureur de l’homme. Une violence qui ne peut s’expliquer, une violence qu’on croirait innée.

A travers les histoires personnelles et commune de Wilma, Esmé et Lala, l’on est tenté de se demander si la violence conjugale est un héritage transmis de génération en génération.

elle ne comprenait pas que, pour les femmes de sa lignée, le mariage était, d’une manière ou d’une autre, un meurtre.

Le lecteur assiste, impuissant, au relâchement de l’éducation parentale, à l’influence malsaine des adultes et à la naissance de monstres comme Adan.

Le récit se déroule à Baxter dans les années 80 et dans ce paradis pour touriste, les élites et riches noirs sont rares. Il n’y a presque pas de médecin. Les femmes cousent, tressent, font le ménage ou se prostituent. Les hommes sont des gigolos, des braqueurs ou dealers de drogue. J’ai grincé des dents face à ce portrait misérabiliste d’afro-descendants.

Il m’a manqué l’histoire économique de l’île de la Barbade pour justifier ce portrait.

Le style de l’auteure est entraînant, le ton assez mélancolique. Si j’ai eu de la compassion pour Lala, le seul personnage auquel je me suis attachée est Tone. Je n’ai d’ailleurs pas du tout aimé le sort qui lui est réservé à la fin.

Si j’ai apprécié ma lecture, de nombreuses questions restent sans réponse pour moi : pourquoi Wilma reste-t-elle avec son mari malgré tout ? Pourquoi Esmé et Saba se prostituent ? Pourquoi Tone a décidé de vivre cette vie? Qu’est-ce qui a déclenché cette Chose qu’il ne peut nommer ?

Un amour interdit Alyssa Cole

Que sont les secrets, si ce n’est des choses que l’on veut oublier ?

tu comprends qu’aimer un homme ne s’apprend pas, car si c’est le bon, l’apprentissage est inutile, l’amour est la chose la plus naturelle au monde. Tu comprends que si tu dois apprendre à aimer un homme, il n’est probablement pas celui que tu devrais aimer.

Avez-vous lu ce livre ?

Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

TTL 97 : Le mal de peau – Monique Ilboudo

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Scolaire.

Ce thème m’a fait penser au mal de peau de Monique Ilboudo pour deux raisons. La première: l’un des personnages principaux part faire ses études universitaires en France, la vie estudiantine est évoquée. La seconde, vous la découvrirez dans mon avis.

Couverture Le mal de peau

Le Mal de peau met en parallèle le destin de deux femmes, Sibila, la mère, et Cathy, la fille. Ces deux femmes vont, chacune dans leur époque, se trouver confrontées au colonisateur blanc. A l’image de son peuple, Sibila sera violée par le commandant de cercle. Née de ce viol, Cathy a du mal à vivre sa différence, et n’a qu’un rêve : retrouver son géniteur. A vingt ans, elle traverse la mer et vient étudier en France. Elle découvre Paris et sa banlieue, l’université, et tombe amoureuse d’un jeune Blanc. Mais après la mère, le destin de la fille sera à son tour marqué par les forces sombres de la colonisation.

Deux femmes, une lignée. Le mal de peau c’est leur histoire commune et leurs parcours de vie. On suit de façon alternée la vie de Sibila, la mère de Cathy au Tinga et Cathy qui part faire ses études universitaires en France.

Alternance de lieux mais aussi d’époque. Le Tinga colonial et post-colonial.

Dressons d’abord le portrait de la mère. Une femme que la vie n’a pas épargnée. Son père tente de la marier de force, elle est ensuite violée par un colon. Ces événements ont-ils conditionné sa vie sentimentale ? C’est l’impression qu’on a car Sibila enchaîne les déboires sentimentaux. J’ai eu de la peine pour cette mère célibataire qui tente à travers les hommes qu’elle rencontre de trouver un père pour ses enfants.

Cathy est le fruit d’un acte sexuel non consenti. Métisse, elle subit des rejets à l’école. Elle rêve de connaître son père. Ses études universitaires la mènent en France et elle y rencontre un jeune homme blanc issu d’une famille où le mélange des races ne fait pas partie des vœux.

Dans ce pays qui n’est pas le sien, elle se frotte au racisme, au rejet. Le mal de peau refait surface.

Défis de mère célibataire, racisme dans les années post-coloniales, métissage et sentiment d’entre-deux sont les thématiques de ce roman.

Thématiques intéressantes mais j’ai eu du mal au bout d’un certain temps avec la narration académique, le ton didactique. J’ai hélas trouvé que certaines descriptions étaient inutiles à mon sens.

Je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages. J’ai trouvé que l’histoire de Sibila était plus vivante que celle de sa fille.

Et que dire du dénouement ? Une véritable déception ! Quel était le but de l’auteur: choquer le lecteur, déclencher une avalanche de larmes, rendre son histoire inoubliable ? D’autres péripéties auraient été nettement judicieuses. Oui, une vie qui commence et s’achève dans le malheur, c’est un fait, mais qu’elle nous présente un clap de fin de ce genre, ça n’a aucun sens pour moi.

Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Lame sur les lèvres- Loïc Henry

Je remercie NetGalley et les éditions Hugo Publishing pour la découverte de ce roman. La 4e de couverture étant très aguichante, je me suis laissé tenter…

Les événements se déroulent de janvier 2018 à juin.

Le récit s’ouvre sur une personne. Instinctivement, je pense à un homme. Cet homme observe une personne qu’il s’apprête à tuer. On découvre ensuite de façon chronologique Charlotte, Zoé, un mystérieux personnage puis Alexis.

Charlotte, quarantenaire, veut devenir mère célibataire et propose à un ancien ami de lycée d’être le donneur. Zoé a 26 ans et est mannequin professionnel. Alexis est un ancien légionnaire revenu à Paris pour venger la mort de Marin, son ancien compagnon d’armes.

Tous prennent la parole l’un après l’autre pour nous dévoiler leur quotidien y compris le mystérieux personnage qui élimine Stanislas Pellaut, Marin Kaliszewski, Hughes Janelidze, Bilal Touati, Anthony Dos Santos, Benjamin Cochet, Lucile Carpentier…

Le mystérieux personnage intrigue par sa façon d’écourter la vie de ses victimes. Quel est d’ailleurs le lien qui unit ces victimes ? Quel est le mobile du meurtrier ? Les indices sont donnés au compte-gouttes, les connexions s’établissent…

J’ai apprécié la narration interne, le point de vue alterné des personnages principaux. Le registre de langue employé est courant avec de brèves apparitions de mots soutenus. Je n’ai pas été émerveillée par la plume de l’auteur mais elle se laisse lire. J’ai également apprécié le clin d’œil à mon pays. L’un des personnages secondaires est en effet un ivoirien.

L’intrigue policière est intéressante à suivre même si des longueurs, péripéties invraisemblables et détails superflus l’amenuisent parfois. L’auteur surfe sur des thématiques actuelles: Viol, inceste, GPA, trafic sexuel, immigration.

Je ne me suis malheureusement pas réellement attachée aux personnages. Je les ai trouvés un peu ternes. J’ai trouvé certaines réactions de Charlotte assez illogiques (je les ai mieux comprises au dénouement de l’histoire) et Zoé plutôt immature pour son âge. Il n’y a que deux personnages que j’ai trouvés intéressants: Alexis et Grégoire Rannou. J’ai par ailleurs beaucoup apprécié le lien de ce dernier avec Zoé. J’aurais aimé en savoir davantage sur lui. Si l’auteur pense à faire une saga policière avec lui, je serais ravie de l’y retrouver.

En conclusion : Lame sur les lèvres est une lecture moyenne pour moi, la faute au rythme pas très haletant de l’histoire et à des personnages qui n’ont pas su m’embarquer dans leurs histoires personnelles.

Envie de vous faire votre propre idée de ce roman? Il sort demain!

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

L’accordeur de silences – Mia Couto

« La première fois que j’ai vu une femme j’avais onze ans et je me suis trouvé soudainement si désarmé que j’ai fondu en larmes. Je vivais dans un désert habité uniquement par cinq hommes. Mon père avait donné un nom à ce coin perdu: Jesusalèm. C’était cette terre-là où Jésus devrait se décrucifier. Et point, final.
Mon vieux, Silvestre Vitalicio, nous avait expliqué que c’en était fini du monde et que nous étions les derniers survivants. Après l’horizon ne figuraient plus que les territoires sans vie qu’il appelait vaguement l’Autre-Côté. »
Dans la réserve de chasse isolée, au cœur d’un Mozambique dévasté par les guerres, le monde de Mwanito, l’accordeur de silences, né pour se taire, va voler en éclats avec l’arrivée d’une femme inconnue qui mettra Silvestre, le maître de ce monde désolé, en face de sa culpabilité.
Mia Couto, admirateur du Brésilien Guimares Rosa, tire de la langue du Mozambique, belle, tragique, drôle, énigmatique, tout son pouvoir de création d’un univers littéraire plein d’invention, de poésie et d’ironie.

Trois grands livres forment la charpente du roman. Dans la première partie, Mwanito, le narrateur, présente ce qui fait son monde. A 11 ans, il vit dans un désert habité uniquement par cinq hommes. Son humanité n’est composée que de son père Silvestre, son frère Ntunzi, Zacaria, le militaire et son oncle Aproximado qui leur rend visite de temps en temps. Mwanito présente chaque membre de son humanité dans les premiers chapitres. Au début, on rit de l’étrangeté du père qui vit replié sur lui-même, oublieux de son passé puis on est assez choqué de son extravagance et de l’affection qu’il accorde à son ânesse.

J’ai ressenti de la lassitude due à la lenteur du rythme jusqu’à l’apparition de Marta. La venue de cette femme portugaise va provoquer des remous dans la vie des habitants du désert. A travers elle, c’est la thématique de la condition féminine qui est introduite.

La profondeur de l’histoire s’accentue au fil des pages, les révélations au dernier livre éclaircissent les raisons de la solitude de Silvestre.

L’accordeur de silences, c’est un style très imagé, philosophique. La saudade, omniprésente dans le roman, donne une atmosphère particulière au texte. J’ai apprécié les thèmes abordés: poids du passé, culpabilité, relation père-fils, relation homme-femme, expression de la féminité, solitude.

Ce roman a été choisi par Sarah, ma fidèle libraire dans l’aventure Kube. Dans ma commande Kube de décembre dernier, je lui ai indiqué que je remplissais ma carte des auteurs africains et aimerais bien lire un auteur de l’une des nationalités suivantes: centrafricain, namibien, tanzanien, mozambicain ou érythréen.

Dans cette Kube, j’ai également reçu un marque-page Kube, deux sachets de thé de la route des comptoirs, un extrait de Le sixième sens de L.P.Hartley paru en janvier dernier aux éditions La Table Ronde, un calendrier 2021 et des fiches de lecture bristol de la marque foglietto.

Et je remercie l’équipe Kube pour leur diligence car je ne m’attendais pas à recevoir la Kube fin décembre. Ca m’a fait du bien de l’avoir pour mon anniversaire 🙂

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

TTL 71 : Black Cendrillon – Jean-Claude Derey

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est Couverture sombre.

J’ai immédiatement pensé à

Livre : Black Cendrillon écrit par Jean-Claude Derey - Rivages

Jeanne Baguirmi est-elle vraiment une « erreur de calcul du grand ordonnateur céleste » ? A vingt ans, elle se retrouve bonne à tout faire chez un Libanais de N’Djamena. Mais il a « le tort de la confondre avec un melon d’eau qu’on pétrit et qu’on renifle ». Elle le tue d’un coup de fer à repasser… Et tombe aussitôt entre les pattes du commissaire Idriss Salamat qui lui propose un marché : il passera l’éponge si elle se met au service du diplomate Jonathan Gray, qu’elle espionnera pour le compte des autorités tchadiennes. Lorsque Jeanne arrive chez les Gray, elle est confrontée à un couple étrange : un play-boy viril et une mégère anorexique cohabitent dans une maison où rôdent la folie et la mort…

Cendrillon est ma princesse Disney préférée alors sa présence dans un titre de roman attire forcément mon attention 😀

La narratrice qui s’exprime du fond d’une cellule raconte comment elle a riposté face à une tentative de viol de son patron, M. Fouad. Une riposte violente mais j’ai trouvé encore plus violent les propos des policiers et du commissaire misogyne  

Les Blancs battent le tam-tam pour un viol, mais à N’Djamena, dans le pays le plus misérable d’Afrique, le pucelage d’une broussarde comme toi ne vaut pas un kilo de tomates ! Pourquoi tant de manières, hein ? Nom de Dieu ! Qu’est-ce qui t’a donc pris ? Tu écartes les cuisses, tu te laves, aucune trace, comme le passage d’un nuage sur le sable ! A cause de tes idées tordues, une famille libanaise est en deuil ! 

Jeanne se voit proposer un marché en échange de sa liberté : espionner un diplomate. Elle nous décrit sa famille: sa mère qui attend avec persévérance qu’on libère son innocent de mari de prison, sa sœur qui s’offre au plus offrant mais aussi les conditions de vie des expatriés au Tchad

Chez nous, le Blanc vit sur une autre planète, à des années-lumière de la crasse et de la misère.

Jeanne découvre son nouveau patron, le beau Jonathan. Pourra-t-elle réaliser sa mission d’espionnage avec cet amour qui commence à lui voiler la raison ?

Je m’attendais à lire un roman d’espionnage au Tchad avec du suspense, de l’action, des rebondissements. Mes attentes ont été, hélas, contrariées. Il est plutôt question de manipulation, d’obsession amoureuse, de l’image des noires perçue par les blancs expatriés. En toile de fond, l’atmosphère politique du pays dans les années 70.

J’ai eu de la peine pour cette cendrillon noire qui voulait vivre un conte de fées. 

 

Et vous, quel livre avez-vous ou auriez-vous choisi pour ce thème ?

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

D’autres vies sous la tienne – Mérine Céco

l'Afrique écrit

C’est une île lointaine, censément paradisiaque, que les dépliants touristiques surnomment « l’île des revenants ». Une île que cette femme a fui tant elle voulait l’oublier, se croyant victime d’un sortilège qui la lie toujours à elle.
Jusqu’au jour où elle se retrouve confrontée au désir de sa fille, pourtant née dans le pays d’adoption, de renouer avec les âmes errantes de cette île et les fantômes de son passé. C’est alors qu’affluent chez la mère tous les souvenirs enfouis, les récits familiaux douloureux, les drames de la violence misogyne, de l’inceste, du viol…
Par une lettre qu’elle adresse à sa fille, la mère interroge son passé et son présent, et, ce faisant, fait remonter à la surface des tresses de récits, des éclats de paroles étouffées, des questionnements intimes, autour notamment d’une figure trouble, celle du « dorlis », équivalent créole de l’incube du Moyen-âge, ce démon mâle qui prend corps pour abuser d’une femme qui dort. En l’île répudiée, c’est lui qui règne en maître absolu ; c’est l’Homme, blanc, noir, mulâtre, indien, qu’importe ; riche ou pauvre, croyant ou mécréant. Lui, pour qui le ventre des femmes est à labourer sans répit, à triturer, à torturer parfois même.
À travers ce chassé-croisé, l’auteur explore la peur intestine qui habite tous ceux qui naviguent entre plusieurs appartenances, peur qui les conduit à l’invention de figures magiques pour recouvrir une réalité trop douloureuse. Si ce roman s’enracine dans une réalité socio-historique indéniablement caribéenne, et fait écho à une actualité brûlante, il témoigne tout autant d’une quête universelle : celle des femmes résistantes, qui osent affronter à plume découverte l’obscur éclat des généalogies marquées par une oppression masculine masquée ; celle des « déracinés » qui, dans le silence obstiné des autres, portent leur couleur de peau et leur histoire comme un fardeau.

 

l'Afrique écrit

 

Une mère, une fille. La première regarde la seconde boucler ses valises.

La mère admire la maturité de sa fille. Elle, elle est restée enfermée dans le jardin de son enfance.

C’est qu’il y a eu un grand trou, un vertige dans ma vie quand j’ai eu douze ans : pour me protéger, pour survivre, j’ai décidé que mes souvenirs n’iraient pas au-delà.

Une mère aimerait confier son histoire faite de silences. Elle écrit donc une lettre à la fille. Une lettre qui se lit comme un roman.

Le lecteur curieux, avide de révélations de secrets embarque dans ce récit à la 1ère personne où Céline Clairon épouse Pernat raconte son passé à Anita sa fille. Anita répond également à sa mère et leur échange épistolaire pose des réflexions intéressantes.

Peut-on vivre détaché de l’histoire de ses ancêtres ?

Nos choix sont-ils dictés par l’inconscient collectif ?

Ce roman évoque la hiérarchisation de la couleur de peau que la narratrice appelle couleur de corps, les injustices subies par ceux qui ont la couleur de corps plus foncée, les stigmates d’infériorité transmis de génération en génération, la liberté individuelle entravée par la liberté collective,  le racisme ordinaire, les violences basées sur le genre.

Ce roman décrit ce monde où :

  • le racisme est ordinaire, ancré dans les habitudes de vie,
  • l’assimilation est préférée à l’intégration.

 

extrait d'autres vies sous la tienne

 

Ce roman m’a fait découvrir la psycho-généalogie dont je n’avais pas entendu parler jusque-là.

Albert m’expliqua qu’il était psycho-généalogiste. Qu’il travaillait sur les analyses transgénérationnelles, les mémoires toxiques, les secrets de famille, les transmissions inconscientes de traumatismes et de fautes lourdes, des ancêtres vers leurs descendants.

 

Le récit est fluide, contient des idées intéressantes mais je ne me suis pas attachée aux personnages. Par ailleurs, la structure narrative n’est pas très fine. Les péripéties s’enchaînent souvent sans transition.

 

Christmas

 

Roman présélectionné pour le Prix les Afriques 2020

Éditeur : Ecriture

Collection : Littérature française

Date de publication: Février 2019

Nombre de pages: 235

 

Disponible aux formats papier et numérique

 

 

 

 

Publié dans Arrêt sur une oeuvre

La couleur du lait de Nell Leyshon

En cette année 1831, Mary, une fille de 15 ans entame le tragique récit de sa courte existence : un père brutal, une mère insensible et sévère, en bref, une vie de misère dans la campagne anglaise du Dorset.
Simple et franche, lucide et impitoyable, elle raconte comment, un été, sa vie a basculé lorsqu’on l’a envoyée travailler chez le pasteur Graham, afin de servir et tenir compagnie à son épouse, femme fragile et pleine de douceur.
Elle apprend avec elle la bienveillance, et découvre avec le pasteur les richesses de la lecture et de l’écriture.. mais aussi l’obéissance, l’avilissement et l’humiliation. Finalement, l’apprentissage prodigué ne lui servira qu’à écrire noir sur blanc sa fatale destinée. Et son implacable confession.

 

Petite Mary. Elle a les cheveux couleur de lait et une patte folle. Son innocence, son entière franchise la rendent attachante.

Chez elle, son père règne en maître et seigneur. Mary travaille dur comme ses 3 sœurs et sa mère sans obtenir de lui un mot de reconnaissance. Quand son père lui annonce qu’elle va devoir travailler chez le pasteur Graham, j’imagine un peu de douceur dans la vie de Mary, une délivrance de l’autorité paternelle, un nouvel élan mais sa vie prend une tournure dramatique au contact du pasteur Graham. Cet homme d’église censé conduire les Hommes au paradis, va conduire petite Mary en enfer…

L’autorité de l’Homme ne disparaît pas. Elle mue, change de lieu. Père ou employeur, chacun abuse de son autorité.

J’aurais voulu un autre destin pour elle autre que celui qui nous est conté. Les dernières lignes du récit sont douloureuses à lire.

 

Le style narratif déroute mais on finit par s’y habituer. Il n’y a point de ponctuation, il faut rester concentré pour saisir le dialogue, savoir qui parle etc…  Je classerais plus ce récit dans le genre de la novella plutôt que dans celui du roman. Il y a peu de protagonistes, le récit est focalisé sur un sujet précis…

Je respecte le choix de l’auteure mais je pense qu’elle avait assez de matière pour étoffer le roman. Les personnages secondaires comme les sœurs de Mary pouvaient être plus développés.

 

Avez-vous lu ce roman ? Connaissez-vous cette auteure ?

 

fleur v1