Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Nouvelles du monde #5 Colombie

Les écrivains américains, en général, sont des raconteurs d’histoires, des « storytellers ». Les écrivains latino-américains en particulier. Les cuentos y tiennent donc une place de premier plan dans la littérature et dans l’histoire du « boom latino-américain », qui a donné au monde tant de géants. Preuve, s’il en est, que dans les processus d’écriture de fiction, et même de fiction au long cours, la nouvelle joue un rôle essentiel. Les conditions politico-économiques d’un pays ont fréquemment favorisé l’écriture de ces formats courts : la pauvreté, la censure, l’absence de maisons d’édition pouvant l’expliquer… Sous les dictatures, la nouvelle se porte généralement assez bien car la littérature se réfugie dans l’écriture de textes brefs mais denses. Du nord au sud de l’Amérique latine, on est à l’aise avec cette forme d’expression. Pour l’écrire et pour la lire. La Colombie ne déroge pas à cette règle. Les Français disent souvent, et cela date de Maupassant et de Marcel Aymé, qu’une bonne nouvelle est une nouvelle qui a une bonne chute. Ce n’est pas faux, mais peut-être aussi qu’une bonne nouvelle est un texte qui déploie le potentiel d’un univers de roman. Dans la densité des personnages et des décors mis en scène, dans l’action qui s’y déroule. Univers de romans, densité des personnages et des décors, intrigue forte et puissante : on retrouve un peu tout cela dans les six nouvelles colombiennes, exclusivement d’auteurs masculins… successeurs assumés de leurs grands aînés, sélectionnées avec Marianne Millon dont nous tenons à souligner ici l’apport important à la collection « Miniatures » pour tous les titres hispaniques déjà parus. Un jour, peut-être, publierons-nous un titre 100 % féminin…

6 auteurs, 6 univers à découvrir…

Le coffre de tes misères d’Andrès Candela

Nano et Chepe, deux hommes unis par les liens du mariage. Ils sont le grand-père maternel et paternel d’une fille qu’ils évoquent sans donner son prénom. Ils évoquent leur histoire commune qui semble être baignée dans le sang. Malheureusement, je ressors frustrée de ce récit car les mystères restent en suspens. Le fond de l’histoire baignée dans le sang n’est pas révélée au lecteur. On ignore ce qui est réellement arrivé à cette famille.

La planète boiteuse de Juan Diego Méija

Elle s’appelle Estefania, c’est une jeune coureuse noire. On la découvre à travers les yeux d’un soldat qui l’admire. Un soldat qui a perdu une jambe après l’explosion d’une mine. Elle ne le remarque pas mais cela ne l’empêche pas de courir à ses côtés, de graviter autour d’elle comme une planète autour du soleil. En toile de fond de cette nouvelle, un bref aperçu des guérilleros vivant dans les forêts.

L’habit fait le moine par Juan Esteban Constàin Croce

Le bref récit d’une bataille navale pour venger après tant d’années la mort du plus grand des souverains espagnols, Charles V. Une mort causée selon Don Juan d’Autriche par un moine. Un moine à la splendeur brune, turque qui rampait tel un serpent sur les chairs du souverain en susurrant à chacun de ses pores les miracles de la tentation...

Portrait-robot par Mauricio Vargas Linares

Un homme vient trouver un journaliste et lui annonce qu’il a été payé pour le tuer. Une nouvelle captivante avec de l’action qui fait passer un très bon moment de lecture. J’ai deviné dès les premières pages la chute mais cela n’a rien enlevé à l’intérêt de l’histoire.

Résidence 101 par Ricardo Silva Romero

Don Luis, gardien de la résidence 101, fait un état des lieux au gérant. Il faut dire qu’il s’est passé des choses mystérieuses dans cette résidence. Les confidences du gardien sont l’occasion pour le lecteur de découvrir les habitants de cet immeuble de 9 étages. Une nouvelle intéressante mais dont j’attendais plus de surprises.

La quiscale à longue queue apprend à chanter de Juan Gossain

L‘architecte Vicente Roman vit dans une profonde solitude avec sa femme. Leur cercle de camarades les a abandonnés, idem pour sa famille. Il se contente de la compagnie affectueuse des animaux en particulier Caruso, une quiscale à longue queue. Vicente est profondément touché par l’ingratitude, la perfidie humaine. La chute de cette nouvelle m’a fait de la peine. J’ai éprouvé de la compassion pour ce bon vivant très entouré dans sa jeunesse et presque tout seul dans ses derniers jours.

Nouvelles de Colombie est un sympathique recueil où le lecteur entrevoit la Colombie, sa situation politico-sociale. J’aurais voulu la découvrir à travers la description approfondie des paysages, de la gastronomie. J’aurais voulu un voyage intégral des sens.

Encore une fois, merci à Youscribe qui m’a permis de lire ce recueil gratuitement.