Un jour de janvier 1996, dans un village du Nigeria, quatre frères profitent de l’absence de leur père pour pêcher au bord du fleuve interdit Omi-Ala.
Le sorcier Abulu, qui les a vus, lance sur eux une terrible malédiction : l’aîné, Ikenna, mourra assassiné par l’un de ses frères.
La prophétie bouleverse les esprits, et hante la famille jusqu’au dénouement tragique.
Avec cet admirable récit dans lequel le tempo du conte africain accompagne la peinture du monde contemporain, Chigozie Obioma invente une forme nouvelle d’écriture romanesque.
Quand le pilier de notre fratrie s’écroule, tout s’écroule avec lui…
Ikenna, Boja, Obembe, Benjamin… Ce n’étaient que des enfants. L’aîné n’avait pas encore seize ans. Ils ne méritaient pas d’être autant acculés, emprisonnés par la fatalité.
Il y a des rencontres qui ne doivent jamais se faire, on n’en sort pas sain et sauf, des personnes qui ne doivent jamais croiser notre chemin au risque d’être engloutis dans leur chaos.
Il y a des mots qui détruisent et ces mots-là jamais ne doivent être dits, jamais ne doivent être répétés parce qu’il est difficile de les négliger, oublier.
Pourquoi as-tu répété ces mots, Obembe ? Pourquoi y as-tu cru, Ikenna ? Pourquoi ?
Telles sont les questions que j’ai posées aux personnages de cette fiction qui pour moi étaient plus que des personnages de papier. Leurs sentiments n’ont pas été inventés, ils sont si réels : le désespoir, l’effroi, la haine se ressentent avec une telle intensité.
Quand un malheur nous tombe dessus, on le subit. Quand un malheur nous est annoncé, doit-on le préparer ?
J’ai vu dans ce livre le pouvoir des superstitions et des croyances. J’ai vu comment elles peuvent soulager (prières de la mère, l’environnement de l’église) et comment elles peuvent détruire (prophétie d’Abulu).
J’ai assisté impuissante à leurs malheurs. J’ai cherché en vain des alternatives pour que ça s’arrête mais je n’étais pas le destin, cette force supérieure. L’Homme n’est pas l’infini, il est limité, il y a des choses qui lui échappent, je l’ai davantage compris en lisant ce roman.
L’ambivalence a été l’une de mes compagnes pendant ce temps de lecture. J’en ai voulu au père qui n’a pas écouté à temps les signaux que lui envoyaient son épouse par rapport aux enfants mais je l’ai admiré pour sa maîtrise de soi, son courage, son espérance de jours meilleurs. Cet homme a voulu un avenir meilleur pour ses fils et il a fait le nécessaire pour que cela arrive.
J’en ai voulu à Ikenna, Boja, Obembe mais des enfants en proie à l’effroi pouvaient-ils gérer autrement les circonstances ?
J’ai détesté Abulu mais cet homme était-il réellement lui-même ?
J’ai eu mal au cœur pour cette mère déstabilisée parce qu’elle n’arrive pas à éviter les maux qui menacent ses enfants.
Les quelques événements comiques glissés dans le roman tombent à point. Ils allègent le poids de la tristesse que dégage ce roman.
Les pêcheurs est un excellent roman psychologique. L’auteur nous a servi une belle analyse de ses personnages : la description des états d’âme, passions, conflits psychologiques, sentiment de fraternité est réussie.
C’est aussi un beau récit lyrique, très imagé. J’ai beaucoup aimé les comparaisons utilisées par le narrateur :
- le père de famille est l’aigle,
- la mère est la fauconnière,
- Ikenna, le python,
- Boja, le parasite,
- Obembé, le limier,
- Benjamin, la phalène.
La traduction de ce roman est sublime, j’imagine que la version originale doit être encore plus puissante.
Ce roman restera longtemps dans ma mémoire. Je le recommande aux passionnés de roman psychologique et le déconseille à ceux qui sont déprimés.
Les auteurs nigérians sont à suivre de très près. Ils possèdent d’excellentes qualités de conteur.
Né en 1986 au Nigeria, Chigozie Obioma enseigne la littérature aux États-Unis. Son premier roman, Les Pêcheurs, publié dans 26 pays, a immédiatement connu un immense succès public et critique.
Pour en savoir plus sur le roman, cliquez ici