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J’irai cracher sur vos tombes par Jean-David Morvan

Lee Anderson, quitte sa ville natale après la mort de son frère noir, lynché parce qu’il était amoureux d’une blanche. Il échoue à Buckton, petite ville du Sud des États-Unis où il devient gérant de librairie. Grand, bien bâti, Lee parvient sans mal à séduire la plupart des adolescentes du coin. Auprès d’une petite bande locale en manque d’alcool mais très portée sur le sexe, il mène une vie de débauche. Sans toutefois perdre de vue son véritable objectif : venger la mort de son frère.

Lee ressent une profonde colère qui ne demande qu’à s’extérioriser.

Il était trop honnête, Tom, c’est ce qui le perdait. Il croyait qu’en faisant le bien, on récoltait le bien, or quand ça arrive, ce n’est qu’un hasard. Il n’y a qu’une chose qui compte, c’est se venger et se venger de la manière la plus complète qui soit

Lee veut se venger de Moran, le père qui est à l’origine de la mort de son frère et de tous les blancs. Pour ce faire, il choisit deux cibles: deux sœurs. L’adaptation BD n’indique pas leurs âges, ni celui de Lee.

L’auteur de la BD est décidé à moins choquer le lecteur que Vernon Sullivan. Il évite de nous indiquer les âges des deux jeunes filles avec qui Lee et Dexter vont passer une nuit.

Revenons aux deux sœurs. L’une est déjà dans les bras de Lee et l’autre est beaucoup plus méfiante. J’ai apprécié sa lucidité d’esprit mais pas son mépris pour la race noire. Ce mépris est aussi partagé par sa sœur. J’ai bien été contente que Lee se joue d’elles rien que pour ça.

Le récit est violent, très érotique mais c’est ainsi que la vengeance de Lee a décidé de s’habiller.

J’ai bien aimé les dessins ainsi que la colorisation des planches. J’ai passé un très bon moment de lecture.

Il me reste à découvrir les autres adaptations BD de Vernon Sullivan.

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Mamie Denis : Évadée de la Maison de Retraite

Cet ouvrage conte le périple de Mamie DENIS, vieille parisienne procédurière, contestataire et raciste qui choisit de finir sa vie en Afrique, après avoir fugué de la maison de retraite qui l’héberge.
L’histoire de Mamie Denis, de son neveu Pat, des voisins africains et des services sociaux est abordée sous l’angle comique, le seul que connaissent les auteurs ACHOU et EDIMO. Qu’on aime sa mamie ou pas, que celle-ci soit capricieuse, acariâtre, avare, méchante, endettée ou pas, chacun est concerné. Par ailleurs la France possède en son sein des millions de mamies qui rêvent peut-être de révolutionner le rapport au grand âge de la société, ou alors qui préparent en secret leur évasion vers l’Afrique, les Bahamas ou Katmandou.

« Prenez cette BD, vous allez beaucoup rire. » Tels ont été les mots de la dame au présentoir de l’éditeur Harmattan au dernier SILA.

Ma lecture a commencé par un bref agacement. La cause: Mamie Denis est raciste. Les coloniaux comme elle les appelle ne doivent pas côtoyer son monde. Elle ne se gêne pas pour leur pourrir la vie.

Son cher neveu veut précipiter ses pas dans la tombe. Entre accident et incident vécus, Mamie Denis se transforme. Ses ennemis d’hier deviennent ses amis.

Outre le racisme évoqué, cette BD évoque le quotidien parfois morose des pensionnaires des maisons de retraite.

Ai-je ri comme la dame l’affirmait ? Oui. Mamie Denis est folle. J’ai passé un sympathique temps de lecture mais les péripéties finales sont un peu tirées par les cheveux.

Quant au dessin, je ne l’ai pas trouvé à mon goût. Je vous laisse vous faire votre propre opinion à travers cette planche.

Avez-vous déjà lu cette BD ? Quelle est votre dernière lecture BD ?

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La nuit divisée – Wessel Ebersohn 

Le prélude est déchirant. Nous sommes en 1978. La jeune Cissy a 14 ans et elle est en compagnie de son frère de 5 ans. Ils sont tous deux affamés, leur mère est absente de leur logis depuis deux nuits. Quand Cissy voit des boîtes de biscuits dans une épicerie, elle ne peut résister. Elle est hélas abattue de deux balles par le tenant de l’épicier: Johnny Weizmann.

Légitime défense ? Selon la rumeur publique, le petit commerçant laisserait, certaines nuits, la porte de son magasin ouverte pour mieux piéger ses « victimes »…

Johnny Weizmann a tué huit personnes en dix ans, toutes noires sauf une. On ne lui a jamais fait de procès à cause du Criminal Procedure Act qui dit qu’on peut raisonnablement user de violence pour se défendre ainsi que sa propriété.

Le colonel Freek Jordaan l’oblige à aller voir le psychologue Yudel Gordon. Des séances que Weizmann écourte assez vite. Yudel pressent la récidive de Weizmann. Il se met donc à la recherche de preuves pour l’arrêter dans son élan.

Cette violence banalisée envers les noirs m’a mise mal à l’aise. J’ai senti ma poitrine se comprimer à chaque scène glauque. Je n’ai pas du tout aimé la fin qui montre combien l’Afrique du Sud, les Afrikaners ont fait preuve d’une injustice sans nom envers les Noirs.

Les différences de race et de langage, les itinéraires contradictoires, les diverses sociétés se côtoyant et s’excluant les unes les autres, les intérêts divergents : tout cela faisait qu’il était plus sûr et plus facile d’être blanc plutôt que noir quand on tombait aux mains de la police de sécurité.

J’ai bien aimé suivre cette 2e enquête du psychologue Yudel Gordon même si le rythme était poussif par moment. Les personnages sont crédibles, leurs réactions cadrent avec le contexte de l’époque.

Le 4e tome des enquêtes de cet inspecteur me tente. J’espère pouvoir le lire dans un avenir proche.

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Dans le ventre du Congo – Blaise Ndala

Lorsque s’ouvre l’Exposition universelle de Bruxelles le 17 avril 1958, Robert Dumont, Sous-commissaire du plus grand évènement international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a fini par rendre les armes : il y aura bel et bien un « village congolais » parmi les quatre pavillons consacrés aux colonies. Le Palais royal a coupé court aux atermoiements du supérieur direct de Dumont, son ami le baron Guido Martens de Neuberg, Commissaire général d’Expo 58.

Dumont ignore que, parmi les onze recrues congolaises mobilisées au pied de l’Atomium pour se donner en spectacle devant les visiteurs venus des quatre coins du monde, figure la jeune Tshala, fille de Kena Kwete III, l’intraitable roi des Bakuba. Le périple de cette princesse nous est alors dévoilé, entre son Kasaï natal et Bruxelles, en passant par Léopoldville où elle a côtoyé Patrice Lumumba et Wendo Kolosoy, le père de la rumba congolaise, jusqu’à son exhibition forcée à l’Expo 58, où l’on perd sa trace.

Été 2004. Fraîchement débarquée en Belgique, une nièce de la princesse disparue croise la route d’un homme hanté par le fantôme du père. Il s’agit de Francis Dumont, professeur de droit à l’Université libre de Bruxelles. Une succession d’événements fortuits finit par dévoiler à l’un comme à l’autre le secret emporté dans sa tombe par l’ancien Sous-commissaire d’Expo 58. D’un siècle à l’autre, la petite histoire embrasse la grande pour poser la question de l’équation coloniale : le passé peut-il passer ?

J’ai découvert la plume de Blaise Ndala via Sans capote ni kalachnikov. Ayant apprécié sa plume mordante, j’avais hâte de lire un autre de ses récits. Et l’opportunité s’est présentée l’an dernier, lorsque ma maison d’édition Vallesse a édité pour l’Afrique, Dans le ventre du Congo et qu’il a reçu le Prix Ivoire 2021.

Deux parties et un prélude forment la charpente de ce roman. L’Expo 58 est présentée trois mois avant, puis quarante-cinq après et six semaines après l’ouverture officielle. La 2e partie est dédiée au retour au Congo.

Le lecteur découvre les coulisses de cette exposition mais surtout la princesse Tshala qui, tombant amoureuse d’un colon belge, sera obligée de partir à Léopoldville après cet affront que constitue cette liaison interdite. Une mauvaise rencontre avec Mark de Groof, commerçant et collectionneur d’art va l’amener à se retrouver au « village de bantous congolais » de l’Exposition Universelle avec une dizaine de congolais.

Dans l’un des pavillons les plus courus où les visiteurs pouvaient s’émerveiller devant un village de Bantous congolais avec leur invité Pygmée, en pleine jungle équatoriale, comme si vous y étiez », et ainsi toucher du doigt « le long chemin que la Belgique a fait prendre à ses indigènes depuis les ténèbres de l’époque de Kurtz jusqu’à l’ère contemporaine »

Tshala va donner du fil à retordre aux responsables du pavillon. J’ai apprécié son esprit rebelle. Pendant que ses compagnons dansent au rythme du folklore de l’ethnie teke, elle chante en français ou en latin.

Elle décide avec le groupe de mettre un terme à leur participation aux activités à la suite d’un incident dans ce pavillon congolais_ un incident qui va se répéter, dans un stade de foot, 45 ans après. Mais le pygmé Zando Bara, membre du groupe, est le seul à s’opposer. Et les mots de Zando Bara m’ont fait penser à toutes ces personnes qui parce qu’ils n’ont jamais expérimenté le racisme en ont marre des revendications des autres, ces personnes qui trouvent que le racisme est moins choquant, moins humiliant que le tribalisme. La dignité humaine a-t-elle plusieurs couloirs, plusieurs échelons ?

A travers l’histoire de Tshala, ce sont des faits historiques méconnus qui sont évoqués. Je n’avais pas en effet connaissance de cette exposition universelle de 1958 ni des collections de près de 200 fœtus, crânes et autres ossements d’Africains qui sont gardés depuis la fin du XIXe siècle dans les musées royaux belges.

Le passé est sale. Doit-on l’exhumer ? Dans le ventre du Congo semble être engagé sur la voie de la conciliation, celle qui jette un coup d’œil furtif au passé mais vit pour le futur.

… depuis que la terre est notre demeure commune, des peuples se rencontrent, tantôt dans la joie, tantôt dans la douleur, tantôt sous l’étreinte de l’allégresse, tantôt sous le joug de la barbarie.
Ce ne sont pas les blessures qu’ils s’infligent les uns aux autres qui comptent le plus lorsque le temps éclaire nos vacillantes illusions de discernement. Ce qui l’emporte, fils, c’est ce que leurs enfants après eux en retiennent afin de bâtir un monde moins répugnant que celui qui les a accueillis.

Sur la question de l’immigration, l’auteur semble avoir un avis bien tranché

Les humains doivent pouvoir aller où ils veulent, quand ils veulent, parce que c’est tout ce qu’ils ont fait depuis que l’Australopithèque, l’homme de Cro-Magnon ou que sais-je, a quitté sa grotte en Afrique, professeur Funcken. C’est aussi simple que ça, il me semble, non ? Regardez donc à quel point tout ça est finalement très banal : les Allemands, par centaines, vont en Chine et y trouvent leur bonheur ; les Chinois, par milliers, vont en Ethiopie et s’y enrichissent. Alors, dites-moi, au nom de quoi les Ethiopiens n’iraient-ils pas vivre en Australie ou au pôle Nord ?

Ce roman de près de 400 pages est dense, complexe dans sa structure narrative. Impossible de le lire d’une traite pour moi. Il m’a fallu des pauses pour assimiler l’histoire de la lignée royale des Kuba notamment.

Si j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre les parties où Tshala est la narratrice, celles de sa nièce Nyota m’ont laissée indifférente car je n’y ai pas trouvé le même degré d’émotions. J’attendais beaucoup de ce dernier roman de Blaise Ndala et j’ai eu l’impression à la fin de ma lecture de rester sur ma faim.

Comme dans sans capote ni kalachnikov, l’un des personnages est un footballeur. Est-ce du pur hasard ou l’auteur aime dresser le portrait des stars du ballon rond ? 😀

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TTL 105: Africville de Jeffrey Colvin

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: K ou L comme…

J’ai pensé à Kath Ella, l’un des personnages principaux du roman Africville

Années 1930. Kath Ella refuse de suivre son destin tout tracé de fille de couleur et quitte Africville, un quartier fondé par d’anciens esclaves en Nouvelle-Écosse, au Canada. Après une histoire d’amour marquée par le deuil, elle donnera naissance à un fils, Omar, qui sera rebaptisé Étienne.

Années 1960. Étienne, dont la pâleur lui permet de passer pour un Blanc, vit en Alabama. Il est déchiré entre ses racines noires et la peur de perdre la vie qu’il est en train de construire.

Années 1980. À la mort de son père, Warner se lance dans une quête de ses origines, qui le mènera dans ce qui reste d’Africville mais aussi dans une prison d’État au fin fond du Mississippi.


Trois destins, trois personnages aux prises avec la réalité sociale de leur époque et les aléas de la vie. Pas de pathos, ni de velléité moralisatrice. Les héros de ce roman sont des êtres vrais, de chair et de sang.

En toile de fond, Africville, à la fois aimant et repoussoir, dont l’empreinte se transmet de génération en génération.
Avec ce premier roman triptyque vibrant, fruit de plus de vingt ans de recherches, Jeffrey Colvin s’impose comme une nouvelle voix de la littérature américaine, dans le sillage de Colson Whitehead et de Ayana Mathis.

Kath Ella Sebolt naît en 1918. Jeune fille brillante, elle a l’ambition d’intégrer une université grâce à une bourse, parcours très difficile lorsqu’on est noire dans les années 30, même au Canada.

J’ai découvert à travers son histoire les problématiques raciales au Canada. J’ai trouvé intéressant que cela soit abordé, étant plus habituée aux problématiques raciales aux USA en littérature.

D’un flirt, naîtra son unique enfant, baptisé par son père adoptif : Etienne.

Où était le mal ? Tant de gens font les corbeaux sans avoir à en pâtir. Quel mal y a-t‑il à dissimuler une petite part de soi-même ? Et à quoi bon s’offusquer si un enfant fait le corbeau sur sa lignée ?

Faire le corbeau, c’est se faire passer pour un Blanc et c’est ce qu’a décidé de faire Etienne. Il choisit de vivre la vie qu’il veut quitte à décider s’il est noir ou pas. Sa lignée noire tombe presque dans l’oubli…

Ce roman, c’est son histoire mais avant tout celle de sa mère Kath Ella, de son fils Warner et de sa grand-mère Zera. Ce roman c’est aussi l’histoire d’Africville: sa genèse et sa fin.

Africville évoque les discriminations raciales, questionne l’identité, l’appartenance. D’un côté, nous avons le reniement des racines par une génération, de l’autre la quête des origines par la génération suivante.

Cinq grandes parties forment la charpente de ce roman de plus de 300 pages. La narration omnisciente a rendu ma lecture laborieuse. En voulant éviter de tomber dans le pathos, l’auteur nous fait passer à côté de choses essentielles dans un roman: la profondeur, l’émotion.

J’étais distante des personnages, incapable de partager leurs états d’âme. La construction des personnages tant principaux que secondaires manque d’épaisseur. Ils sont peu aboutis.

J’ai eu du mal à m’attacher à Kath Ella mais contrairement aux autres personnages, je trouve que sa vie est beaucoup plus développée par l’auteur. J’ai d’ailleurs terminé le livre sans savoir qui étaient vraiment Marcelina et Eva.

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TTL 97 : Le mal de peau – Monique Ilboudo

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est: Scolaire.

Ce thème m’a fait penser au mal de peau de Monique Ilboudo pour deux raisons. La première: l’un des personnages principaux part faire ses études universitaires en France, la vie estudiantine est évoquée. La seconde, vous la découvrirez dans mon avis.

Couverture Le mal de peau

Le Mal de peau met en parallèle le destin de deux femmes, Sibila, la mère, et Cathy, la fille. Ces deux femmes vont, chacune dans leur époque, se trouver confrontées au colonisateur blanc. A l’image de son peuple, Sibila sera violée par le commandant de cercle. Née de ce viol, Cathy a du mal à vivre sa différence, et n’a qu’un rêve : retrouver son géniteur. A vingt ans, elle traverse la mer et vient étudier en France. Elle découvre Paris et sa banlieue, l’université, et tombe amoureuse d’un jeune Blanc. Mais après la mère, le destin de la fille sera à son tour marqué par les forces sombres de la colonisation.

Deux femmes, une lignée. Le mal de peau c’est leur histoire commune et leurs parcours de vie. On suit de façon alternée la vie de Sibila, la mère de Cathy au Tinga et Cathy qui part faire ses études universitaires en France.

Alternance de lieux mais aussi d’époque. Le Tinga colonial et post-colonial.

Dressons d’abord le portrait de la mère. Une femme que la vie n’a pas épargnée. Son père tente de la marier de force, elle est ensuite violée par un colon. Ces événements ont-ils conditionné sa vie sentimentale ? C’est l’impression qu’on a car Sibila enchaîne les déboires sentimentaux. J’ai eu de la peine pour cette mère célibataire qui tente à travers les hommes qu’elle rencontre de trouver un père pour ses enfants.

Cathy est le fruit d’un acte sexuel non consenti. Métisse, elle subit des rejets à l’école. Elle rêve de connaître son père. Ses études universitaires la mènent en France et elle y rencontre un jeune homme blanc issu d’une famille où le mélange des races ne fait pas partie des vœux.

Dans ce pays qui n’est pas le sien, elle se frotte au racisme, au rejet. Le mal de peau refait surface.

Défis de mère célibataire, racisme dans les années post-coloniales, métissage et sentiment d’entre-deux sont les thématiques de ce roman.

Thématiques intéressantes mais j’ai eu du mal au bout d’un certain temps avec la narration académique, le ton didactique. J’ai hélas trouvé que certaines descriptions étaient inutiles à mon sens.

Je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages. J’ai trouvé que l’histoire de Sibila était plus vivante que celle de sa fille.

Et que dire du dénouement ? Une véritable déception ! Quel était le but de l’auteur: choquer le lecteur, déclencher une avalanche de larmes, rendre son histoire inoubliable ? D’autres péripéties auraient été nettement judicieuses. Oui, une vie qui commence et s’achève dans le malheur, c’est un fait, mais qu’elle nous présente un clap de fin de ce genre, ça n’a aucun sens pour moi.

Quel livre auriez-vous proposé pour ce thème ?

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TTL 80: Born A Crime – Trevor Noah

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est : J comme…

J’ai pensé à J comme Johannesburg, J comme jeunesse et donc au récit autobiographique de Trevor Noah.

Couverture Born a Crime: Stories from a South African Childhood

Le best-seller du New York Times, fascinant, inspirant et comiquement sublime, sur le passage à l’âge adulte d’un homme, se déroule au crépuscule de l’apartheid et des jours tumultueux de liberté qui ont suivi. Le parcours improbable de Trevor Noah, de l’Afrique du Sud de l’apartheid au bureau du Daily Show, a commencé par un acte criminel : sa naissance. Trevor est né d’un père suisse blanc et d’une mère noire Xhosa à une époque où une telle union était punie de cinq ans de prison. Preuve vivante de l’indiscrétion de ses parents, Trevor a été maintenu la plupart du temps à l’intérieur pendant les premières années de sa vie, lié par les mesures extrêmes et souvent absurdes que sa mère a prises pour le cacher à un gouvernement qui pouvait, à tout moment, le voler.

Born a Crime est l’histoire d’un jeune garçon malicieux qui devient un jeune homme agité alors qu’il lutte pour se retrouver dans un monde où il n’était pas censé exister. C’est aussi l’histoire de la relation de ce jeune homme avec sa mère, intrépide, rebelle et fervente de religion, sa coéquipière, une femme déterminée à sauver son fils du cycle de la pauvreté, de la violence et des abus qui menaceraient finalement sa propre vie. Les dix-huit essais personnels rassemblés ici sont tour à tour hilarants, dramatiques et profondément touchants. Qu’il s’agisse d’être jeté d’une voiture en marche lors d’une tentative d’enlèvement, ou simplement d’essayer de survivre aux pièges de la vie et de la mort que représentent les fréquentations au lycée, Trevor éclaire son monde curieux avec un esprit incisif et une honnêteté sans faille. Ses histoires s’entremêlent pour former un portrait émouvant et terriblement drôle d’un garçon se frayant un chemin dans un monde endommagé à une époque dangereuse, armé seulement d’un sens de l’humour aigu et de l’amour inconditionnel d’une mère.

Des extraits percutants de cette autobiographie ont été partagés par des amis sur les réseaux sociaux et m’ont donné l’envie de la lire. Trevor Noah nous partage une tranche importante de sa vie. A cœur ouvert, avec beaucoup d’humour, il nous décrit son enfance, son adolescence, les moments passés avec les amis, les incartades, etc…

Il nous dévoile son monde: la société sud-africaine pendant et après l’apartheid. J’avoue qu’il y a certains passages que je n’ai pas trouvés intéressants mais j’ai beaucoup aimé la vision approfondie de l’apartheid que Trevor nous livre ainsi que ses réflexions sur l’héritage culturel des métis.

Tout au long de son récit, Trevor Noah énonce des vérités percutantes qui m’ont beaucoup fait réfléchir sur les histoires personnelles et communes.

« In Germany, no child finishes high school without learning about the Holocaust. Not just the facts of it but the how and the why and the gravity of it—what it means. As a result, Germans grow up appropriately aware and apologetic. British schools treat colonialism the same way, to an extent. Their children are taught the history of the Empire with a kind of disclaimer hanging over the whole thing. “Well, that was shameful, now wasn’t it?”
In South Africa, the atrocities of apartheid have never been taught that way. We weren’t taught judgment or shame. We were taught history the way it’s taught in America. In America, the history of racism is taught like this: “There was slavery and then there was Jim Crow and then there was Martin Luther King Jr. and now it’s done.” It was the same for us. “Apartheid was bad. Nelson Mandela was freed. Let’s move on.” Facts, but not many, and never the emotional or moral dimension. It was as if the teachers, many of whom were white, had been given a mandate. “Whatever you do, don’t make the kids angry.”

There is also this to consider: The name Hitler does not offend a black South African because Hitler is not the worst thing a black South African can imagine.
Every country thinks their history is the most important, and that’s especially true in the West. But if black South Africans could go back in time and kill one person, Cecil Rhodes would come up before Hitler. If people in the Congo could go back in time and kill one person, Belgium’s King Leopold would come way before Hitler. If Native Americans could go back in time and kill one person, it would probably be Christopher Columbus or Andrew Jackson.

J’ai lu le récit en VO et j’ai trouvé le niveau de langue accessible. J’ignore d’ailleurs s’il a été traduit en français.

Et vous, qu’auriez-vous proposé pour ce thème ?

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TTL 75: Les brumes de Key West de Vanessa Lafaye

Qui dit jeudi, dit Throwback Thursday Livresque. Cette semaine, le thème est Alcool.

L’alcool est assez présent dans ce roman que je vais vous présenter car John Morales, l’un des personnages principaux, est propriétaire d’un bar où l’alcool coule bien évidemment à flots. Quand débute la prohibition, notre héroïne, Alicia, va s’associer à lui dans la contrebande.

Couverture Les brumes de Key West

Lors d’un rassemblement du Klu Klux Klan, Alicia Cortez, 96 ans, abat un homme de de sang-froid. Ce crime, elle l’assume et le revendique.
Alicia Cortez quitte Cuba pour fuir un mari violent et trouve refuge en Floride auprès de sa tante, Beatriz. Elle comprend rapidement que celle-ci dirige, non pas un salon de thé, mais une maison close. La belle Alicia trouve petit à petit sa place dans cet univers grâce à son savoir de guérisseuse. Depuis le bateau qui l’a conduite aux États-Unis, la jeune métisse s’est rapprochée de John, ténébreux vétéran qui tient le bar d’à côté.
Mais comment s’aimer dans un pays où le racisme n’a jamais cessé d’être la norme ? Avec l’arrivée du Klu Klux Klan en ville, le drame semble inéluctable.

Je ne vous ai jamais caché mon amour pour les couples mixtes. Pour moi, c’est l’un des plus beaux projets de la création. C’est cet attrait qui m’a poussé à faire une recherche de livres sur Babelio et m’a conduite à ce 2e roman de Vanessa Lafaye.

J’ai trouvé tellement beau que l’auteure s’inspire de faits réels pour écrire cette histoire forte, émouvante. J’ai apprécié les thèmes abordés, le contexte historique décrit avec précision, l’histoire d’amour inachevée. Les brumes de Key West n’est pas loin du coup de cœur. C’est l’une de mes rares belles lectures cette année.

Comme l’auteure, je trouve que les méthodes de recrutement du Ku Klux Klan ne sont pas très loin de celles des mouvements extrémistes de notre époque.

Petite anecdote : J’ai eu beaucoup d’empathie pour l’auteure car elle écrit dans sa note de fin d’ouvrage qu’écrire un 2e roman est difficile et je le ressens en ce moment. C’est un grand challenge quand le lectorat a bien accueilli la 1ère oeuvre.

J’ai fait quelques recherches sur Manuel Cabeza, le John Morales dans la vraie vie et j’ai été heureuse de savoir qu’il a reçu les honneurs qu’il méritait en 2019. Vous pouvez en savoir plus ici

Et vous, quel titre auriez-vous choisi pour ce thème ?

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Nouvelles du monde #7 : Réunion

« Miniatures » fait escale sur la Route des Indes, en plein océan Indien, dans les Mascareignes, dans l’ancienne Île Bourbon. Le monde entier est passé par là pendant cinq siècles. Tout comme la Guadeloupe ou la Martinique, La Réunion a été le lieu d’un vaste brassage. Témoignant de tous les trafics qui s’y sont pratiqués, sa population es issue de Madagascar (les Malgaches), de l’est de l’Afrique (les Africains), de l’ouest et du sud-est de l’Inde, le Gujarat (les Zarabes) et le Tamil Nadu (les Tamouls) ainsi que du sud de la Chine, notamment de Guangzhou (Canton) et bien sûr d’Europe. Cela fait de cette île un concentré de tout, une planète-terre miniature où l’Europe, l’Asie, le monde arabe et l’Afrique co-existent. Cette position indianocéanique, au carrefour des routes commerciales d’autrefois, en a fait ce qu’elle est aujourd’hui. Insularité, discriminations raciales, famille, maternité, adultère : tels sont les thèmes vitaux abordés dans les six nouvelles de ce recueil. Avec pour toile de fond la nature spectaculaire de cette île : son volcan, ses forêts, ses plaines et plateaux d’altitude, sa flore et sa faune exceptionnels.

La Réunion est une île-monde. Sa littérature est aussi, d’une certaine façon, une littérature-monde.

Mon tour du monde littéraire continue. Aujourd’hui, Cap sur l’île de la Réunion avec ce recueil de nouvelles reçu dans mon swap sur le thé.

Ce recueil de six nouvelles est majoritairement composé de plumes féminines. Commençons par celle qui a été mon coup de cœur tant au niveau de la forme que du fond.

Meurtre dans un jardin – Isabelle Hoarau-Joly

Irma est mariée à Romain, un homme addict à l’alcool. Son mariage tourne au vinaigre, leur amour s’est perdu dans les vapeurs du rhum. Irma se plaint à sa belle-mère mais cette dernière qui a élevé son fils au rang de Dieu rejette l’addiction de son fils sur sa bru.

Irma songe à quitter son mari, mais sans travail et revenu, où irait-elle ?

Sa famille la traiterait d’idiote et refuserait de l’héberger. Combien rêvaient d’un mari fonctionnaire ? Personne ne comprendrait ! Il y avait tant de femmes, dont sa mère qui avait enduré toute une vie un homme qu’elle n’aimait plus, pour qui il ne restait que l’habitude du quotidien: une laisse à laquelle on est attaché ! On s’y accroche par peur de l’inconnu ou du qu’en-dira-t-on !

Irma subit son mariage et s’évade dans son jardin. Son jardin est son paradis, en opposition à l’enfer de la maison. Mais dans ce paradis, un être va mourir.

Une nouvelle alliant français courant et familier. Une nouvelle olfactive et visuelle. On se projette dans le jardin d’ Irma.

Avant le cri, il y a la faute – Jean-François Samlong

« Si le bonheur s’arrête en chemin, se dit-il, le malheur jamais ; il fonce droit sur vous. »

Un fiancé déshonoré par sa promise, un père qui tente d’éviter la survenance du pire, du malheur. Mais je ne suis pas sûre d’avoir compris le fin mot de cette nouvelle.

Le gouffre – Monique Merabet

Le récit a pour cadre spacio-temporel, l’étang-salé, une commune de la Réunion, en 2001. Le narrateur s’appelle Garou. Brebis galeuse, il a été mis au rebut par le reste de sa famille après la mort de sa mère, expatrié dans un orphelinat de la Creuse. C’est un jeune homme que la guigne poursuit. Sympathique histoire avec une chute digne d’une nouvelle.

Le pays paille-en-queue – François Dijoux

La faune, la flore de l’île de la réunion, les villages de l’île de la Réunion sont présentés au lecteur. Ce dernier a même droit à un rappel historique sur l’Îlet-à-Cordes.

Léontine est le personnage principal de cette nouvelle. Elle a conservé la tradition immémoriale des brodeuses venues de Bretagne et son unique motif est la paille-en-queue. Elle évoque sa vie avec Vivian, sa solitude après sa mort et le départ de ses enfants, une fois, adultes.

Madame sans-langue – Monique Séverin

Une nouvelle qui débute par un prologue où une femme demande pardon aux femmes qui ont perdu un enfant. Elle les supplie de pardonner celle qui pleure un fils vivant.

Madame-sans-langue est le personnage central du récit. Une femme à qui l’on a arraché un enfant. Une histoire sur la maternité, la discrimination raciale. Je ne suis pas sûre d’avoir compris tous les contours du récit. J’espère qu’il y aura d’autres avis de lecture sur ce recueil pour découvrir ce qui m’a échappé.

Une sauvageonne chez Molière – Monique Agénor

Une jeune femme se voit refuser un rôle dans un théâtre car elle n’a pas la gueule de l’emploi. Ses cheveux sont frisés, son teint soutenu, son nez inexistant, son accent qui vient de je ne sais où pour reprendre les dires du Directeur.

Une jeune femme qui va prendre sa plus belle revanche. Le lecteur a droit à un rappel historique sur la semaine sanglante.

Nouvelles de la Réunion a été une lecture moyenne dans l’ensemble mais j’ai apprécié ce voyage virtuel de la Réunion. La nature spectaculaire de cette île est très bien décrite.

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Alabama 1963 – Ludovic Manchette et Christian Niemiec

Les événements se déroulent entre le jeudi 8 août 1963 et le samedi 4 janvier 1964 à Birmingham, en Alabama, au cœur de la ségrégation raciale.

Le jeudi 8 août 1963, la nature est impuissante face au lourd sommeil d’une fille noire d’une dizaine d’années.

Oiseaux, mouche, brin d’herbe, scarabée, branches de chêne se meuvent mais pas elle. Elle dort d’un sommeil éternel.

Le mercredi 14 août 1963, le lecteur découvre Adela Cobb, une trentenaire noire, femme de ménage avec un programme hebdomadaire bien défini:

  • Lundi et jeudi chez Gloria Landaker
  • Mardi et vendredi chez Dorothy Hayes
  • Mercredi et samedi chez Carol Finnegan

Lorsque Carol Finnegan la vire parce que son fils a osé jouer avec la fille d’une voisine, Adela est obligée de trouver un autre employeur pour les mercredis et samedis.

Une mauvaise blague va la conduire chez Bud Larkin, un ancien policier reconverti en détective privé depuis un an ou deux et marié à l’alcool. Ellis et Lottie Rodgers, les parents de Dee Dee, une jeune fille de 11 ans, lui ont demandé d’enquêter sur la disparition de cette dernière.

Lorsque d’autres filles noires vont disparaître les unes à la suite des autres, Bud n’aura pas d’autre choix que d’associer Adela à son enquête.

Ce duo improbable fera son possible pour débusquer le coupable mais nos enquêteurs ne sont ni Hercule Poirot ni Sherlock Holmes. Le lecteur a même une longueur d’avance sur eux puisque le tueur se présente d’abord à lui avant Adela et Bud.

Ça m’avait manqué les très bonnes lectures cette année ! Sous fond de polar et d’histoire, Alabama 1963 est une belle histoire de rencontre, d’ouverture à l’autre et d’amitié.

Une lecture efficace: agréable tout en étant fluide. Elle est captivante, l’humour est présent, les personnages tant principaux que secondaires (à l’exception des vilains) sont attachants.

La fin, émouvante, montre une société en mutation et qui a encore beaucoup à faire pour que le vivre ensemble soit une réalité.