Publié dans Arrêt sur une oeuvre

Jésus, Fils de l’homme

Jésus Fils de l'homme -Khalil Gibran

En 1928, l’écrivain libanais maronite Khalil Gibran fait paraître Jésus, Fils de l’homme, portrait du Messie sous la forme d’une mosaïque. Il y assemble les témoignages de plus de soixante-dix personnages bibliques réels ou inventés. Il ne s’attarde guère aux miracles qui sont prêtés au Fils de Dieu, mais bien plus aux paroles et actes de ce « Fils de l’homme », être humain né d’un homme et d’une femme. C’est là l’Evangile selon  Gibran.

J’étais en pleine lecture de «Une si douce illusion» quand mes yeux sont tombés sur ce livre de Khalil Gibran posé sur le bureau d’un ami. Le résumé du livre m’a poussée à le lire.

L’Evangile selon Gibran: est-ce un nouvel évangile? L’auteur invente des personnages bibliques, faut-il lire ce livre ?  Ne déforme-t-il pas les écrits du nouveau testament ?

Je me suis posé ces questions et me suis rappelé des dires de l’évangéliste Jean : « Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses ; si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pût contenir les livres qu’on écrirait. »

Le nouveau testament ne contient pas tout, les disciples de Christ ont pu chacun écrire la vie de leur Maître, les écrits de Khalil Gibran pourraient être les leurs alors j’ouvre le livre et me plonge dans ces témoignages.

Le 1er à témoigner est Jacques, fils de Zébédée. Il évoque ce jour où Jésus, sur le sommet du mont Hermon, évoque le royaume par-delà celui que ses disciples voient, où il règnera. Judas s’avance et parle d’une défense contre les Romains avec épée et bouclier à la main. Jésus le réprimande, on reconnaît des paroles des évangiles, on découvre des paroles inventées, poétiques et pleines de sens.

La 2ème à témoigner est Anne, la mère de Marie. Elle parle de la naissance de Jésus, son petit-fils avec des sentiments maternels.

Marie-Madeleine, Joanna, l’épouse de l’intendant de Hérode,  Rafca, la mariée de Cana, l’épouse de Pilate et bien d’autres femmes ayant croisé le chemin de Jésus ou partagé sa vie évoquent ce qu’elles étaient avant leur rencontre avec ce dernier et ce qu’elles sont devenues après.

J’ai apprécié m’imaginer comme Gibran ce que ces femmes ont retenu du passage de Jésus dans leur vie. J’ai aimé ces phrases pensées par Gibran que Jésus aurait pu dire :

« Tous les hommes t’aiment pour eux. Je t’aime pour toi. Moi seul aime ce qui est invisible en toi »

Chaque personnage le voit sous un angle particulier, en fonction de ce qu’il est lui-même et du trait de caractère de Jésus qui l’a marqué ; c’est ce qui donne un attrait à ce livre, on voit bien que chacun a eu une relation personnelle avec Jésus, une relation  qui ne ressemblera à aucune autre, une relation unique.

Un apothicaire grec parle de lui comme d’un médecin aguerri, un autre a été frappé par son discours, un autre le considère comme un homme pratique, un autre comme celui qui a appris à l’homme à rompre les chaînes qui l’entravent afin de pouvoir se libérer de son passé.

J’ai beaucoup aimé le témoignage du riche lévite qui voit Jésus comme un bon charpentier. J’ai imaginé Jésus s’appliquer à réaliser porte et fenêtre. D’un métier ordinaire , Jésus fait sortir la précision , la perfection. Un simple homme peut-il réaliser ce qu’il a fait ?

Les personnages se succèdent, égrènent leurs souvenirs emplis de tristesse, de manque.

Thomas évoque les origines de ses doutes,  Ephraïm de Jéricho, ce repas de noces auquel Jésus n’est pas venu.

On découvre avec plaisir des témoignages d’autres disciples,  de Zachée  et de Simon de Cyrène…

On écarquille les yeux quand on lit le nom de Judas l’Iscariote. Que va-t-il donc dire pour justifier son acte?

On reste dubitatif face aux dires de Nathanaël. Pourquoi remet-il en cause l’humilité et la douceur de Jésus?

Jésus n’a pas fait l’unanimité et j’ai aimé le fait que Gibran le mentionne dans cette mosaïque. Caïphe le grand prêtre,  un jeune prêtre à Capharnaüm interviennent et le décrivent comme un violateur de la loi, un conjurateur, un imposteur ; une veuve de Galilée comme un être cruel qui sépare un fils de sa mère.

Certains ont été épuisés par ces paroles comme comme ce Jephté qui ne veut être comblé que par les prophètes et personne d’autre, d’autres ont préféré avancer la carte de la neutralité. Ils n’étaient ni chauds, ni froids…

Ce livre m’a fait voyager, il ne remet pas en cause pas ma foi, il vient la renforcer, me donne une occasion parmi tant d’autres de ne pas oublier le message principal de Jésus: message d’amour, message d’obéissance, message de grâce; de prendre conscience qu’une humanité soumise à DIEU peut être divine…

«L’esprit de Jésus de Nazareth est le meilleur vin et le plus âgé.»

«Même si je me soucie de préserver mes richesses et ma personne, je sais où se trouve le plus grand des trésors.»

«Jésus le Nazaréen est né et a été élevé comme nous. Sa mère et son père étaient comme les nôtres. C’était un homme. Mais le Christ, le Verbe, qui était au commencement, l’Esprit qui veut que nous vivions notre vie dans toute sa plénitude, s’est joint à Jésus et est resté avec lui. »

«Puissiez-vous chercher le Père comme le ruisseau cherche la mer.»

«Les grands événements semblent toujours étranges à nos vies quotidiennes, bien que leur nature soit enracinée dans la nôtre. Mais, bien qu’ils apparaissent et disparaissent soudainement, leur véritable durée s’étend sur des années et sur des générations. Jésus de Nazareth était lui-même le Grand Evénement. »

«Quand l’amour devient immense, il se tait. »

«N’oubliez pas que la soif mène au pressoir, et que la faim mène au repas de noces. »

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Grâce Minlibé

Auteur de Chimères de verre