Londres, 1826. Toute la ville est en émoi. La foule se presse aux portes de la cour d’assise pour assister au procès de Frannie Langton, une domestique noire accusée d’avoir tué Mr et Mrs Benham, ses employés. Pour la première fois, Frannie doit raconter son histoire. Elle nous parle de sa jeunesse dans une plantation de canne à sucre en Jamaïque, où elle a été le jouet de chacun : de sa maîtresse, qui s’est piquée de lui apprendre à lire tout en la martyrisant, puis de son maître, qui l’a contrainte à l’assister sur nombre d’expériences scientifiques, plus douteuses les unes que les autres. Elle nous parle de son arrivée à Londres, où elle est » offerte » aux Benham, comme un vulgaire accessoire, de son amitié avec la maîtresse de maison, de leur même appétit pour la lecture, la culture. De leur passion… Elle se dévoile pour tenter de se souvenir de cette terrible nuit, qui lui échappe complètement. Mais une question la ronge sans cesse, comment aurait-elle pu tuer celle qu’elle aime ?
Une couverture rouge pour les sentiments passionnels en complète contradiction : amour / colère, sensualité / sexualité, courage / danger, ardeur / interdiction…
Sur cette couverture, ce sont les fleurs qui m’attirent en premier.
C’est en regardant plusieurs fois la couverture que je remarque le crâne.
C’est en avançant dans ma lecture que je fais attention aux ciseaux.
Après la Barbade avec Washington Black, je découvre la Jamaïque au temps de l’esclavage.
La Jamaïque était une somme : hommes, cannes, guinées. Qu’un élément vienne à manquer, les autres ne s’additionnaient pas et alors un homme cessait d’en être un.
Un énième récit sur l’esclavage parce que l’un des grands drames de l’histoire de l’humanité ne peut pas être mis en sourdine.
Un énième récit sur l’esclavage pour ne pas que l’histoire soit travestie. Comme dirait Frannie dans ses confessions : « Nous ne nous rappelons pas les choses de la même façon ».
Un énième récit sur l’esclavage mais particulier car il évoque la vie d’une domestique, une « nègre de maison » et les expériences scientifiques faites sur les esclaves morts comme en vie.
Des études de phrénologie, des expériences pour vérifier leur capacité d’intelligence et autres plus horribles les unes que les autres.
Il concédait néanmoins la possibilité d’un intellect plus élevé en cas de mélange du blanc avec le noir, le type de décoloration raciale que Pauw a été le premier à décrire.
Lorsqu’il parvenait à mettre la main sur un corps, il faisait cloquer la peau avec de l’eau bouillante, puis le laissait tremper une semaine dans de l’alcool de vin.
Tant d’horreurs et dire que les blancs de cette époque se croyaient humains et que les noirs étaient les sauvages !
Ces expériences m’ont rappelé en partie Blanchissez-moi tous ces nègres de Serge Bilé.
Le récit évoque les préjugés racistes à la peau dure. Un amour interdit est également relaté mais il ne m’a pas touchée. Non seulement parce que l’homosexualité ce n’est pas ma tasse de thé mais surtout parce que j’ai détesté le personnage de Mrs Benham. Une psychopathe, manipulatrice, accro à l’opium qui a utilisé Frannie pour satisfaire ses désirs.
Les confessions de Frannie Langton est un roman gothique dans tous les sens du terme. L’atmosphère du récit est glauque. Le style de Sara Collins est exigeant, cru. Il peut perdre ou lasser mais les sujets abordés sont si profonds que le lecteur est obligé de s’accrocher.
J’ai souligné un nombre importants de réflexions des personnages sur l’esclavage, les abolitionnistes, la perception de l’homme noir. Ce livre est un concentré d’idées de débat.
Ce que personne ne veut admettre, c’est que les abolitionnistes ont le même appétit que les esclavagistes pour la misère, simplement ils ne souhaitent pas en faire la même chose.
Vous pensez qu’un homme noir est représentatif de tous les autres membres de sa race. Vous ne lui autorisez ni personnalité ni passions.
Les noirs n’écriront pas jamais que la souffrance, et uniquement à destination des blancs, à croire que notre seule raison d’être est de les faire changer d’avis.
Ne penses-tu pas que chacun devrait lire un poème par jour ? On ne peut pas vivre que de romans ! Elle avait raison. Un roman, c’est un long verre tiède, un poème, c’est une flèche dans le crâne.
Les femmes se concentrent sur ce qui leur manque, les hommes sur ce qu’ils désirent.
Dans tous les hommes il y a de la cruauté. Ceux que nous considérons comme bons sont ceux qui prennent la peine de la cacher.
Éditeur : Belfond
Date de publication : Avril 2019
Disponible aux formats papier et numérique
Roman présélectionné pour le Prix les Afriques 2020